Voilà près de trois mois que les marins de l'Austral sont rentrés à La Réunion, après un peu plus de deux mois de pêche à la langouste. Si la campagne de pêche court du 1er décembre au 30 avril, les marins ne cessent pas toute activité les mois restants, au contraire.
Regarder le reportage de Réunion La 1ère :
Car à quai, à bord de l'Austral, d'autres tâches les attendent. Rentrés des TAAF depuis la mi-mai, la cinquantaine de marins réunionnais de l'Austral préparent déjà la prochaine campagne de pêche de la Sapmer : maintenance du navire pour pouvoir repartir en toute sécurité, mais aussi confection et réfection des casiers de pêche.
Un casier en bois de chataîgner
Ce matin-là, les petites mains s'activent donc autour de ces larges cylindres ajourés, dans lesquels viendront se loger les langoustes une fois le casier jeté à l'eau. Chefs comme matelots s'y mettent : pendant que les uns, munis d'aiguilles, tissent les filets qui ferment les extrémités de chaque casier, d'autres en construisent la structure, en bois de chataîgner.
Une fabrication retransmise de marin en marin
Parmi eux, Motais Parasouramin, chef calier de l'Austral, est attelé ce jour-là à la fabrication d'un de ces casiers à langoustes. Une tâche qu'il a apprise dès ses débuts, et qu'aujourd'hui il retransmet aux plus jeunes, comme Sébastien Babet, matelot et magasinier à bord du même navire.
"Je suis embarqué sur l'Austral depuis 23 ans, les anciens m'ont appris à faire ce genre de casiers, et au fur et à mesure je retransmets aux autres qui arrivent"
Motais Parasouramin, chef calier de l'Austral
Le même casier depuis 1947
Ce modèle de casier est le même que celui fabriqué par les marins de la Sapmer depuis 1947. Car peu d'intérêt à changer ce qui marche bien.
"On est restés sur quelque chose d'aussi rustique parce que c'est un casier qui est biodégradable, il ne laisse pas d'impact sur l'environnement, tout en étant assez solide pour la pêche à la langouste, sur la côte surtout. Son bois est vraiment résistant à l'eau de mer, c'est le plus adapté"
Motais Parasouramin, chef calier de l'Austral
Un espacement précis pour laisser passer les langoustes juvéniles
Pour cette fabrication, Motais et Sébastien vont s'aider d'une structure cylindrique en fer, longue de près d'un mètre, et qui va servir de support pour fixer entre elles les lattes de la future cage. Des lattes trempées au préalable pour que le bois ne se fissure pas lorsqu'on y plante le clou.
Aussi, elles sont espacées de façon bien précise : "on avance avec une jauge, pour respecter l'écartement prévu par le cahier des charges des TAAF", souligne Motais Parasouramin. La pêche ne vise que les langoustes adultes. Ainsi, l'écart entre les lattes est prévu assez large pour laisser s'échapper les langoustes juvéniles, plus petites, avant de remonter le casier à la surface, et permettre à l'espèce de se reproduire.
Une "goulotte" pour laisser entrer la langouste
Chaque casier est également percé d'une "goulotte", sorte de gros trou, de sorte que lorsque le cylindre est posé sur sa longueur, au fond de l'eau, les langoustes puissent y entrer. Pour garantir sa stabilité et ne pas laisser s'échapper les langoustes, des briquettes sont fixées au fond. Enfin, les deux extrémités du cylindre sont clôturées par une sorte de filet, qui, sur un des deux côtés, se délie et s'ouvre pour vider le contenu du casier.
Deux heures dans l'eau
Chaque casier, quand il est posé dans l'eau, y reste deux heures maximum. Le temps que les langoustes, attirés par l'appât placé à l'intérieur, puisse s'y introduire. Si le casier reste là trop longtemps, la langouste peut aussi ressortir, précise le jeune matelot.
"Si le casier est bien au fond, bien centré, la langouste grimpe sur le casier, rentre à l'intérieur par la goulotte"
Sébastien Babet, matelot et magasinier
376 tonnes pêchées en 2022-2023
Chaque jour de pêche, les petites embarcations, déployées à partir de l'Austral pour pêcher vers l'île Saint-Paul et l'île Amsterdam, procèdent à trois levées. "Parfois il y a 3 ou 4 langoustes, parfois le casier est plein, en fonction des endroits", explique Sébastien Babet. De toute façon, la pêche à la langouste est réglementée par des quotas : sur la précédente campagne, la Sapmer a ainsi pêché 376 tonnes de langoustes dans ces mers australes.
28 casiers par petite embarcation
Les embarcations partent chacune avec 28 casiers, mais l'Austral embarquera pour sa prochaine campagne de pêche avec 300 unités. "Il faut en faire en quantité nécessaire en cas de pertes. On ne va pas tous les utiliser, mais ça sera une réserve", ajoute Motais Parasouramin.
Les langoustes congelées à bord
Dès qu'un casier est remonté, il est aussitôt vidé et trié. Puis, une fois de retour à bord de l'Austral, les précieux crustacés sont lavés, conditionnés, et congelés à bord même du navire. Ainsi, lorsque l'Austral rentre au Port, à La Réunion, à la fin de la campagne de pêche, les langoustes sont déjà prêtes à être exportées ou mises en vente, à environ 90 euros du kilo.
"On est à 3 000 km de là pendant deux mois !"
En attendant la prochaine campagne, dans quelques mois, Motais Parasouramin profite de sa famille. "Rester à terre, c'est être avec la famille tous les soirs, alors que quand on travaille en mer on est à 3 000 km de là pendant deux mois !", avance-t-il. Heureusement, la technologie est aujourd'hui plus avancée qu'il y a une vingtaine d'années, et lui permet de garder le contact par mail. "Quand j'ai débuté, il n'y avait que le téléphone satellite ! La prochaine étape ce sera le Whatsapp, génial dans la vie d'un marin !", s'exclame le père de famille.
Mi-novembre prochain, il reprendra la mer avec les autres marins à bord de l'Austral, direction les quarantièmes rugissants, à 6 ou 7 jours de navigation depuis La Réunion.