Du papier fabriqué à La Réunion à partir de vacoa : une innovation péi à Saint-Philippe

La fabrication de papier, un nouveau débouché pour notre vacoa
Les stagiaires de cet atelier d'insertion de Saint-Phillippe ont le sourire : ils ont appris à fabriquer du papier 100% péi, à base de vacoa, et pourront même en faire leur métier. Ou comment allier innovation et insertion, autour d'un produit qui reflète l'identité du Sud sauvage.

On connaissait le vacoa tressé dans l'artisanat, son "pinpin" et son chou délicieux en cuisine... Mais saviez-vous qu'il était aussi possible d'en faire du papier ? C'est l'étonnant projet de cet atelier d'insertion, qui depuis deux ans, a formé 12 stagiaires au métier de papetier à Saint-Philippe.

Regarder le reportage de Réunion La 1ère : 

Des feuilles de vacoa séchées naissent ce beau papier... Une innovation péi désormais maîtrisée par 12 apprentis à Saint-Philippe.

Ces personnes pour la plupart éloignées de l'emploi et à la recherche d'activité ont pu apprendre durant quatre mois, auprès de Nicole Gauvin, formatrice en papeterie. L'occasion de découvrir qu'ils pouvaient exploiter cet arbre, le pandanus utilis de son nom latin, d'une manière étonnante. 

Un papier écologique 

Le papier de vacoa qu'ils savent désormais fabriquer et travailler se compose de deux éléments essentiels : des feuilles de vacoa sèches et broyées, et du papier recyclé. "C'est écologique, on ne jette rien !", s'exclame Nadine Lebon, une des apprenties. 

Un processus en plusieurs étapes

Ce matin-là dans l'atelier, avec Marie-André, une autre apprentie, elles mettent littéralement la main à la pâte. Dans un seau, elles mêlent papier et vacoa broyés à de l'eau, pour en faire une pâte homogène, qui sera ensuite étalée sur une grille, trempée, puis séchée pour obtenir le fameux papier.

Papier recyclé et broyat de vacoa sont les deux ingrédients essentiels au papier de vacoa.
La fabrication de papier, un nouveau débouché pour notre vacoa

Ce processus, elles le maîtrisent désormais, et sont fières de pouvoir en faire leur métier. "Je ne savais pas qu'on faisait ça avec le vacoa. Il faut avoir de la patience, mais c'est un bel avenir pour La Réunion avec ce beau projet", dit-elle enthousiaste. 

De l'avenir pour le vacoa 

Nicole Gauvin, leur formatrice en papeterie, y croit dur comme fer. "Le vacoa a de l'avenir devant lui, on peut le travailler sous toutes ses formes ! Avec le papier, on apporte quelque chose de supplémentaire", sourit-elle. Surtout dans une région comme le sud sauvage où le papier de vacoa peut facilement rencontrer une clientèle touristique.

Les feuilles de vacoa séchées sont broyées avant d'intégrer la pâte à papier.

Des carnets et des supports pour la peinture... 

"Ces papiers, s'ils sont bien raffinés, peuvent supporter une impression au jet d'encre", souligne Nicole Gauvin. Une fois imprimés, ils peuvent par exemple servir à la confection de jolis petits carnets artisanaux. Les larges feuilles vierges elles, peuvent accueillir le travail de peintres par exemple.

La fabrication de papier, un nouveau débouché pour notre vacoa

Mais le papier de vacoa a encore de nombreux usages ! Nicole Gauvin a aussi enseigné à ses apprentis la fabrication de "l'étoffe" de vacoa, issue cette fois-ci à 100% de vacoa, sans ajout de papier recyclé. "C'est un amalgame de broyat de vacoa. Ce n'est pas un tissu parce qu'il n'est pas tissé, mais ce n'est pas de la pâte à papier non plus, on voit les fibres du végétal", explique la formatrice. 

...mais aussi de la maroquinerie !

Grâce à ces deux matériaux qu'ils ont appris à fabriquer, les nouveaux papetiers de Saint-Philippe "pourront fabriquer des ramettes de papier, mais aussi des objets, surtout en maroquinerie", se félicite-t-elle. Car, contrairement à ce que son nom indique, le papier de vacoa n'a pas seulement pour vocation d'être un support pour l'écriture ou la peinture. Il peut également être assemblé, cousu, sous forme de sacs, de pochettes... 

"Ils ont fait un travail très minutieux pour montrer à quel point le papier est solide, on peut transporter quelque chose dedans. Ce n'est pas parce que c'est un papier qu'il sera déchirable au moindre effort" 

Nicole Gauvin, formatrice en papeterie

Insertion, innovation, tradition

Ce projet qui, même s'il a connu des hauts et des bas en deux ans, a finalement pu se concrétiser et former 12 apprentis, des seniors, qui eux-mêmes pourront à nouveau former de plus jeunes stagiaires à l'avenir. Pour Stéphane Métro, directeur de la Maison de l'Emploi du Grand Sud, qui a accompagné cette expérimentation, l'idée était de réunir "les trois sphères du développement durable : l'économie, le social, et l'environnemental", le tout sur une filière de terroir. 

"Ce sont des personnes qui à l'origine étaient très éloignées de l'emploi qui ont pu accéder à une formation qui allie innovation et tradition à travers le vacoa. Puis l'idée c'est bien sûr de rendre la filière viable pour que ces personnes puissent s'en sortir" 

Stéphane Métro, directeur de la Maison de l'Emploi du Grand Sud

"Un papier nou la fé !"

A écouter Nadine, l'apprentie papetière, son futur professionnel s'annonce plein de promesses : "La la amène un bon zaffer La Réunion, un papier nou la fé ! C'est un bon avenir !".

Si les 12 stagiaires ont été formés pour être en capacité de créer chacun leur unité de production, ils ont décidé d'ouvrir un espace commun de production à Basse-Vallée, désireux de poursuivre ensemble l'art du papier de vacoa. Les multiples utilisations de cet arbre seront d'ailleurs à l'honneur à Saint-Philippe à l'occasion de l'incontournable fête du Vacoa, à partir de ce samedi 5 jusqu'au 15 août. 

Nadine et Marie-André, deux apprenties papetières satisfaites de leurs nouveaux acquis.