Membre du conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) depuis 1996, Isabelle Autissier a embarqué ce mardi 19 novembre au Port à bord du Marion Dufresne pour la première fois en tant que présidente de cette instance dont elle a pris la tête en 2021. Avant de quitter le Port pour les Kerguelen, elle a accepté de répondre aux questions de Réunion La 1ère.
C'est votre première rotation dans les îles subantarctiques en tant que présidente du conseil consultatif des TAAF. Pourquoi ce voyage ?
Isabelle Autissier : En tant que présidente du conseil, il est important que je puisse être au contact des bases et entendre tout le monde pour être la plus efficace possible. C'est l'occasion d'accompagner la relève pour les bases, les scientifiques qui vont y séjourner et de visiter les installations.
Vous partez huit jours après les skippers du Vendée Globe, une course que vous connaissez bien... Pensez-vous les croiser là-bas ?
Nous aurions bien aimé, mais cela ne sera pas possible car nous serons très en avance sur eux. Et puis, il vaut mieux leur souhaiter de ne pas avoir à s'arrêter dans les terres australes car cela voudrait dire qu'il y a eu un souci...
Le programme a dû être modifié en raison d'un début d'épizootie observé à Crozet et Kerguelen, qu'en est-il exactement ?
Il a été constaté une mortalité anormale de jeunes éléphants de mer sur l'île de La Possession, dans l'archipel de Crozet. Une soixantaine d'individus morts, tandis qu'un éléphant de mer a été testé positif à un pathogène d'origine grippal sur Kerguelen. Il y aurait aussi une possible transmission aux manchots et aux albatros. Aussi, les zones touchées ont été fermées, et certains scientifiques ont dû annuler leur participation à la rotation. Les prélèvements qui viennent d'être ramenés il y a deux jours à bord du Marion Dufresne ont été envoyés à Paris pour analyse.
Est-ce que cela suscite une inquiétude particulière ?
Les virus galopent dans le monde, chez les humains comme les animaux... Il suffit d'un oiseau qui le transmette... Pour l'instant, à part fermer ces zones et attendre les retours d'analyse, on ne peut rien faire et espérer que les animaux s'autovaccinent en résistant à l'exposition. Nous avons emmené un vétérinaire spécialisé pour analyser la situation, mais ce sont des animaux sauvages que nous ne pouvons soigner. Et c'est une zone immense, on ne pourra pas prospecter partout.
"Il faudra maintenir l'effort pour empêcher la piraterie de reprendre dans la ZEE"
Isabelle Autissier, présidente du conseil consultatif des TAAF
Quels ont été les dossiers marquant de votre présidence, et ceux que vous souhaitez voir suivis après votre mandat ?
Il y a toujours la question d'une pêche durable dans la zone économique exclusive, notamment les plans de gestion de la légine et de la langouste. Le Museum d'histoire naturelle vient de terminer une mission d'évaluation de la ressource qui nous en dira plus sur l'état des populations. Les juvéniles notamment, car il y a une préoccupation à ce sujet. Il faudra aussi maintenir l'effort avec la Marine pour empêcher la piraterie de reprendre dans la zone.
Il y a aussi la question, à l'horizon 2030, du remplacement du Marion-Dufresne 2, la réalisation de la réserve des îles Eparses, et la diminution de l'empreinte carbone de nos bases sur ces territoires.
Justement, quel est l'impact du réchauffement climatique dans les îles subantarctiques ?
Les conséquences sont palpables, comme partout. On peut voir la régression des glaciers, des espèces qui migrent, d'autres au contraire qui sont envahissantes, arrivent à se maintenir et entrent en concurrence avec la faune et la flore locales. Il y a aussi un phénomène de dispersion microbienne, dont la situation épidémiologique que nous connaissons en ce moment est peut-être une illustration. La gestion de la réserve des australes face au dérèglement climatique est un enjeu pour le futur.