Pour la troisième année de suite, les cannes ont du mal à s’imposer dans le paysage de Bois-Blanc, à Sainte-Rose. Dans l'Est de La Réunion, la qualité des cannes n'est plus la même qu'auparavant.
Absence de main-d’œuvre, perte de tonnage et baisse considérables de revenus : les planteurs tirent une nouvelle fois la sonnette d'alarme. La campagne sucrière 2024 est très difficile pour certains d'entre eux qui décident même d'abandonner la culture de la canne, à l'instar de Christian Huet.
Regardez le reportage de Réunion La 1ère :
Des planteurs exténués
Cela fait maintenant deux à trois ans que Christian Huet, planteur dans l'Est, subit de plein fouet les effets de plusieurs campagnes sucrières plus difficiles les unes que les autres.
Âgé de 56 ans, Christian Huet a pourtant cultivé la canne depuis sa tendre enfance. "Mi rappelle kan mwin té ti, mwin té déjà dans caro' cannes. Mwin té cultive déjà la canne. Dan' tan lontan, té pas comme koméla", dit-il avec nostalgie.
Son cas est loin d'être isolé. Même son de cloche pour Fabrice Leveneur, qui lui, a décidé de ne pas livrer de cannes à l'usine de Bois-Rouge. Depuis quatre à cinq ans, il n'a plus les moyens de payer de la main-d’œuvre.
"Mwin té obligé de prendre des prestataires pour couper les cannes avec la machine, donc la fait baisse mon rendement au champ. Mwin té pou travail dans le vide, donc ma arrêté", témoigne Fabrice Leveneur.
Des difficultés grandissantes
Aujourd'hui, en 16 ans d'exploitation à Bois-Blanc, Christian Huet est contraint, lui aussi, de tout abandonner. En cause, des cannes qui perdent en qualité, des produits phytosanitaires de plus en plus onéreux et des paiements de la DAAF qui arrivent bien trop en retard, selon le planteur qui peine à boucler ses fins de mois.
"Aujourd’hui, mi abandonne parce que la DAAF i paye à nous vraiment trop en retard. Lé pu possible continuer coma. En plus, nous trouve pu de gens i veut travailler. Et même si nous pourrait trouve quelqu’un pour aide à nous, et bun nous na pu de l’argent. I arrive trop en retard et lé pas rentable du tout. Nous gayn pas fait l’entretien de notre champ komkifo, le désherbage avec l'engrais i coûte trop cher", déplore Christian Huet, planteur dans l'Est.
Des cannes de mauvaise qualité
"Les cannes sont très mauvaises cette année. Elles sont moues, petites et encore vertes", alarme Christian Huet. Le même constat avait déjà été dressé par Dominique Clain, président de l'UPNA (Unis Pour Nos Agriculteurs) en juillet dernier, lors des premières coupes.
"Je pense que la campagne sera vraiment catastrophique. C'est la pire campagne, martèle Dominique Clain au micro de Réunion La 1ère en juillet dernier. Les cannes sont vraiment mauvaises cette année". Cette situation est la même partout dans l'île, notamment dans l'Est, remarque le président de l'UPNA.
Les effets du cyclone Belal
À Sainte-Rose, le syndicat UPNA estime que par rapport à la mauvaise campagne de l’an dernier, la production 2024 serait en baisse de 40 à 50 %.
Cette année, les cannes perdent en qualité, notamment à cause du cyclone Belal, s'accordent à dire les planteurs. "Le cyclone a d'abord ralenti la pousse des cannes. Après, même si nous la mét' l'engrais, la pas poussé komkifo", souligne Christian Huet.
Quel avenir pour la canne ?
L'avenir de la canne est en péril à La Réunion. Nombreux sont ceux qui arrêtent de la cultiver. Désespéré, Christian Clain a décidé de tout mettre en vente. "Zordi, mi gayn pu. Mwin la construit tout ça, mwin la acheté le tracteur, mwin la fait le hangar, mwin la acheté le 4x4, mwin la tout acheté, mwin la investi, mais mi gayn pu entretenir tout ça", souffle-t-il.
La fin de la campagne sucrière aura lieu vers décembre prochain. Ce sera l'occasion pour l'UPNA de dresser le bilan d'une campagne qui s'annonçait déjà "catastrophique" pour le syndicat.