Procès de Jean-Hugues Ratenon : six mois de sursis requis, la défense dénonce "une histoire montée de toutes pièces"

Jean-Hugues Ratenon, accompagné de Perceval Gaillard.
Jugé mardi 28 janvier pour conduite en état d'ivresse et refus de se soumettre aux dépistages, le député de la 5e circonscription de La Réunion conteste toujours les infractions. L'affaire est mise en délibéré au 13 février.

Député de la 5e circonscription, Jean-Hugues Ratenon a comparu mardi 28 janvier devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis pour une affaire de conduite en état d'ivresse manifeste, défaut de maîtrise et refus de se soumettre aux vérifications sur l'alcool et les stupéfiants. Il lui est également reproché des "blessures involontaires ayant entraîné une ITT inférieure à un mois", en l'espèce cinq jours. 

Regardez le reportage de Réunion la 1ère :

Accident et refus de se soumettre aux contrôles : Jean Hugues Ratenon devant la justice

Un accident de la circulation qu'il avait provoqué la nuit du 23 au 24 août 2024, alors que son véhicule était stationné tous feux éteints sur la RN2 à Sainte-Suzanne. Malgré un freinage d'urgence, une voiture arrivant sur sa voie le percute par l'arrière à une vitesse "estimée à 105 km/h." 

Jean-Hugues Ratenon est alors trouvé "somnolent" dans sa voiture par le couple qui se trouvait dans le véhicule qui l'a percuté. À l'arrivée des gendarmes, il refuse de souffler dans l'éthylotest, comme il refusera ensuite les contrôles à l'hôpital.

"Le procès d'un Insoumis qui refuse de se soumettre"

"C'est le procès d'un Insoumis qui refuse de se soumettre", a plaidé Me Jade Dousselin, l'avocate parisienne de Jean-Luc Mélenchon venue défendre Jean-Hugues Ratenon. "C'est une histoire montée de toutes pièces" a-t-elle encore fustigé, accusant la justice de "vouloir faire un exemple."

"Sauf que cela se confronte à la réalité juridique. Jean-Hugues Ratenon n'a fait que contester un procès-verbal" affirme-t-elle. 

"Pourquoi on n'a pas cité les médecins à la barre ?" questionne encore l'avocate, alors que des gendarmes ont été convoqués comme témoins.

"Je pense que c'est le gendarme qui a demandé au médecin de faire une prise de sang et que le gendarme n'en a pas parlé au médecin. Il y a un doute qui doit profiter à M. Ratenon", conclut Me Dousselin. 

Prison avec sursis, amende et suspension du permis requis

Au terme de ses réquisitions, la procureure de Saint-Denis Véronique Denizot avait demandé au tribunal de reconnaître le député coupable de l'ensemble des infractions reprochées, "avec une notion d'exemplarité sur le refus de se soumettre aux contrôles s'agissant d'un élu de la République." 

Elle réclame six mois de prison assortis du sursis simple, une contravention de 300 euros, 2 000 euros d'amende et neuf mois de suspension du permis. Elle rappelle que Jean-Hugues Ratenon avait un antécédent judiciaire d'une condamnation pour conduite en état d'ivresse remontant à 1998.

"On nous accuse de prendre parti", regrette la procureure

"C'est forcément un dossier hors norme quand un élu est mis en cause. On prend plus de deux heures pour un dossier qui est habituellement traité en 15 minutes d'audience" observe la magistrate. "Et pourtant, on nous accuse de prendre parti."  

Elle explique avoir fait citer les gendarmes à témoigner, "en réponse à la mise en cause en conférence de presse du commandement de la gendarmerie, avec des propos qui évoquent la franc-maçonnerie, etc."

"Aujourd'hui, M. Ratenon accuse les gendarmes de mentir en disant que cette scène n'a jamais existé, sous entendant une complicité entre le médecin et les gendarmes. C'est une accusation grave", déplore-t-elle. 

La conductrice a eu "peur des représailles"

Avant ce réquisitoire, Me Fabian Gorce a plaidé pour la partie civile, la conductrice ayant percuté le véhicule du député à l'arrêt. Il pointe les "incohérences" du discours du député et décrit le "choc" qu'a subi sa cliente. 

Une femme qui a eu "peur des représailles", ce pour quoi elle n'avait pas déposé plainte dans un premier temps. C'est d'ailleurs à la demande de Jean-Hugues Ratenon qu'elle aurait retiré son véhicule du garage avant le passage de l'expert. "Une erreur", reconnaît l'avocat, qui demande une indemnisation pour les dégâts causés au véhicule et 10 000 euros de préjudice moral. "Son état de santé s'est dégradé avec un souvenir répétitif et envahissant de l'accident", plaide Me Gorce. 

Le récit du gendarme

Un peu plus tôt, l'adjudant B. avait été appelé à la barre pour témoigner. Il n'était pas sur le lieu de l'accident mais est intervenu ensuite à l'hôpital où a été transporté le député. 


-"Je suis appelé pour aller au CHU et faire une réquisition pour demander un prélèvement sanguin", relate le militaire, en poste à la brigade de Sainte-Suzanne depuis trois ans.  


"Je croise M. Ratenon dans les couloirs, je me présente, je lui explique que c'est la procédure pour un accident de la circulation et qu'il risque des poursuites. Il refuse. Je lui propose un dépistage par éthylotest et par prélèvement salivaire. S'est posée la question d'un placement en garde à vue. Je ne l'ai pas fait car j'ai déjà été confronté à un refus et je n'avais pas décidé de garde à vue."

