Le projet de création de la 25ème commune réunionnaise à La Rivière est relancé

La Rivière Saint-Louis
La création d'une 25ème commune à La Réunion est un serpent de mer qui dure depuis près de 50 ans ! Le projet de créer "La Rivière" a été relancée par la maire de Saint-Louis, Juliana M'doihoma le 1er octobre dernier.

La fin du conseil municipal de la ville de Saint-Louis, 1er octobre 2024,  a été marquée par une déclaration de Juliana M’doihoma. La maire a informé les élus d’une avancée significative dans la reprise des travaux sur l’émancipation institutionnelle de la Rivière. A travers ses propos, c’est la création de la 25ème commune réunionnaise qui revient sur le devant de la scène.

Dans le communiqué datant du 2 octobre 2024, publié par les services municipaux de la ville de Saint-Louis, les termes « découpage » ou encore « 25ème commune » n’apparaissent pas. Et pourtant c’est bien de cela qu'il s’agit. La veille s’est tenu le traditionnel conseil municipal. En guise de conclusion des débats, la présidente de séance Juliana M’Doihoma a attiré l’attention de son auditoire sur un point non inscrit à l’ordre du jour de la séance. La première magistrate Saint-louisienne a évoqué une avancée significative dans la reprise des travaux sur l’émancipation institutionnelle de la Rivière.

Le projet de découpage renaît de ses cendres

Émancipation institutionnelle de la Rivière, les mots sont lâchés. Il est bel et bien question d’un retour du projet de création de la commune de La Rivière. Affirmant être pleinement consciente de l’existence de deux entités aux identités différentes, l’équipe municipale affiche sa volonté de relancer le processus de découpage.

Désignation d’un cabinet d’experts

Pour mener à bien sa démarche et éviter toute nouvelle déconvenue dans ce dossier, la mairie décide de faire appel à un cabinet d’experts. Charge à lui de mener une étude de faisabilité et d’impact pour établir et préciser la trajectoire du projet.

Un calendrier arrêté

Le cabinet d’experts chargé de cette mission sera désigné avant la fin de ce mois d’octobre. Ses conclusions sont attendues pour le mois d’avril 2025. Ces analyses seront déterminantes pour la suite que donnera la majorité municipale à ce nouveau projet de découpage.

Il s’agira de bâtir un projet de découpage qui soit trois fois gagnant : gagnant pour Saint-Louis, gagnant pour La Rivière et gagnant pour les populations respectives

Juliana M’Doihoma, maire de Saint-Louis

Les experts désignés devront prendre connaissance des données existantes : financières, juridiques et économiques

- Mobiliser des moyens adaptés pour réaliser une actualisation des différents rapports (analyse financière et fiscale, répartition des biens, des personnes et des matériels)

- Solliciter les services de l’Etat pour un accompagnement sur la démarche, les modalités et le calendrier

- Organiser une grande concertation citoyenne à l’échelle de la Commune (principe, périmètre)

Et enfin proposer une organisation chargée du pilotage administratif et politique de projet. Il devra réaliser une étude complète afin d’actualiser les données vieilles de 15 ans.

Tout reprendre à zéro

Reprendre à zéro le processus de découpage ne sera pas sans impact pour la population. Elle sera amenée comme en 2009 à donner son avis, à se prononcer en faveur ou non d’un découpage.

Mairie de La Rivière Saint-Louis.

Une majorité de saint-louisiens favorables au découpage

À cette époque, le 29 mars 2009, 52,6% des Saint-louisiens et Riviérois se sont prononcés en faveur d’une séparation des deux territoires. Consultées le 2 décembre 2012 les populations des Makes et de Bois de Nèfles Coco avaient choisi leur destinée. Le quartier des hauts de Saint-Louis entendait garder son identité saint-louisienne alors que le secteur de Bois de Nèfles Coco affichait une préférence pour la Rivière. Les données issues des urnes ont permis d’établir un découpage et déterminer les limites géographiques des deux territoires.

17 mars un jour historique pour La Rivière

Les choses semblaient entendues et l'affaire pliée. Le projet de découpage traverse alors toutes les étapes administratives jusqu’au fameux 17 mars 2017. Un jour historique pour les Rivierois partisans de la séparation.

