Sainte-Anne : des habitants incommodés par les odeurs suite à un épandage de boues d'épuration dans un champ

L'agriculteur de l'Est teste les boues de station d'épuration en guise de compost, mais les riverains se bouchent le nez...
A Sainte-Anne, les riverains sont embarrassés par des odeurs nauséabondes provenant d'un champ dans les environs. L'explication ? L'agriculteur qui exploite le terrain a décidé d'expérimenter les boues d'épuration traitées à la place des engrais, trop chers.

Depuis quelques semaines, les habitants de Petit Saint-Pierre à Sainte-Anne, sur la commune de Saint-Benoît se plaignent : ils n'en peuvent plus des odeurs pestilentielles qui émanent d'une parcelle agricole voisine. Si bien que les riverains ont entamé une pétition pour qu'elles cessent. En une heure, elle a réuni une centaine de signatures. 

"I sent l'odeur porcherie. I sent très fort. Ou lé en train de manger ou lé obligé de mett' out assiette là-bas parce que l'odeur i incommode a ou", explique Georgette, une dame du quartier qui ferme désormais ses fenêtres pendant les repas. 

Il y a des moments où ça sent plus fort, fait remarquer un autre riverain. "Ça dépend de la manière le vent i souffle. Et si na soleil i sent plus fort", dit Yves. 

Un nouvel engrais testé

Mais à quoi sont dues ces odeurs ? C'est l'agriculteur concerné qui nous apporte la réponse : depuis un mois environ, il a entamé des tests sur sa parcelle de canne à sucre, et épand des boues d'épuration traitées en guise d'engrais. Il s'en est fait livrer 1 000 tonnes à la fin juin, mais n'a commencé à l'épandre que depuis quelques jours. 

Regarder le reportage de Réunion la 1ère : 

A Sainte-Anne, un agriculteur a fait le choix de l’épandage de boues d’épuration plutôt que d’engrais chimiques, mais les odeurs nauséabondes incommodent les riverains. ©Réunion la 1ère

 

Un engrais bien moins cher que le chimique

"Depuis l'année dernière, acheter de l'engrais est devenu très cher. Sans engrais ou sans matière organique, la canne n'est pas rentable", explique l'agriculteur, qui souhaite rester anonyme. Le prix est sans conteste plus avantageux : la tonne de boues d'épuration lui revient à 10 euros la tonne environ, quand la tonne d'engrais chimique tourne autour des 1 500 euros. Et pour cause, pour cet engrais naturel, il ne paie que le coût du transport. 

Des solutions bientôt mises en place pour réduire les odeurs

Alors difficile pour le planteur de passer à côté d'une telle opportunité, même s'il est conscient que ce compost a bien une "odeur particulière". Il promet donc de mettre des solutions en place pour empêcher les relents : bâcher son stock de compost, et épandre du désodorisant en même temps que les boues. 

Un compost issu des déchets des stations d'épuration

Si ce compost expérimenté par l'agriculteur bénédictin a une odeur peu agréable, c'est qu'il est issu de boues des stations d'épuration de l'île, soit des matières fécales, traitées pour les débarrasser d'éventuelles substances toxiques, et mélangées à des végétaux et du bois de palette afin d'être épandu dans les champs. Il s'agit notamment de rendre ces matières totalement inoffensives pour la population et l'environnement. 

Des aménagements pour diminuer la forte odeur 

"Recyclage de l'Ouest", l'entreprise saint-pauloise qui exploite et traite ces boues pour en faire ces produits agricoles, confirme que la substance dégage une odeur qui n'est pas des meilleures, notamment pendant la fermentation. Des riverains s'étaient ici aussi plaint à l'époque, il y a une quinzaine d'années. C'est pourquoi des aménagements ont été effectués, en vue de les amoindrir : traitement des odeurs par utilisation d'acide, traitement biologique... 

"Auparavant, le bâtiment était ouvert et on faisait le traitement du compost à l'air libre. On a installé un système de traitement avec de l'acide, et quelques années après, un système de traitement biologique avec des bio-filtres"

Lila Souprayenmestry, directrice générale de Recyclage de l'Ouest

Un produit local qui valorise les déchets 

Ces dernières années, de plus en plus d'agriculteurs ont montré leur intérêt pour cet engrais d'origine naturelle, assure-t-elle. Tout comme les entreprises d'épuration de l'eau jouent davantage le jeu, et souhaitent faire valoriser les boues qui proviennent de leur station de traitement. La méthode est non seulement utile à l'agriculture locale, mais aussi vertueuse pour l'environnement, puisque auparavant, ces boues finissaient à la mer ou à l'enfouissement. 

"On reste un produit local, c'est important de savoir que si on ne fait pas ça, on ne sait pas où iront les boues des stations d'épuration. Il y a de plus en plus de monde, donc de plus en plus de boues : il faudra trouver des solutions qui arrangent tout le monde". 

Lila Souprayenmestry, directrice générale de "Recyclage de l'Ouest"

"Tout dépend de la gestion de l'agriculteur"

Quoi qu'il en soit, le problème de l'odeur du compost dans les champs ne devrait pas être permanent, assure-t-elle. "Quand c'est épandu sur le terrain, et que c'est correctement mélangé à la terre, au bout d'une semaine il n'y a plus d'odeur", souligne Lila Souprayenmestry. Aussi faut-il faire attention au stockage du produit, sous bâche, afin de contenir les odeurs. "Tout dépend de la gestion de l'agriculteur", achève-t-elle. Toujours est-il qu'après épandage, elle disparaît au bout de quelques jours. 

A l'heure actuelle, ce sont quelque 150 agriculteurs de l'Ouest et du Sud. Mais la demande et de plus en plus importante, notamment chez les agriculteurs de l'Est.