Il faut dire que les moyens utilisés pour faire entrer de la drogue à La Réunion sont multiples et se diversifient. La voie maritime est l’un d’entre eux.
Du zamal à la cocaïne, en passant par l’ecstasy
Les produits stupéfiants qui arrivent, mais qui peuvent également partir de La Réunion, se diversifient également. Historiquement, la drogue consommée dans l’île est le cannabis, ou zamal, ainsi que les mélanges de médicaments avec l’Artane et le Rivotril.Depuis 3 à 4 ans, on assiste à une évolution assez inquiétante des drogues qui sont importées, les saisies douanières, de police et de gendarmerie en attestent.
Désormais, arrivent de façon croissante de la résine de cannabis, de la cocaïne, "en quantité encore mesurée" précise Eric Tuffery, le procureur de la République, et de l’ecstasy ou drogues de synthèse. Leur consommation concerne maintenant tous les milieux sociaux.
Le trafic de drogue est une économie qui génère des fonds considérables, des centaines de milliers d’euros, et le nombre de consommateurs "captifs" est croissant.
La Réunion, territoire à conquérir
" La Réunion est manifestement, maintenant, identifiée par des trafiquants métropolitains comme étant une terre de conquête, avec des mules. "
Ces mules sont régulièrement arrêtés par les douanes, et expliquent avoir été contactées par des personnes en région parisienne qui leur ont promis quelques milliers d’euros en l’échange du transport, dans leur bagage ou sur leur personne, de produits stupéfiants. Une mule qui voyage est attendue par des trafiquants locaux également, qui eux aussi ont compris qu’il y avait un marché qui allait se développer.
Avec le risque que ce trafic aille croissant, Eric Tuffery explique qu’il faut une vigilance extrême et des moyens humains pour identifier les trafiquants, aussi bien ceux qui viennent sur le territoire que ceux qui les font venir.
Par avion et par bateau
Selon Idriss Rangassamy, secrétaire départemental du syndicat Alliance Police nationale, il existe deux types d’entrées à La Réunion : la voie maritime, par le port de la Rivière-des-Galets et les différents ports de l’île, et la voie aérienne, voyageurs ou colis postaux.Il estime justement que les moyens ne sont pas mis au bon endroit. Il demande que la Police des frontières soit présente sur le port de la Rivière-des-Galets et qu’une police judiciaire soit mise en place à La Réunion.
" Il ne suffit pas d’arracher des pieds de zamal et de dire : "on a fait tant de stupéfiants". Il y a des drogues dures qui circulent dans des soirées, dans des lieux bien précis. On a les informations, les chiffres sont là. "
Certes le zamal doit être éradiqué, mais il existe une autre réalité, celle des drogues dures, selon Idriss Rangassamy. Des laboratoires ont été trouvés à La Réunion, des cachets arrivent par bateau, explique-t-il.
La Réunion, productrice et exportatrice de zamal
La Réunion est également un territoire exportateur de stupéfiants, notamment de zamal transformé, à destination de l’île Maurice. L’île sœur, historiquement un pays de consommation d’héroïne, devient de plus en plus un pays de consommation de cannabis réunionnais, indique le procureur de la République.La production réunionnaise étant très importante, des personnes cultivant et exportant du zamal sont régulièrement interpellées. Les autorités ont également constaté que des filières d’exportation s’étaient créées vers Maurice.
Les deux territoires sont désormais identifiés comme importateurs et exportateurs de produits stupéfiants, déclare le procureur de la République, Eric Tuffery.
Une évolution trop rapide pour la justice ?
Face à ces trafics, il existe des outils juridiques. Le trafic de stupéfiants est en effet puni de 10 ans de prison. Quand il a lieu en bande organisée, cela peut constituer un crime puni d’une peine criminelle. Les mules attrapées à la descente d’avion sont jugées en comparution immédiate et écopent de peines extrêmement lourdes, indique le procureur de la République.Les gros trafiquants, qui localement font venir ces mules, qui organisent un trafic, avec des "lieutenants", des "nourrices" qui conservent ponctuellement les stupéfiants, sont jugés dès lors qu’ils peuvent être identifiés, puis interpellés.
" On bascule en quelques années, d’une consommation habituelle de zamal et médicaments détournés à une consommation qui se plaque sur les pratiques métropolitaines avec tous les risques d’addiction, notamment à la cocaïne, sur des gens qui peuvent passer à l’acte pour financer leur consommation. "
Désormais face à des "affaires complexes", il est parfois difficile de trouver les commanditaires des trafics. Les enquêtes nécessitent des écoutes téléphoniques ou du travail d’investigation à La Réunion et en métropole, du travail avec des indicateurs, parfois des infiltrations dans des réseaux. Un travail d’enquêteurs spécialisés.
" Sans doute que l’on manque de moyens humains, puisque jusqu’à maintenant, la situation n’avait rien à voir avec celle des Antilles. Donc, il faut que très vite on puisse disposer d’un nombre suffisant de policiers ou de gendarmes pour lutter contre ces phénomènes. "
Une antenne de l’Office central de lutte contre le trafic de stupéfiants doit très prochainement être implantée à La Réunion, indique Eric Tuffery.