Après une nuit de jeudi à vendredi agitée sur l'île, notamment au Port, à Saint-Denis et à Saint-André, le préfet de La Réunion Jérôme Filippini a souhaité prendre des mesures afin d'anticiper d'éventuelles nouvelles nuits de violences urbaines.
Dès ce matin, il a lancé un appel au calme et à l'apaisement.
Au commissariat du Port ce vendredi en fin de matinée, le représentant de l'Etat a réuni Véronique Denizot, procureure de la République de Saint-Denis, Laurent Fraysse, directeur territorial de la police nationale et Annick Le Toullec, première adjointe au maire de la ville du Port.
Regardez le reportage de Réunion la 1ère :
Des "comportements extrêmement agressifs"
C'est en effet dans cette commune que les incidents ont été les plus graves la nuit dernière : la Maison du citoyen a été vandalisée et incendiée, deux engins de chantiers incendiés tout comme d'autres véhicules.
Le préfet a refait le bilan des faits commis la nuit dernière, notamment au Port, et a constaté "des comportements extrêmement agressifs à l'égard des forces de police", "d'une violence importante, pas inédite mais extrêmement élevée comparée à ce que l'on voit habituellement à La Réunion". Des incendies ont été allumés pour faire venir les forces de l'ordre, qui ont ensuite essuyé des jets de galets et autres projectiles, et de cocktails molotov, résume-t-il.
"Ailleurs dans l'île, ça a été plutôt mesuré, avec quelques faits à Saint-André, et ça a été assez calme en zone gendarmerie", complète le préfet.
Pas de vente ou de transport de feux d'artifice
Jérôme Filippini a donc décidé de mettre en place des mesures préventives valables dès 16 heures ce vendredi, jusqu'au 3 juillet à 8 heures. Même si un couvre-feu n'est pas d'actualité à l'heure actuelle, il sera interdit sur tout le département de vendre des feux d'artifice et fusées de détresse, et de transporter et d'utiliser ces mêmes articles sur la voie publique ou en direction de la voie publique.
Le port d'armes et la vente au détail de carburant interdits
Autre interdiction, celle du port et du transport sur la voie publique d'armes à feu, y compris factices, de munitions, ou de tout autre objet susceptible de constituer une arme ou un projectile.
Enfin, la vente au détail, le port et le transport de carburants et autres produits combustibles ou corrosifs dans des récipients transportables comme des jerricans ou bidons.
Le non-respect de ces interdictions est passible de poursuites judiciaires.
Ces interdictions ne s'appliquent pas aux professionnels qui peuvent justifier de leur activité.
"Je n'ai pas à ce stade pour projet de prendre une mesure de couvre-feu ce soir"
Jérôme Filippini, préfet de La Réunion
Le préfet de La Réunion a annoncé plusieurs mesures. Ses précisions sur Réunion La 1ère :
Au moins 150 effectifs encore mobilisés ce vendredi soir
Le préfet indique aussi que le dispositif des forces de l'ordre restera conséquent cette nuit, avec au moins 150 effectifs de police et de gendarmerie mobilisés comme la nuit précédente. "C'est un dispositif qui va être au moins maintenu et sans doute renforcé de façon dynamique selon la situation observée en fin de journée et en début de soirée", ajoute-t-il.
L'absence de blessés, "un miracle"
Aucun blessé n'est à déplorer, que ce soit du côté des forces de l'ordre et des pompiers comme des individus qui se trouvaient face à eux. Néanmoins, un chien de la police a été blessé à la patte.
"Vu le degré de violence employé, c'est vraiment un miracle qu'il n'y ait pas eu de blessé".
Jérôme Filippini, préfet de La Réunion
Deux interpellations cette nuit
Deux interpellations ont eu lieu, une à Saint-Denis et une autre à Saint-Pierre. Une enquête judiciaire est en cours.
"Pour le moment on a des interpellations qui sont en cours. D'autres enquêtes judiciaires sont en cours mais n'ont pas encore donné lieu à des interpellations. Une des difficultés sur le plan judiciaire est l'identification des auteurs : la plupart sont masqués, cagoulés, les choses vont très vite et les policiers sont en sécurisation des pompiers et l'interpellation est compliquée"
Véronique Denizot, procureure de la République de Saint-Denis
"Ne venez pas vous mettre en danger et regarder ces comportements"
La procureure a également pointé du doigt les riverains qui, comme au Port la nuit dernière, sont venus voir les affrontements entre les forces de l'ordre et les fauteurs de trouble.
