Quelle réponse face aux propos haineux sur les réseaux sociaux ?

Le gouvernement estime que la décapitation de Samuel Paty est la conséquence d’une campagne menée sur les réseaux sociaux. A La Réunion, des décisions judiciaires ont déjà été prises pour sanctionner des propos haineux. Une association sensibilise également sur les dangers d’internet.
Les réseaux sociaux ont-ils une responsabilité dans la mort de Samuel Paty , ce professeur d’Histoire-Géographie décapité vendredi, à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines ? La réponse est oui, estime Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement.

"On doit arriver à mieux les encadrer", a-t-il déclaré ce dimanche sur le plateau de BFM TV en évoquant ces plateformes qui ont relayé des images du professeur assassiné, mais aussi la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste fiché S qui avait qualifié Samuel Paty de "voyou" quelques jours avant sa mort.

Gabriel Attal va jusqu’à parler d’un "lynchage public". Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin parle quant à lui d’une "fatwa" lancée contre l'enseignant. Il a annoncé qu’il comptait proposer en Conseil des ministres la dissolution de plusieurs structures telles que le très controversé "Collectif contre l'islamophobie en France".
 
La Réunion n’est pas non plus épargnée par ces appels à la haine relayés via internet et les réseaux sociaux. On a l’exemple du Bénédictin Jérôme Lebeau, condamné en mars dernier à 28 ans de réclusion criminelle pour "tentatives de meurtres en relation avec une entreprise terroriste", suite aux coups de feu tirés sur les policiers du GIPN venus l’interpeller en avril 2017.


Le jeune homme âgé de 22 ans à l’époque tenait des propos antisémites et pro-djihad sur Internet et notamment sur Twitter, sous le pseudonyme arabe Ad-Dahuk Al-Qatal, soit "le tueur souriant" en français. Les forces de l’ordre avaient finalement décidé de venir l’interpeller après un signalement de la plateforme Pharos pour soupçons d’apologie du terrorisme.
 

"Les réseaux sociaux sont une plaie"


Ci-dessous la réaction de Nazir Patel, le président du Conseil régional du culte musulman à La Réunion :
 
Le président du Conseil Régional du Culte Musulman Nazir Patel réagit à l'assassinat de Samuel Paty, professeur d'histoire dans les Yvelines :

Nazir Patel, le président du Conseil régional du culte musulman à La Réunion (CRCM), alerte lui-même sur les dangers de la navigation en ligne. "J’ai parfois tendance à considérer que les réseaux sociaux sont une plaie", lâche-t-il. Il est lui-même convaincu que les réseaux sociaux ont joué le rôle de "détonateur" dans le drame de Conflans-Sainte-Honorine.
 

"A un certain moment il faudra peut-être penser à voir comment on éduque les enfants mais également les adultes à l'usage des réseaux sociaux. Il y a une responsabilité dans l’usage des réseaux sociaux qui est incontestable"

Nazir Patel, le président du Conseil régional du culte musulman à La Réunion


Mais alors comment éduquer à une meilleure utilisation des réseaux sociaux ? "L’éducation appartient d’abord aux familles, répond Nazir Patel. Lorsqu’on confie un téléphone portable à un enfant ou lorsqu’on lui permet d’accéder à internet par un ordinateur, il y a tout un travail d’accompagnement et de mise en garde". L’école a également un rôle à jouer, souligne le président du CRCM. Via l’éducation aux médias et la liberté d’expression.
 

Former les internautes à l'usage du numérique

Mais des acteurs du monde associatif travaillent également à accompagner les plus jeunes comme les adultes dans l’utilisation des nouvelles technologies. C’est le cas notamment de Solidarnum qui propose aux usagers de se familiariser avec le numérique. Daniel Membrives, son président, explique que ces derniers apprennent par exemple à identifier les "fake news".

"On sait que les réseaux islamistes recrutent un maximum par ce moyen. Les messages sont bien montés pour arriver à percuter l’esprit de quelqu’un et à le faire se rapprocher de ses émetteurs", poursuit M. Membrives.
 

 

La loi Avia retoquée par le Conseil constitutionnel

La loi Avia, du nom de la députée parisienne LREM Laetitia Avia, visait à obliger les réseaux sociaux de supprimer dans les 24 heures les contenus haineux signalés sous peine de lourdes amendes… Mais le texte adopté le 13 mai dernier a finalement été retoquée par le conseil constitutionnel le 18 juin.
Le Conseil constitutionnel y a vu "une atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et de communication qui n’est pas nécessaire, adaptée et proportionnée".
 
Mais la justice n’est non plus dépourvue de moyens face aux contenus haineux sur la toile. Sulliman Omarjee, un avocat spécialisé en Droit du numérique, s’occupe de quatre dossiers de cyber-harcèlement en ce moment et il vient d’obtenir gain de cause auprès du tribunal judiciaire de Saint-Denis qui a ordonné le retrait de vidéos d’un internaute réunionnais incitant à des représailles violentes contre un groupe de personnes, sur YouTube et Facebook. Mais voilà, ce genre de procédures peut prendre du temps.

Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
 
Haine en ligne, quelles mesures ?