Des essais pilotes de lâchers de moustiques mâles stériles, au sol puis par drone, ont démarré à l’île de La Réunion, sur la commune de Saint-Joseph, dans le but de réduire, voire d’éliminer localement, les populations d’une des espèces de moustiques vectrices de la dengue.
Ces lâchers s’inscrivent dans le cadre des projets européens ERC* Revolinc et Mosquarel, qui visent à optimiser la lutte contre les insectes nuisibles en utilisant une Technique de l’Insecte Stérile (TIS) dite « renforcée ».
Un drône utilisé pour lâcher les moustiques stériles
C’est la première fois que la TIS renforcée et l’utilisation de drones pour les lâchers de moustiques mâles stériles est testée sur le terrain en zone urbaine. Un pilote de drone certifié et agréé est en charge des lâchers. Ces lâchers de moustiques mâles stériles n’ont pas pour objectif d’éradiquer l’espèce ciblée, Aedes aegypti, de l’île de La Réunion mais d’éliminer localement une population isolée de ces moustiques.
Ces essais pilotes visent le vecteur historique de la dengue et du chikungunya à La Réunion : Aedes aegypti. « Deux sites d’étude sur le littoral de la commune de Saint-Joseph ont été ciblées car les populations d’Aedes aegypti y sont isolées, ce qui permet d’espérer leur élimination locale », explique Jérémy Bouyer, entomologiste au Cirad et coordinateur du projet Revolinc.
Les essais pilotes comprennent deux phases, d’avril à août 2021 :
- Une première phase de marquage-lâchers-recapture a démarré en avril : durant cette phase de six lâchers, 10 000 moustiques mâles stériles sont lâchés par semaine, afin d’estimer leur survie, leur dispersion et leur compétitivité sexuelle avec les moustiques sauvages. Deux techniques de lâcher sont testées : au sol puis par drone (depuis le 4 mai 2021).
- La meilleure technique de lâcher sera sélectionnée durant la deuxième phase de lutte, qui aura lieu après une restitution aux élus et aux habitants de la commune de Saint-Joseph, ainsi qu’à l’Agence Régionale de Santé (ARS) et au Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst). Cette phase correspondra au lâcher de 50 000 mâles stériles par semaine.
Ces essais sont complémentaires de ceux de l’IRD qui visent à contrôler le vecteur principal de la dengue, Aedes albopictus, sur la commune de Sainte-Marie. Le projet Revolinc vise à démontrer que la TIS renforcée permet d’éliminer localement un vecteur relativement isolé comme c’est le cas d’Aedes aegypti à La Réunion. L’objectif est d’éviter la recolonisation des niches écologiques d’Aedes albopictus par Aedes aegypti. « Si ces essais sont concluants sur des populations localisées d’Aedes aegypti, cette solution pourrait alors être déployée à plus grande échelle », précise Jérémy Bouyer.
Le bilan de ces essais pilotes sera dressé et restitué en août à l’ensemble des acteurs concernés. Si ce bilan est positif, l’approche TIS renforcée et l’utilisation de drones pourraient être déployées également à plus long terme contre Aedes albopictus à La Réunion.
La technique de l’insecte stérile renforcée : une méthode de lutte antivectorielle plus écologique
La Technique de l’Insecte Stérile (TIS) est une méthode de lutte antivectorielle qui consiste à élever en masse des moustiques mâles, les stériliser par irradiation et les relâcher sur le terrain où ils vont stériliser les femelles sauvages. C’est une technique de contrôle des naissances qui, si elle est appliquée suffisamment longtemps, réduit la population cible de moustiques.
Dans le cadre du projet Revolinc (financé par l'Union européenne) coordonné par le Cirad, impliquant l’IRD, la division conjointe FAO-AIEA Insect Pest Control, ainsi que de nombreux collaborateurs français (INRAE, Université de Montpellier, Université de Strasbourg) et internationaux (Tragsa Espagne, Université de Manitoba, AIEA Vienne), la TIS renforcée est évaluée sur le terrain contre les moustiques Aedes vecteurs d’arboviroses comme la dengue et le chikungunya : Aedes albopictus à Valence en Espagne et Aedes aegypti à St Joseph à La Réunion.
Avec la technique de l’insecte stérile renforcée, les insectes mâles sont traités, avant lâcher, par un biocide qu’ils transmettent par contact aux femelles lors de la reproduction ou par simple contact. Ces biocides entraînent la mort de leur progéniture.
Le biocide sélectionné est le pyriproxyfène, un régulateur de croissance inhibant le passage à la forme adulte de l'espèce visée pendant les phases de reproduction et qui amplifie l'effet recherché avec la TIS. Les quantités de pyriproxyfène utilisées sur les mâles stériles lâchés sont infimes et non dangereuses pour l’Homme et l’environnement.
D’où viennent les moustiques utilisés ?
Les moustiques mâles stériles sont produits au laboratoire FAO-AIEA de contrôle des insectes nuisibles, en Autriche, à partir d’une souche réunionnaise qui a été envoyée par l’ARS Réunion. Ils sont envoyés pour les essais pilotes de la TIS renforcée à St Joseph par courrier rapide dans un système de transport sécurisé, avec triple emballage et refroidis à 10°C pour qu’ils dorment pendant le trajet.
Le lâcher de moustiques mâles stériles traités est inoffensif :
- Seules les moustiques femelles piquent et non les mâles.
- Les insectes stériles ne peuvent pas se reproduire et ne peuvent donc pas s’implanter dans l’environnement.
- La TIS n’introduit pas d’espèces exotiques dans un écosystème.
- Le moustique stérile n’est pas un organisme transgénique.
- Les moustiques mâles stérilisés par irradiation ne présentent aucun danger pour l’homme : ils ne sont pas radioactifs.
- Les quantités de pyriproxyfène utilisées sur les mâles stériles sont infimes et non dangereuses pour l’Homme et l’environnement.
- L’interruption du cycle de reproduction des insectes vecteurs, aussi appelée lutte autocide, est par définition spécifique à chaque espèce.