Au service addictologie du CHU, des patients racontent leur vécu en créole et concourent au prix Daniel Honoré

Atelier d'écriture au service addictologie du CHU
En ce moment, des patients du service addictologie du CHU de La Réunion participent à des ateliers d'écriture en créole. Ils rédigent nouvelles ou poèmes, racontant un événement marquant de leur vie, qui participeront au concours d'écriture Daniel Honoré dont la remise des prix est prévue en octobre prochain.

"Détak la lang pou détak lo ker", c'est le nom des ateliers organisés depuis quelques années par le service additologie du CHU de La Réunion. Pour les patients qui y participent, écrire leur ressenti dans leur langue maternelle, le créole, est un moyen comme un autre de se sortir de l'addiction à la boisson ou aux drogues. 

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 

Pour mieux guérir, ces patients du service addictologie racontent leur expérience, en créole

Mais bien souvent, s'ils parlent le créole au quotidien, rares sont ceux qui l'écrivent.  D'où les ateliers pour apprendre à coucher leurs émotions sur le papier, notamment en utilisant la graphie "KWZ".

"C'est nout lang a nou" 

Josélito lui, est content de pouvoir raconter son histoire en créole. "C'est nout langue maternelle, nout lang a nou, nou lé content parle le kréol, nou lé fier", sourit-il. 

"La apporte a moin beaucoup de joie, nout tout la partaz ansam' nout bann l'expériens la vie, nout vécu. Nou essay partaz sa en kréol. Le kréol li mem la pou perde, nou koz un kréol commercial, nou koné pa le vré fon. Nout vré kozé nou la pa apprenn sa lékol", raconte quant à lui Patrick, suivi au service addictologie depuis quelques années. 

Dire et écrire son "fonnker" 

Comme les autres stagiaires de l'atelier, il écrit actuellement une nouvelle de dix pages sur un fait marquant de sa vie, en créole. Josélito par exemple, a choisi de raconter son service militaire dans l'Hexagone quand il avait 20 ans. Sa méthode : écrire en français une première version de son histoire, qu'il va ensuite retranscrire en créole, avec sa façon de parler, "avec son fonnker qu'il a envie de dire", explique Yannis Paroumanou Souprayen, aide-soignant dans le service. 

Atelier d'écriture au service addictologie du CHU

Thierry lui, ne maîtrise pas tant que ça le créole, mais apprend à l'écrire au travers de cet atelier. "C'est une belle langue que j'aime beaucoup, mais je ne sais jamais si c'est bien écrit", soupire-t-il. Mais "quand on le lit, ça chante et c'est très imagé, on prend le temps dans le kozé pour faire apparaître les images". 

Un intérêt thérapeutique 

L'atelier "Detak la lang pou détak lo ker" accueille les patients depuis déjà trois ans. Actuellement, une cinquantaine de personnes, patients comme membres du personnel du service addictologie, y participent.

Au-delà du côté purement littéraire, l'intérêt est avant tout "clinique voire thérapeutique", fait remarquer Bélall Rojoa, psychologue au service addictologie du CHU Félix Guyon. "La part des émotions est très importante dans le soin. Le fait d'utiliser le créole permet de renforcer l'adhésion au soin, qui est toujours fragile en addictologie", explique-t-il. 

Apporter davantage de confiance 

Fabrice Sandaye, aide-soignant au sein du service addictologie, explique par ailleurs que c'est la difficulté à s'exprimer en français éprouvée par certains patients qui a mené à la mise en place de cet atelier. "Notre but c'est d'arriver à travailler sur l'estime de soi, la confiance en soi, pour qu'ils puissent se livrer sur leur propre ressenti, leurs émotions. Le patient arrive en confiance et se sent à l'aise comme chez lui". 

Tous le disent, le fait d'utiliser leur langue maternelle permet aux patients de mieux décrire leur souffrance. "Et être en accord avec ses propos permet aussi d'être en accord avec ses soins", poursuit l'équipe soignante. 

Une participation au prix Daniel Honoré 

Leur objectif, actuellement, est d'achever avant le 16 juin leur nouvelle individuel ou leur poème collectif, qui seront présentés au prix Daniel Honoré dont la remise des prix aura lieu en octobre, à l'occasion de la Somèn Kréol.