Non, ce n'est pas la fête de la femme : des associations réunionnaises soulignent l'intitulé exact du 8 mars

Dans ce magasin de sport, les femmes pourront profiter d'une réduction pour la journée... des droits des femmes.
Et cet intitulé, c'est "Journée internationale des droits de la femme". Pourtant, l'amalgame est bien présent dans la tête des gens... et des publicitaires qui ne ratent pas une occasion de faire de chaque événement un prétexte à l'achat. De quoi agacer certaines associations.

C'était le 8 mars 1975 : ce jour-là, l'Organisation des Nations Unies (ONU) célébrait pour la première fois la Journée internationale des droits des femmes, en pleine année internationale de la femme. Pour officialiser cette date, dans le monde entier, à partir de 1977.

A l'origine, cette date correspond à celle où en 1913, à la veille de la Première Guerre mondiale, des rassemblements pacifiques de femmes avaient été organisés en Europe, mais aussi en Russie quelque jours plus tôt, pour dire non à la guerre.

Regarder le reportage de Réunion La 1ère : 

On ne dit pas "Journée de la femme" ©Réunion la 1ère

Egalité entre les sexes et autonomisation des femmes

Au fil des décennies, le 8 mars a fini par symboliser la promotion de l'égalité entre les sexes, et pour l'autonomie des femmes. Notamment avec l'adoption en 1945 de la Charte des Nations Unies, qui affirme pour la première fois le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes à l'échelle internationale. Depuis, chaque 8 mars est une occasion de faire le bilan sur la situation des droits des femmes dans le monde. 

Amalgame

Mais comment, de 1977 à nos jours, la Journée internationale des droits des femmes est-elle devenue la "Journée de la femme", selon le raccourci employé par un grand nombre de personnes ? Même dans la rue, l'amalgame se fait dans les propos des personnes rencontrées. Des femmes, même. 

"Pas vraiment de différence"

"Il n'y a pas vraiment de différence au final, parce que ça revient toujours à la femme", fait remarquer une jeune femme croisée dans les rues de Saint-Denis. Une autre nous dit, "c'est les deux : journée des femmes et journée des droits de la femme".

"Pour moi c'est un jour comme un autre, mais ce jour-là spécialement on fait comprendre qu'on est égales aux hommes"

Rosyne

Une autre dame, elle, a même prévu de passer la journée de vendredi avec ses amies, pour marquer le coup.

Des personnes interrogées, seuls deux jeunes de 18 et 19 ans estiment que, oui, il y a une différence entre les deux intitulés, et que le 8 mars doit tourner autour des droits de la femme tels que le droit de vote ou l'égalité des sexes. 

Offres promotionnelles et jeux concours

Il y a aussi ceux pour qui cette journée internationale est l'occasion de faire des affaires. Les services marketing de nombreuses marques et enseignes de parfumeries, magasins de vêtements et de lingerie, centres d'esthétique ou de coiffure... ne sont pas rares à proposer ce jour-là des promotions ou des jeux concours spécifiques à la gente féminine. 

Des réductions pour les femmes qui font du sport

Dans cette enseigne spécialisée dans la vente de vêtements et chaussures de sport, le 8 mars, ces dames sont même invitées à se permettre un petit achat pour la "fête de la femme", avec -25% de réduction. Eva, employée du magasin, justifie : "Avant c'était un peu plus les hommes qui pratiquaient le sport, de plus en plus les femmes s'y mettent aussi, je trouve ça bien. On a mis en place cette opération pour appuyer un peu plus la présence des femmes". 

Femmes Solid'Air veut remettre cette journée "dans son contexte"

Cet amalgame irrite en tout cas les associations de défense des droits des femmes. Pierrette Mira, directrice de l'association Femmes Solid'Air, est lasse de voir le 8 mars se transformer pour beaucoup de personnes en "journée de la femme". 

"C'est plus intéressant de mettre "journée de la femme" pour dire qu'on la met en avant, alors que ce n'est pas du tout le cas. C'est bien une journée pour les droits des femmes. On se bat pour qu'il soit remis dans ce contexte. C'est pour ça qu'on descend dans la rue"

Pierrette Mira, directrice de l'association Femmes Solid'Air

Une marche à Saint-Denis samedi 

Le samedi 9 mars, l'association organise une marche pour la lutte des droits des femmes. "Venez faire entendre votre voix pour faire avancer vos droits !", invite Pierrette Mira, samedi à 8h30 au départ du Jardin de l'Etat à Saint-Denis. 

"Ce n'est pas la fête des mères !"

Cette marche, le président du CEVIF (Collectif pour l'élimination des violences intra-familiales) Frédéric Rousset y sera. Lui aussi est désappointé de voir l'intitulé exact de la Journée internationale des droits des femmes diminué chaque année. "C'est une tendance à essentialiser LA femme, comme si c'était l'éternel féminin, à qui on va associer des qualités dites féminines... Alors que ce n'est pas le cas, c'est une journée où on doit mettre en exergue des droits, et le combat de tous les jours pour accéder à ces droits", déplore-t-il. 

"La journée des droits des femmes ce n'est pas la fête des mères ! Ce n'est pas une journée pour essentialiser la femme. Ca me rappelle un peu l'amour courtois au Moyen-Âge où on mettait la femme sur un piédestal pour finalement en faire des objets, alors que ce sont des sujets à part entière. Ce n'est pas leur rendre service". 

Frédéric Rousset, président du CEVIF