En pleine saison des agrumes, les producteurs péi concurrencés par l'importation

C'est la bonne saison pour profiter des agrumes péi, comme ici, ceux que produit Hervé Bernard à Salazie.
Des agrumes, on en produit à La Réunion, et c'est d'ailleurs la saison pour les clémentines, mandarines, tangors, ou citrons. Malgré tout, ces fruits sont concurrencés dans les commerces par des agrumes d'importation. Une situation que dénoncent les producteurs comme la Chambre d'agriculture.

La pilule a du mal à passer pour les producteurs d'agrumes de La Réunion. Ce week-end, une enseigne de la grande distribution faisait la promotion d'oranges importées d'Egypte, à 89 centimes le kilo. Un "prix choc" proposé aux consommateurs en pleine saison des agrumes sur l'île. 

Regardez le reportage de Réunion La 1ère : 

Pourquoi choisir des oranges importées d'Asie quand on a des agrumes péi de qualité ?

Pour la Chambre d'agriculture de La Réunion, ce genre de promotions de la part des grandes et moyennes surfaces sur des produits d'importation - carottes, oignons, pommes de terre... - alors que des produits similaires sont cultivés localement, constitue une "concurrence déloyale qui n'a jamais été encadrée mais qui perdure et ne favorise en rien la production réunionnaise et encore moins les objectifs de souveraineté alimentaire dans lesquels l'île s'est pourtant engagée". 

Pas de respect pour la production réunionnaise 

Frédéric Vienne, président de la Chambre d'agriculture de La Réunion, "ne peut que déplorer la situation", et pointe du doigt la grande distribution qui "se permet tout et n'importe quoi sans respect de la production réunionnaise". 

"On est en pleine saison des agrumes à La Réunion, le citron est à moins de 50 centimes le kilo, les clémentines et les tangors arrivent... On ne comprend pas le comportement de ces importateurs qui proposent aux consommateurs des oranges à moins d'un euro le kilo pour concurrencer directement la production locale"

Frédéric Vienne, président de la Chambre d'agriculture

Quel cahier des charges sanitaire ? 

Au-delà du prix, le président de la Chambre d'agriculture s'interroge aussi sur la qualité de ces produits d'importation. "On ne connaît pas leur date de récolte, leur cahier des charges sanitaires, c'est cela qui nous inquiète. Il faut faire davantage confiance à la production locale qu'à ces importations en grandes quantités, produites et récoltées on ne sait quand", achève-t-il. 

Les précisions de Frédéric Vienne, président de la Chambre d'agriculture : 

ITV Frédéric Vienne sur l'importation d'agrumes

Des agrumes en quantité et en qualité à La Réunion 

Et pourtant, ce ne sont pas les agrumes qui manquent à La Réunion. 

Hervé Bernard, producteur dans le cirque de Salazie à Mare à Citrons depuis 20 ans, produit 10 tonnes d'agrumes par an sur ses trois hectares, dont les trois variétés d'oranges qu'on trouve à La Réunion : des Thomson, des Temple - hybride de tangor et de mandarine -, et des Tangors. Mais il cultive aussi des mandarines, citrons, pamplemousses... "A La Réunion on a la chance d'avoir une vingtaine d'agrumes différents" dit-il. "En plus ce sont des produits péi et de qualité.

C'est la bonne saison pour profiter des agrumes péi, comme ici, ceux que produit Hervé Bernard à Salazie.

Une bonne saison pour les agrumes péi

Cette année, la production a même été très bonne, dit l'agrumiculteur. "On n'a pas eu de cyclone. Ca aurait pu être parfait, mais la période de sécheresse d'août à octobre l'année dernière a fait couler pas mal de fruits", résume-t-il. 

"Je ne comprends pas pourquoi les importateurs font ça. En moyenne on vend à peu près à 1 euro le kilo, en marché forain les tarifs sont de l'ordre de 1,50 ou 2 euros selon la variété, ce qui est un prix convenable pour le producteur comme pour le consommateur" 

Hervé Bernard, producteur d'agrumes

C'est la bonne saison pour profiter des agrumes péi, comme ici, ceux que produit Hervé Bernard à Salazie.

"On n'arrivera jamais à s'aligner"

Pour les producteurs péi, les conséquences sont très concrètes : ils n'arrivent plus à écouler leurs stocks face à des produits moins chers venus d'ailleurs. 

"La vente est compliquée cette année, que ce soit au niveau des magasins comme des marchés forains", constate Hervé Bernard. "Là où on est perplexe c'est au niveau du prix", réagit-il concernant ces fameuses oranges d'Egypte à 85 centimes d'euro le kilo. "Pour concurrencer ça il faudrait qu'on vende à trente ou quarante centimes le kilo, mais ça ne couvre même pas nos coûts de production, on n'arrivera jamais à s'aligner", estime l'agriculteur de Salazie. 

"C'est la saison des oranges péi, il faut en profiter" 

Hervé Bernard, producteur d'agrumes à Salazie

C'est la bonne saison pour profiter des agrumes péi !

Des difficultés à écouler la production péi

Autre exemple dans les hauts de Saint-Joseph : voici Jean-René Lauret, agrumiculteur, qui cultive en grande partie du citron quatre saisons sur son hectare, à 1 000m d'altitude. Sa production, il l'écoule chez les petits bazardiers, mais ressent un ralentissement de ses ventes. 

"On voit que la demande n'est pas là"


"On voit que la demande n'est pas là", dit-il. Et pourtant, "dans les hauts, on est en pleine période de production des agrumes, entre mars et octobre". Les citrons quatre saisons de son exploitation sont désormais mûrs, et il faut les écouler au plus vite. Et c'est là que le bât blesse. "Je n'ai pas trop de solution pour l'écoulement, alors qu'on trouve du citron d'importation en abondance sur les étals des marchés", soupire-t-il.

Il faut dire que l'agrumiculteur a peu de marges pour concurrencer l'importation : ses fruits sont vendus au consommateur entre 1 et 2 euros le kilo, quand lui les écoule à 60 centimes voire un euro le kilo. 

Créer des structures pour regrouper l'offre péi

Jean-René Lauret estime qu'il s'agit aussi d'une "question d'accès au marché", car "pour vendre il faut avoir les commandes". Le producteur propose ainsi pour solution de créer "une structure pour regrouper l'offre, et ainsi arriver à avoir des interlocuteurs pour la distribution".

Au-delà, la problématique de l'importation reste à régler : "c'est aussi aux autorités de dire non à l'importation parce qu'il y a une production locale", achève-t-il.