L’IRD à La Réunion organise pendant trois jours sur l’île, une réunion de clôture pour les premières phases de son projet de la Technique de l’Insecte Stérile. Alors que l’épidémie s’intensifie sur le territoire, le bilan de cette première étape est positif.
•
10 ans de recherche
Depuis 2009, l’équipe de chercheurs de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) à La Réunion travaille à développer la Technique de l’Insecte Stérile (TIS) pour contrôler la prolifération du moustique tigre sur l’île.L’objectif serait d’endiguer les épidémies de dengue et de chikungunya en réduisant au maximum la prolifération de la population de ces moustiques, vecteurs des deux maladies. Frédéric Simard, directeur de l’institut, est formel : " il faut diminuer les moustiques pour ne plus avoir à lutter contre les épidémies ".
Une technique qui a déjà fait ses preuves
La Technique de l’Insecte Stérile n’est pas nouvelle et a déjà fait ses preuves. Elle date des années 50 et est largement utilisée depuis, en agriculture, avec d’excellents résultats à la clé. Ce fut le cas en Amérique du Sud et en Amérique Centrale où la méthode fut lancée pour venir à bout de la lucilie bouchère, une mouche qui provoque des ravages sur les élevages. Grâce à la TIS, l’insecte a disparu du territoire testé.A La Réunion, la méthode consisterait à lâcher dans la nature des moustiques rendus stériles en laboratoire. Ainsi, sans ponte viable, la population de moustique déclinera et cela diminuera les risques de transmission de maladie chez les humains. Il s’agit en clair " d’utiliser le moustique pour lutter contre lui-même ", comme le précise le directeur de l’Institut. La stérilisation sera faîte selon une technique déjà utilisée sur d’autres espèces de l’île.
Un bilan positif à La Réunion
Les résultats de cette phase d’étude de faisabilité de la TIS sont nombreux. Selon Frederic Simard, on peut noter " la capacité à élever en masse le moustique en insectarium, à le rendre stérile sans impacter ses capacités de vol et de fécondation des femelles ".Durant ces premières années d’étude, l’équipe a également cherché à connaître le ressenti de la population réunionnaise et à gagner son soutien. Selon elle, il y a un manque évident d’informations des gens face à la TIS et ses dangers. Pour autant, le directeur le souligne : " quand on explique bien, le soutien augmente ".
Etape par étape
Satisfaits de ces premiers résultats, tous les voyants semblent au vert pour que les chercheurs sortent les premiers moustiques stériles du laboratoire. S’ils sont confiants, les scientifiques le savent, ils avancent dans l’inconnu." On sait qu’on va devoir lâcher 10 fois plus de moustiques mâles qu’on en trouve sur le terrain. C’est un paramètre qu’on va devoir vérifier sur le terrain. Si les mâles ne vivent pas longtemps, il faudra en lâcher plus, s’ils ne volent pas très loin, il faudra en lâcher par petites fréquences sur de nombreux points différents ", précise Simard.
Ils devront donc adapter leurs recherches aux conditions de l’île et avanceront étape par étape. En 2019, les moustiques stériles seront très peu à se balader librement dans la nature. L’objectif de ces premiers lâchés sera de voir si la technique peut-être utilisable avec un impact notable sur la population de moustiques, sans porter atteinte à l’environnement et en gardant le soutien des Réunionnais.
Les chercheurs devront, dans les années à venir, donner tous les arguments aux décideurs du projet pour qu’il passe, ou non, en phase opérationnelle à La Réunion. Même si les résultats de cette première étape sont prometteurs, l’IRD précise : " il est important de continuer à mettre en pratique les recommandations des autorités sanitaires pour se protéger des piqûres et éviter l’accroissement de la population de moustiques sur l’île".
Reportage de Sufati Toumbou Dany et Florence Bouchou.