Et La Réunion est bien plus concernée que la métropole par ces situations. La pauvreté y est nettement plus répandue. Cette étude de l'INSEE précise que 38 % de la population réunionnaise vit sous le seuil de pauvreté monétaire contre 14 % dans l'Hexagone. Illustration par des difficultés à régler des factures courantes dans les temps. En 2018, 18% des ménages réunionnais n'ont pas pu payer leurs factures d'eau ou d'éléctricité dans les délais. C'est troi fois plus qu'en métropole avec 5%. Les retards de règlement des loyers sont aussi plus fréquents sur l’île (10 % contre 4 %).
Des mères isolées très touchées par la pauvreté
À La Réunion, 59 000 mères élèvent seules leurs enfants, une situation deux fois plus fréquente qu’en métropole (21 % contre 9 %). Et 61 % de ces femmes vivent sous le seuil de pauvreté à La Réunion, en 2015, contre 44 % des hommes en familles monoparentales et 34 % des couples avec enfants.
Cette étude nous apprend que plus le nombre d’enfants est élevé, plus le taux de pauvreté est important. Il culmine à 79 % pour les mères seules avec trois enfants ou plus. "Les mères isolées cumulent les facteurs de risques de pauvreté. Leur faible niveau d’études et la problématique de la garde des enfants constituent des freins à leur insertion professionnelle".
Du fait de cette précarité plus fréquente, les familles monoparentales ont davantage de difficultés
pour faire face au quotidien : 29 % d’entre elles ont réglé avec du retard leurs factures d'eau ou
d'électricité et 18 % leur loyer.
Femmes et enfants victimes de violences intrafamiliales
Les chiffres le démontrent, les violences dans la sphère familiale sont plus fréquentes à La Réunion. Cette étude dévoile qu'en " 2015, 2,1 ‰ des personnes de 15 ans ou plus ont été victimes de coups et blessures dans la sphère familiale contre 1,4 ‰ en métropole (au sens des événements connus des forces de l’ordre)" .
L'INSEE indique que la consommation excessive d’alcool est une des explications de cette violence plus fréquente qu’ailleurs. Ainsi, 4,6 % des passages aux urgences sont directement liés à l’alcool, en majorité pour des intoxications éthyliques aiguës contre 1,4 % au niveau national. Ce taux atteint 16,8 % pour les passages aux urgences des hommes entre 46 et 60 ans.
Dans le contexte du confinement, ces violences peuvent prendre une ampleur plus grande encore. Pour lutter contre la hausse de ces violences, la vente d’alcool entre 17h et 6h est interdite à La Réunion depuis le 1e avril.
Au niveau national comme à La Réunion, les signalements de coups et blessures par des personnes de 15 ans ou plus, exercés dans un contexte intrafamilial et rapportés à la police ou à la gendarmerie, ont baissé pendant les premières semaines de confinement. Cette baisse est intervenue alors même que la tendance était à la hausse depuis le Grenelle de lutte contre les violences conjugales de novembre 2019. Des dispositifs exceptionnels ont alors été mis en place pour permettre aux victimes de violences dans la sphère intrafamiliale de mieux se faire connaître.
À La Réunion, sept points d’accueil ont ainsi été ouverts dans les centres commerciaux, les 250 pharmacies interviennent comme lanceuses d’alertes auprès des forces de l’ordre, 30 nouvelles places d’accueil pour les femmes victimes et leurs enfants ont été ouvertes en plus des 22 déjà existantes. Au niveau national, le nombre d’enregistrements de coups et blessures remonte depuis la quatrième semaine de confinement et dépasse dorénavant le niveau de 2019, avec 2 500 victimes enregistrées la semaine du 20 au 26 avril.
Concernant les enfants maltraités, sur la semaine du 13 au 19 avril, le nombre d’appels au 119, service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger, a quasiment doublé par rapport à la même période en avril 2019, pour atteindre 14 500 appels sur toute la France.
Un risque de décrochage scolaire accru
Cette étude de l'INSEE s'intéresse également au risque de décrochage scolaire en cette période de confinement. Dans le département, 244 400 mineurs de moins de 18 ans sont soumis au confinement. À La Réunion, 47 % de ces enfants vivent sous le seuil de pauvreté, contre 21 % en métropole. À Sainte-Rose et Salazie, cette part dépasse même 60 %.
Pour 67 500 enfants, le suivi de la scolarité peut s’avérer particulièrement difficile car aucun de leur parent n’a de diplôme : 29 % des enfants sont dans ce cas, contre 11 % en métropole. Dans certains quartiers urbains du Port, de Saint-Paul ou de Saint-Benoît, ainsi qu’à Cilaos et Salazie, cette part dépasse les 45 %. Les difficultés se cumulent pour les 27 800 enfants vivant uniquement avec leur mère ou leur père, lorsque le parent n’a pas de diplôme.