Le préfet de l'époque, Dominique Sorain, signe le décret entérinant la création de la 25ème commune. Ce décret prévoitr que la commune de La Rivière sera réalité à compter du 1er janvier 2018.

La ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, porte la bonne parole jusque sur le parvis de la mairie annexe de La Rivière en présence de Patrick Malet, maire et timide partisan du projet.

Décret contesté

Le temps de l’annonce passé, arrive le temps de la contestation. Une habitante de La Rivière et un élu de la majorité municipale s’opposent à la scission. Ils portent le dossier devant le tribunal administratif.  Le 7 décembre 2017, le tribunal annule l’arrêté préfectoral du 17 mars.

C’est un nouveau rendez-vous manqué pour toutes celles et ceux qui rêvaient d’indépendance et s'imaginaient libérés de la tutelle saint-louisienne.

La stratégie du PCR

Pour avoir un début d'explication  aux velléités de séparation des Rivièrois, il faut remonter à... 1965. La commune de Saint-Louis déjà amputée du quartier de l’Etang Salé depuis 1884, se sépare cette fois de son cirque, Cilaos.

Le prochain coup de rabot est alors destiné au secteur de la rivière Saint-Louis.

Pour mener à bien le plan orchestré par les dirigeants de l’époque (le maire est Théophile Hoareau élu de 1965 à 1971), une consultation est menée auprès de la population saint-louisienne. Les administrés sont invités en mairie. Ils doivent répondre oui ou non à la question « pour ou contre La Rivière commune. » A l'époque, le Non l'emporte, avec l’aide du Parti communiste réunionnais.

         

Le PCR était à l’époque dans une logique de conquête de territoire.

Elie Hoarau, dirigeant du PCR

Nous sommes à la veille d’importantes échéances électorales. Dans la ligne de mire du PCR, les municipales de 1971. Le parti de Paul Vergés désigne Christian Dambreville comme porte-drapeau. Avec 54% des suffrages, le médecin fait basculer la commune dans l’escarcelle des communistes. En refusant le découpage, le PCR minoritaire en voix sur La Rivière réussit son pari : celui de priver la droite d’une nouvelle commune.

Le parti communiste réunionnais a, par la suite, revu sa position. Il relance le débat de manière concrète sous le mandat de Claude Hoarau, réélu maire en 2007. Le processus est lancé, il aboutira dix ans plus tard avec la signature du décret entérinant la naissance de la commune de La Rivière.

Quelle réaction à la relance du projet ?

L’opposition dénonce une manœuvre politique. L’APR (Action Populaire de La Réunion) formation fondée par Claude Hoarau, débarqué de la direction du PCR, dénonce une manœuvre politique de la maire de Saint-Louis.

Elle pouvait relancer le processus depuis longtemps comme elle l’avait promis aux Rivièrois en 2020. Elle sait pertinemment que c’est impossible de le faire pour 2026. Au 31 août 2025 les études devront être menées et le dossier bouclé dans sa totalité. Elle sait pertinemment que c’est impossible. Elle fait miroiter des choses à l’aube d’une campagne électorale.

Fabrice Hoarau, secrétaire général APR

Orientations budgétaires de Saint-Louis

"Ce n'est pas un calendrier électoraliste"

Réunion la 1ère a contacté Juliana M’Doihoma, la maire de Saint-Louis, pour lui demander dans quel état d'esprit elle relance et aborde ce vieux serpent de mer.

Réunion la 1ère : Après tous les rendez-vous manqués, qu'est ce qui vous pousse à remettre l’ouvrage sur le métier ?

Juliana M’Doihoma : Aujourd’hui la commune a effectivement fait une avancée sur le sujet de l’émancipation institutionnelle de La Rivière. C’est un sujet sur lequel nous portons, mon équipe et moi, une certaine conviction. C’est un sujet sur lequel on s’était engagé pour reprendre le moment voulu les travaux de manière sérieuse et organisée. Nous avons tout au long de la première partie de notre mandat travaillé sur ce qui a fait défaut à notre commune depuis trop longtemps entre 2009 et 2019 ; à savoir assainir les finances de la commune. C’est un travail qui vient d’être reconnu dans le cadre du rapport de la chambre régionale des comptes. Nous avons aussi consacré la première partie de notre mandature à consolider, voire refaire, les bases de l’organisation de la commune. Il me paraissait essentiel de pouvoir sur cette deuxième partie de mandature remettre à l’agenda de la commune la question de l’actualisation des données sur le sujet de la création de la commune de La Rivière. Parmi les données qu’il convient d’actualiser, il y a le regard que la population peut porter sur sujet. On est près de 15 ans après la première consultation qui remonte 2009.