"Dans les mouvements de violences urbaines, on a des riverains qui s'agglomèrent et viennent voir ce qu'il se passe, ce qui rend très délicat les interventions des forces de l'ordre. Car il y a souvent des familles et des très jeunes, et il faut pouvoir à chaque fois déterminer ceux qui sont les fauteurs de trouble et ceux qui se trouvent sur la voie publique de façon légitime"
Véronique Denizot, procureure de la République de Saint-Denis
Le préfet insiste d'ailleurs sur ce message, et appelle les familles à ne pas venir observer ces phénomènes et se mêler à la foule. "Ne venez pas vous mettre en danger en regardant ce type de comportements, ça permettra d'assurer le maintien de l'ordre. (...) On invite à l'apaisement à la distance", a martelé Jérôme Filippini.
"Fermeté" et "apaisement"
Laurent Fraysse, directeur territorial de la police nationale, assure que les deux mots d'ordre seront "fermeté" et "apaisement" pour les nuits à venir. "On est là pour limiter le nombre de victimes et préserver la tranquilité publique", dit-il. La nuit dernière, environ 90 policiers ont été mobilisés.
La police mobilisée jusqu'à 5h du matin au Port
"Hier soir l'engagement a été total sur le Port. Jusqu'à 5h du matin les collègues étaient engagés. On a essuyé pas mal de tirs de projectiles, et il y a eu beaucoup d'usage de la bombe lacrymogène pour disperser ces individus", rapporte quant à lui Idriss Rangassamy, secrétaire départemental d'Alliance Police Nationale 974.
Le policier rappelle que des faits de violence sont constatés depuis le week-end dernier au Port, et qu'à La Réunion de manière générale, les forces de l'ordre se retrouvent face à une "montée de la violence" et "des gens qui veulent en découdre".
"Ça fait quelques temps que sur le Port il y a une montée de violence parce qu'on ne les laisse pas faire ce qu'ils veulent faire c'est-à-dire semer le trouble sur la voie publique. Nous notre boulot c'est de faire cesser les infractions. Ils veulent venir au contact"
Idriss Rangassamy, secrétaire départemental Alliance Police Nationale 974
Débrayage à la Semto suite aux violences
Cette nuit au Port, un bus a également été caillassé. Suite à ces faits de violence, qui viennent s'ajouter à d'autres "agressions répétées sur le personnel et les véhicules", la Semto (Société d'économie mixte de transports de l'Ouest) débraye ce vendredi 30 juin de 11 à 13 heures. Plusieurs véhicules du réseau Kar'Ouest ainsi que leurs conducteurs ont été la cible de jets de galets au mois de juin, cassant les vitres et impactant la carrosserie des bus, selon la Semto, qui a porté plainte.
"De nouvelles agressions se sont produites hier soir et de nouveau nos conducteurs et nos véhicules ont été la cible de jets de galets. Nos professionnels, en première ligne, ressentent aujourd’hui un sentiment d’insécurité grandissant et la qualité de service auprès de nos usagers est dégradée : bus immobilisés, frais pour les réparations, inquiétudes des conducteurs etc."
La Société d'économie mixte des transports de l'Ouest (SEMTO)
Les Dionysiens appelés à ne pas laisser poubelles et encombrants sur la voie publique
Suite aux évènements de la nuit dernière, la mairie de Saint-Denis demande aux usagers (bailleurs, particuliers, commerçants…) de ne pas laisser les poubelles et encombrants sur la voie publique. Il s'agit évidemment d'éviter que ces derniers ne servent de combustibles lors d'éventuelles violences urbaines. C'est pourquoi il est demandé de les sortir tôt dans la matinée le jour de la collecte et non la veille au soir.
"Les ramassages se feront de manière adaptée dans la matinée le jour prévu au calendrier. Il est recommandé de rentrer les bacs tout de suite après le passage du camion", souligne la municipalité dans un communiqué.