De plus, la fracture numérique est davantage préoccupante à La Réunion, ce qui ajoute au risque de décrochage scolaire alors que les relations entre enseignant-es et enfants se font essentiellement par le biais d’internet actuellement : seules 65 % des personnes de 15 ans ou plus sans diplôme disposent d’une connexion internet à leur domicile, alors que c’est le cas de quasiment tous les diplômés du baccalauréat.
L’absence d’une continuité pédagogique à distance, est préoccupante à l’heure où le département accuse déjà un retard conséquent avec la métropole : 29 % des jeunes de 20 à 24 ans ont quitté le système scolaire sans diplôme, contre 18 % des jeunes vivant en métropole.
Des travailleuses et des travailleurs pauvres
Avec la réduction de l’activité économique due au confinement, de nombreuses personnes actives sur le marché du travail voient leurs revenus baisser. "Les salariés au chômage partiel ne touchent plus que 84 % de leur salaire habituel, les entrées en contrat aidé ou autres contrats à durée déterminée ont chuté, l’offre de missions d’intérim s’est raréfiée, l’activité de certains indépendants est stoppée ou ralentie".
Cette situation est particulièrement préoccupante pour les travailleurs et travailleuses pauvres, aux conditions d’emploi souvent fragiles, qui risquent de tomber dans une plus forte précarité. Ils sont plus nombreux à La Réunion qu'en métropole. Parmi les ménages dont les revenus d’activité (salaires et revenus des indépendant-es) sont la principale ressource déclarée, 21 % se situent en dessous du seuil de pauvreté en 2017. C’est deux fois plus qu’en métropole.
Au-delà de leur vulnérabilité économique, certains salariés ou indépendants aux revenus faibles sont particulièrement exposés au risque sanitaire depuis le début du confinement, en particulier des métiers très féminisés. Ainsi, le commerce et les services de proximité rassemblent les salariés les moins rémunérés, dont les tâches ne peuvent être faites en télétravail, et dont la majorité ont travaillé en contact avec du public durant le confinement. C’est le cas par exemple des salarié-es des services à la personne, majoritairement des femmes, qui interviennent notamment auprès des personnes dépendantes. Elles sont particulièrement peu rémunérées à La Réunion : 91 % touchent un salaire horaire brut proche du Smic.
Les personnes âgées ou en situation de handicap plus touchées
A La Réunion, les personnes de 75 ans ou plus, vivant seules sont plus rares, mais aussi plus vulnérables. "Parmi les 11 100 personnes âgées isolées, 6 100 vivent sous le seuil de pauvreté, soit un taux de pauvreté de 56 % contre 12 % en métropole. La plupart d’entre elles sont des femmes (8 400), ne possèdent pas de voiture ce qui les rend particulièrement dépendantes d’une aide extérieure pour celles qui n’habitent pas à proximité de commerces".
Cette étude met en avant également le fait que vieillir en maison de retraite est bien moins fréquent à La Réunion qu’en métropole. Les 1 800 personnes qui y résident représentent 1 % des 60 ans ou plus contre 4 % en métropole. Vieillir en institution est aussi rare pour les personnes en perte d’autonomie : les Réunionnais-es ne sont que 6 % à vivre en institution contre 22 % en métropole. "Lorsque la perte d’autonomie est sévère, cela est plus fréquent mais trois fois moins qu’en métropole (16 % contre 47 % en métropole)".
Moins nombreuses qu’en métropole, les personnes âgées à La Réunion sont en moins bonne santé. L'INSEE précise que "19 % des Réunionnais-es de 60 ans ou plus sont en perte d’autonomie contre 15 % en métropole et 32 % des 65 ans ou plus jugent leur état de santé mauvais ou très mauvais contre 17 % en métropole". Les maladies chroniques sont notamment plus fréquentes : 76 % des personnes de 65 ans ou plus sont concernées à La Réunion contre 64 % en métropole.
Fin 2018, à La Réunion, 14 500 personnes percevant l'allocation adulte handicapé (AAH), destinée à des personnes handicapées aux revenus modestes, vivent seules. Confinées, elle se retrouvent encore plus isolées, devant gérer les difficultés physiques ou psychologiques du quotidien. Les structures d’accueil pour les personnes en situation de handicap sont rares sur l’île : seules 1 600 personnes en situation de handicap ou nécessitant des soins vivent dans des établissements de santé ou du social.
Malgré cette moindre prise en charge des personnes âgées ou en situation de handicap au sein des institutions, la population réunionnaise a moins recours aux services à la personne (10 % des ménages contre 14 % en métropole), avec des écarts encore plus importants pour les personnes âgées. Un situation qui s'exlique en partie par une solidarité intergénérationnelle plus forte dans le département. Ainsi, 34 % des personnes âgées de 60 ans ou plus sont aidées par leur entourage contre 21 % en métropole. Néanmoins, une part des personnes âgées réunionnaises semblent limiter leur consommation de services à la personne pour des raisons financières : parmi les personnes de 60 ans ou plus qui ne reçoivent pas d’aide à domicile, une sur cinq déclare en avoir besoin, notamment pour le ménage ou le repas.