Réunion la 1ère : En matière de date, la majorité municipale se fixe-t-elle un objectif ? 2026 vous semble raisonnable ?

Juliana M’Doihoma : Sur ce sujet, il y a des bases qu’il faut poser. Il faut avoir une conduite de projet préservant la population de toutes nouvelles illusions. Il y avait un arrêté préfectoral qui avait été pris en mars 2017 avec une création de commune annoncée pour le 1er janvier 2018. Cet arrêté a fait l’objet d’une annulation par le tribunal administratif. À la suite de cette annulation, il faut souligner que ni le préfet, ni la commune, ni les collectifs citoyens n’ont fait appel de cette décision. Aujourd’hui dans la démarche qui est la mienne, je veux vraiment que l’on fasse les choses sans faire miroiter ce dont on ne pourrait pas être certain. C’est pourquoi l’on reprend le travail à la base. Cette AMO (Assistance à maitrise d'ouvrage) que l’on vient de lancer nous permettra d’être accompagnés par des experts. Cette assistance à maîtrise d’ouvrage nous guidera sur le dossier et débouchera sur une étude de faisabilité et d’impacts.

La question du calendrier se travaille parallèlement à cette étude et surtout avec la population.

Parmi les missions fixées à cette AMO, il y a la définition des modalités les plus appropriées pour une nouvelle concertation avec la population.

L’autre préalable qu’il faut poser est que je pense que le sujet a beaucoup trop souffert dans le passé d’instrumentalisation politique. Aujourd’hui dans ma démarche, dans les engagements que j’avais pris, j’ai travaillé pour l’équité territoriale. J’ai une approche qui se veut responsable et mon calendrier n’est pas du tout un calendrier électoraliste. Je n’ai aucune urgence électorale à satisfaire. Mon calendrier est celui de la raison et celui qui sortira de la construction avec la population, puisque c’est avant toute chose l’avis de la population qui primera.

Réunion la 1ère : Vous dites triple gagnant ; les deux nouvelles entités mais aussi la population à travers d’éventuelles baisses d’impôts pour les contribuables des deux territoires ?

Juliana M’Doihoma : Quand je dis que ce sujet doit être triplement gagnant, c’est vrai que j’ai toujours dit que cette émancipation institutionnelle doit se faire en étant viable pour les deux territoires, mais aussi viable pour chacune des populations. C’est le sens même de l’étude de faisabilité d’impact et d’actualisation des données.

Il y a une analyse financière et fiscale à actualiser. La question de la répartition des biens et des personnes doit être menée de manière approfondie et sérieuse. La question de la fiscalité sous notre mandature se pose de manière déconnectée de ce sujet d’émancipation puisque je vous rappelle que sous ma mandature et pour la première fois depuis 30 ans on a procédé à deux baisses des taux de la fiscalité. On a eu des améliorations de nos résultats financiers. Cette année en raison des intempéries subies, on a fait le choix d’un gel afin de privilégier l’accélération des investissements pour sécuriser routes et radiers. On est déjà en train de réfléchir à ce qui pourra être fait sur le sujet de la fiscalité l’an prochain. Sans même attendre l’étude de faisabilité et d’impact sur la question institutionnelle.

Réunion la 1ère : Vous avez bon espoir de mener à terme ce projet ?

Juliana M’Doihoma : Aujourd’hui ce qui m’importe c’est que l’on puisse disposer de toutes les données utiles, actualisées à la fois techniquement mais aussi d’un point de vue de la population. Je pense qu’elle doit s’exprimer en ayant pleine connaissance des enjeux et des impacts, non pas comme cela a été le cas jusqu’ici en divisant la population sur des questions d’appartenance partisane.