Migrants sri lankais : "400 personnes arrivées en 5 ans, cela ne s'appelle pas une invasion", selon le préfet de La Réunion

Jérôme Filippini, préfet de La Réunion.
Après la reconduite au Sri Lanka de 46 migrants ce vendredi 13 janvier, et à la veille de l’arrivée d’un nouveau bateau, le préfet de La Réunion a tenu à faire un point de situation. L’occasion pour les autorités de réaffirmer leur attachement au respect du droit, ainsi qu’à l’envoi d’un message fort envers les prétendants au départ.

Depuis juillet 2022, quatre navires sont arrivés à La Réunion en provenance du Sri Lanka, avec à leur bord un total de 122 personnes, directement ou via l’archipel des Chagos. Six migrants sont arrivés le 31 juillet, 46 le 17 septembre, 17 le 20 octobre et 53 le 24 décembre.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 

Le préfet Jérôme Filippini a fait le point sur les arrivées de migrants sri-lankais à La Réunion

La Réunion a connu une précédente vague d’arrivées en 2018 et 2019. Six navires, avec 275 personnes à leur bord, avaient alors accosté sur les côtes réunionnaises.

Sur 5 ans, 397 personnes sont arrivées en provenance du Sri Lanka à La Réunion en 2 vagues.

Je veux dire factuellement que 400 personnes arrivées en 5 ans dans une île de 860 000 habitants, cela ne s'appelle pas une invasion.

Jérôme Filippini, le préfet de La Réunion

Dans le respect du droit de la mer

A chaque arrivée, les règles du droit français sont appliquées, explique-t-il. Cela passe d’abord par l’assistance à la mer quand il y a risque ou une demande d’aide sollicitée par le navire. " Le droit de la mer prévoit que lorsqu’un navire approche des côtes et se signale en détresse, demande de l’aide, l’obligation internationale, c’est de secourir ce navire ", détaille le préfet.

Mon premier objectif quand un navire approche des côtes de la Réunion et se signale en détresse, c’est de faire en sorte que ces personnes accostent saines et sauves.

Jérôme Filippini, préfet de La Réunion 

Il précise qu’au départ, les autorités françaises ne savent pas ce que ces personnes souhaitent, ni même précisément d’où elles viennent.

276 migrants reconduits au Sri Lanka sur 400 arrivés à La Réunion

Une fois arrivées à terre, les personnes sont prises en charge en zone d’attente, et leur situation est examinée au regard du droit des étrangers. Des procédures faisant intervenir "plusieurs juges" suivent ainsi leur cours.

Sur les 400 personnes arrivées, 276 ont été reconduites. 120 migrant sont restés à La Réunion, car admis à demander l’asile pour une grande partie d’entre elles. Une quarantaine a d’ores et déjà obtenu l’asile, pour les autres la procédure est en cours.

" Nous appliquons le droit, nous appliquons les lois de la République ", affirme le préfet de la Réunion. " 7 sur 10 des migrants sri lankais qui sont arrivés à La Réunion ont été reconduits dans leur pays d’origine quand ils avaient épuisé les procédures juridictionnelles ", ajoute-t-il.

"La Réunion n’est pas une bonne destination pour ces odyssées maritimes dangereuses"

Avec 276 reconduites, les autorités estiment qu’un signal fort est envoyé aux migrants mais aussi à ceux qui organisent leur départ au Sri Lanka, affirme Jérôme Filippini.

Il y a vraisemblablement des filières qui sont organisées, la France souhaite faire comprendre que partir en bateau depuis le Sri Lanka, traverser toute la zone Sud de l’Océan Indien pour venir à La Réunion, c’est à la fois extrêmement dangereux, c’est sans doute coûteux et c’est de façon certaine l’assurance d’être renvoyé dans son pays.

Jérôme Filippini, préfet de La Réunion 

S’il ne peut assurer que ce message soit "complètement" passé, le préfet affirme que le message commence tout de même à passer " grâce à la bonne coopération avec les autorités sri lankaises ". Il confirme ainsi que les autorités sri lankaises démantèlent beaucoup de départ de navires organisés par des passeurs, " pas forcément en partance pour La Réunion ".

Les autorités françaises sont conscientes que ce qui a été entamé ne va pas tarir cette source d’immigration du jour au lendemain. " Nous mettrons du temps s’il le faut et de la constance dans l’action pour que le message passe : La Réunion n’est pas une bonne destination pour ces odyssées maritimes dangereuses, et presque funestes pour les personnes concernées ", déclare Jérôme Filippini.

D’autres arrivées dans les jours et mois à venir

Le préfet confirme qu’il y aura des arrivées prochaines dans les mois à venir. Un 5ème navire se dirige vers nos côtes, il devrait accoster dans la nuit prochaine, ou samedi 14 janvier au matin.

" On nous signale un grand nombre de migrants à bord, même si le chiffre de 70 à 80 qui circule beaucoup, on n’a pas pu être vérifié à cette heure ", détaille le préfet de La Réunion.

Il assure qu’il y a plusieurs dizaines de personnes à bord. Les autorités feront en sorte que le navire arrive sauf, et le droit de la mer et le droit à la terre seront appliqués, insiste Jérôme Filippini. Un gymnase sera réquisitionné pour accueillir les migrants, s’ils sont nombreux.

La Réunion comme destination, pas Maurice ni les Chagos

Ces migrants passent parfois par les eaux territoriales de Maurice, mais ne se signalent en détresse qu’une fois dans les eaux territoriales françaises, car " ils veulent venir en France ", explique le préfet de La Réunion.

Des bateaux peuvent faire escale aux Chagos, se ravitailler sans demander d’assistance, et repartent. L’archipel est un territoire sous gouvernance britannique, mais revendiqué par Maurice, et pour lequel le Royaume-Uni vient d’entrer dans un processus de restitution. Une base militaire américaine se situe sur l’île de Diego Garcia.

L’échange d’informations avec les Britanniques n’était pas fluide mais progresse depuis le mois de juillet dernier, mais ce n’est pas " complètement suffisant ", indique Jérôme Filippini.

Il y a des situations plus ambigües, où nos amis britanniques ayant constaté qu’un bateau était là, les ont invité à repartir au Sri Lanka, leur ont permis de refiouler, sachant explicitement qu’ils repartaient vers La Réunion. Donc voilà, on a des explications avec nos amis britanniques pour que ce genre de situation cesse.

Jérôme Filippini, préfet de La Réunion

Sur les escales aux Chagos, Jérôme Filippini n’en dira pas plus, " I’m just a préfet of La Réunion " conclut-il.