Les échanges de Manuel Valls à La Réunion sur la reconstruction font polémique à Mayotte

Rencontre entre le ministre des Outre-mer Manuel Valls et la présidente de Région Réunion Huguette Bello
Le 2 janvier, le ministre des Outre-mer rencontrait la présidente et les acteurs économiques de la région Réunion pour évoquer la reconstruction de Mayotte après Chido. Depuis, élus et entrepreneuriat mahorais s’en indignent, refusant de servir "de tremplin aux entreprises réunionnaises".

Comme souvent, c'est Estelle Youssouffa la députée LIOT de Mayotte, qui a jeté le pavé dans la mare.

Répondant sur X (ex-Twitter) à un post du préfet de La Réunion évoquant la rencontre de Manuel Valls le 2 janvier avec la présidente de région Huguette Bello et les acteurs économiques réunionnais au sujet de la reconstruction de Mayotte, elle tance : "Les élus de La Réunion refusent les enfants de Mayotte mais exigent l'argent de la reconstruction en prenant les marchés ! NON : les entrepreneurs mahorais doivent être prioritaires. L'expertise locale est à Mayotte. POINT." 

Tweet de la députée Estelle Youssouffa répondant au préfet de La Réunion le 6 janvier 2025 (X)

"Que nos entrepreneurs de Mayotte soient prioritaires"

Et de préciser, dans un autre post : "Nous devons nous battre pour que nos artisans, nos entrepreneurs de Mayotte soient les prioritaires sur les contrats de (Re) construction. Il n’est pas question que la Zone franche globale annoncée serve de tremplin pour les entreprises réunionnaises." 

Une idée partagée par d'autres responsables politiques et acteurs économiques à Mayotte. En assemblée extraordinaire ce lundi 6 janvier, les élus du département devaient délibérer sur le "Plan Mayotte Debout : refonder Mayotte pour et avec les Mahorais", rapport qui a finalement été retiré de l'ordre du jour, reporté à mercredi prochain. 

"La construction de Mayotte doit se faire avec les Mahorais"

Mais la question a été évoquée, et la conseillère départementale de Mamoudzou 1, Hélène Pollozec enfonce le clou :  "François Bayrou a été clair, la construction de Mayotte doit se faire avec les Mahorais et par les Mahorais. On accepte la solidarité nationale mais je refuse que de facto les entreprises mahoraises soient exclues de toutes les constructions qui vont se faire sous prétexte qu’on n’aurait pas fait le recensement, post Chido, des compétences encore sur le territoire." 

Elle précise : "On sait que tous les obstacles au niveau de la commande publique, qui empêchaient parfois nos entreprises locales de répondre au marché vont être assouplis pour permettre à notre ingénierie locale, nos compétences locales de pouvoir y participer".

Et comme une réponse aux élus réunionnais, la conseillère départementale assène : "On sait que dans la plupart des cas, les marchés sont pris par d’autres entreprises qui sont souvent installées ailleurs et ensuite sous-traités au niveau local. Il faut qu’on arrête avec cette gestion-là et qu’on laisse nos artisans, nos entreprises être sur le devant de la scène pour le développement du territoire."

"Le sentiment qu'on se partage Mayotte à notre insu"

Bourahima Ali Ousseni, le président de la CPME, a lui "le sentiment qu’on était en train de se partager Mayotte à notre insu et sans nous" dit-il concernant la rencontre entre Manuel Valls et les acteurs économique de La Réunion.

Toutefois, réaliste, il est "conscient" dit-il "qu’on ne peut pas reconstruire Mayotte, seul, vu l’ampleur des dégâts, on a forcément besoin des entreprises extérieures. Mais il faut une part réservée aux entreprises mahoraises, qui ont tout perdu suite au passage de Chido. Il ne faut pas oublier que nous avons sur l’île un taux de chômage élevé, nous avons besoin que ces entreprises extérieures embauchent nos chômeurs mais qu’ils ne viennent pas avec tout leur effectif."

"La Réunion ne peut pas accueillir toute la population de Mayotte, mais Mayotte non plus ne peut pas accueillir toutes les entreprises réunionnaises ".

Bourahima Ali Ousseni, président de la CPME Mayotte 

Mayotte la 1ère

Mais le plan Mayotte debout de François Bayrou est encore flou sur le sujet, admet Bourahima Ali Ousseni : "le Premier ministre a juste écouté nos doléances et a fait ses annonces. On ne sait ce qu’il y a dans ce plan, Manuel Valls ne nous a pas rencontrés. Madame Bareigts, la maire de Saint-Denis, a dit que La Réunion ne peut pas accueillir toute la population de Mayotte, mais Mayotte non plus ne peut pas accueillir toutes les entreprises réunionnaises."

Ce lundi, les acteurs économiques mahorais ont envoyé des courriers aux élus départementaux et nationaux pour demander à être associés à la reconstruction de Mayotte.