"Il a dit « Je ne me soumets jamais »", relate l'adjudant

"Il a dit : « Vous n'êtes jamais présent quand il s'agit de défendre les honnêtes citoyens quand il y a des accidents »"

-"Vous avez repris plusieurs fois le terme d'arrogance dans le PV", relève le président.

- "Oui, il a dit « Je ne me soumets jamais »et nous accuse de ne rien faire. Il est aussi énervé quand il s'adresse au personnel médical",répond le gendarme.

"C'est après concertation avec le médecin des urgences que je renseigne la fiche et que je dis que ce sont des signes cliniques d'une alcoolisation importante."


-"C'est un député LFI, on a tous en tête la scène de Jean-Luc Mélenchon qui a un rapport particulier avec les forces de l'ordre", relance le président. 

-"Je n'ai pas senti d'animosité particulière, on a traité la procédure comme si c'était une personne lambda", répond le gendarme. 

"Ce qui était inhabituel, c'est qu'il s'agit d'une personnalité"

Question de la procureure au gendarme : "C'est une intervention classique ce genre d'accident ?"

-"Oui" , répond l'adjudant B., "mais ce qui était inhabituel c'est qu'il s'agit d'une personnalité." 

-"Vous confirmez que M. Ratenon a bien compris la procédure de demande de prélèvement ?" , reprend la magistrate.
-"Oui, il était en mesure de comprendre. Je sais reconnaître une personne alcoolisée, c'est mon quotidien. Concernant Jean-Hugues Ratenon, il avait bien compris puisqu'il a répondu : « Je ne me soumets à rien » et quand il dit que je ne protège pas les honnêtes citoyens, il sait donc que je suis gendarme."

"Il se tenait au mur"

Interrogé par la défense, le gendarme maintient : "J'étais certain de la consommation d'alcool, mais pas du niveau d'alcoolémie." 

Me Franck Hesler fait observer que le médecin n'a pas noté d'odeur d'alcool.

"Nous avons échangé avec le médecin et nous sommes d'accord sur le constat", réplique l'adjudant. "Je n'invente rien. Je l'ai senti, j'ai vu son comportement, il se tenait au mur, c'est un comportement typique d'une personne alcoolisée."


Rappelé à la barre, Jean-Hugues Ratenon persiste à nier : "Je ne peux pas dire le contraire de ce qu'il s'est passé. Je ne veux pas jeter le discrédit sur la gendarmerie mais ces scènes n'ont jamais existé. "Je dis la vérité et rien que la vérité." 

"Très sincèrement, je n'ai pas bu ce jour-là"

Après le résumé de la procédure par le président en ouverture du procès, Jean-Hugues Ratenon avait persisté à la barre ce matin dans la version qu'il avait développée devant la presse le 1er septembre dernier.

"J'étais sur la quatre voies, j'ai fait un malaise, cela m'est déjà arrivé. Très sincèrement je n'ai pas bu ce jour-là. Je n'étais pas bien à cause d'un état d'hypertension c'était aussi une journée intense, pleine d'émotions, avec aussi un manque de sommeil", déclare le député.

"À aucun moment je n'ai compris qu'il s'agissait d'un test d'alcoolémie"

"Je n'ai pas vécu l'accident ni l'arrivée des gendarmes ni des pompiers J'étais sur la route et je me réveille au CHU, On m'a demandé de faire des tests, à ce moment-là j'ai dit que je me sentais bien, pas besoin de scanner, mais à aucun moment j'ai compris qu'il s'agissait d'un test d'alcoolémie, sinon je l'aurais fait", assure Jean-Hugues Ratenon.

"Les PV indiquent le contraire, vous avez été informé qu'il s'agissait de tests d'alcoolémie et pas d'examen complémentaire", reprend le président. "On a aussi attiré votre attention sur le fait que refuser les tests qui sont dans la procédure constitue une infraction."

"Énervé, arrogant, agressif"

Le président rappelle les PV de la gendarmerie indiquant que le député a refusé les prélèvements sanguins à l'hôpital. Selon les militaires, il était "énervé, arrogant et agressif."

La fiche dressée ce jour-là par les gendarmes note : "le regard voilé, l'haleine sent l'alcool mais l'élocution est normale. Mais les explications sont embrouillées et répétitives. L'individu semble être sous l'emprise d'un état alcoolique important."

"Je n'ai eu aucun contact avec les gendarmes, ni sur les lieux de l'accident, ni à l'hôpital" maintient le député, qui dit "ne pas avoir vécu l'accident" et qu'il a "retrouvé ses esprits à l'hôpital."

"J'ai peut-être manqué de précaution"

Hôpital qu'il était pressé de quitter, au point de "refuser les soins", accompagné par son ami Etienne. Ce dernier est arrivé sur les lieux peu après l'accident. Il aurait récupéré dans la voiture l'écharpe du député ainsi que des documents sous prétexte "de ne pas les perdre."

Questionné par Me Fabian Gorce, partie civile pour la conductrice accidentée, Jean-Hugues Ratenon répond "je n'ai pas commis une faute, mais peut-être j'ai manqué de précaution", expliquant qu'il n'aurait pas dû prendre le volant alors qu'il faisait un malaise.