Samedi dans le sud de l'île, les agriculteurs de la Confédération générale des planteurs et éleveurs de La Réunion (CGPER) ont tenu leur assemblée générale annuelle, dans un contexte difficile, d'emblée évoqué par Jean-Michel Moutama.
Le président de la CGPER ne mâche pas ses mots : "le bilan est compliqué, à la limite du catastrophique". La dernière étude publiée il y a une dizaine de jours par la Direction de l'agriculture, de l'alimentation et des forêts (DAAF) de La Réunion, sur le niveau de vie des ménages agricoles en 2020, achève d'étayer son propos.
42,7% des ménages agricoles réunionnais sous le seuil de pauvreté
Selon ces données, en 2020, 42,7 % des Réunionnais vivant dans un ménage agricole sont considérées comme pauvres, vivant en-dessous du seuil de pauvreté monétaire. En comparaison, en Hexagone ils ne sont que 16,2%.
La situation est encore plus compliquée lorsque l'exploitant agricole est seul au sein du ménage, et les difficultés sont atténuées si au moins une personne du ménage n'est pas exploitant agricole.
Canniers et maraîchers les plus défavorisés
Aussi, le niveau de vie est corrélé à la taille économique de l'exploitation, mais aussi à son orientation technico-économique. Ainsi, les canniers et maraîchers bénéficient d'un niveau de vie plus faible que la moyenne des ménages agricoles, alors qu'ils en représentent près de 60%. Ceux qui s'en sortent avec un taux de pauvreté moins élevé, ce sont globalement les éleveurs, notamment de porcs et de volailles.
Alarmé par cette étude, Jean-Michel Moutama se désole : "Il y a quand même des gens qui n'arrivent plus à nourrir leur famille correctement". Voilà qui casse l'image erronée des agriculteurs qui "roulent en gros 4x4", dit-il.
D'autant que même lorsqu'ils quittent l'activité, ces exploitants agricoles sont mal lotis et bénéficient d'une "misère" en guise de retraite, fait valoir le président de la CGPER.
Appel à la discussion avec l'Etat
Face à ce constat, la CGPER en appelle désormais à l'Etat, pour que s'ouvrent des discussions. "Il faut absolument qu'on se mette autour d'une table pour échanger et voir où est le malaise", signifie Jean-Michel Moutama à l'issue de l'assemblée générale.
Ecoutez Jean-Michel Moutama, président de la CGPER, sur Réunion La 1ère :
Sur la table, diverses questions. Notamment autour de la répartition des subventions. "Il y a énormément d'argent de l'Europe et de l'Etat pour la filière agricole, et une partie des agriculteurs vit sous le seuil de pauvreté", soulève-t-il. Selon lui, seulement 30% des exploitants de la filière fruits et légumes percevraient les aides du POSEI (programme de l'Union européenne qui soutient l'agriculture dans les régions ultramarines).
Changer de modèle agricole ?
Faudrait-il changer de modèle ? En suivre plusieurs en parallèle ? La CGPER a déjà sa petite idée de ce qui pourrait être changé, "sans déshabiller l'un pour habiller l'autre" mais souhaiterait pouvoir en discuter prochainement. "Il y a plein de solutions mais il faut se mettre autour de la table", achève-t-il.
Pas question de se débarrasser de la canne pour autant, celle-ci jouant "le rôle de stabilisateur de l'ensemble des filières", considère Jean-Michel Moutama. Outre une meilleure répartition des aides, une des solutions serait, selon lui, d'appliquer à la filière fruits et légumes ce qui se fait dans la filière animale, en "ponctionnant une somme sur les fruits et légumes importés pour financer le développement" des petits maraîchers.
Au-delà, la CGPER n'a pas manqué d'évoquer les aléas climatiques, dont le cyclone Belal, qui n'a pas arrangé cette année la situation des agriculteurs réunionnais.