En janvier dernier paraissait « La Familia grande » de Camille Kouchner. Dans cet ouvrage, la juriste accuse ouvertement son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, d’avoir commis un inceste sur son frère quand ils étaient enfants. Des faits passés sous silence durant des années.
Quand on est victime d’inceste, on est enfermé puisque c’est un sujet qui devient tabou. L’inceste c’est une agression sexuelle dans un cadre familial. Le silence peut durer une vie toute entière.
Les révélations publiques au sein de cette famille connue, et médiatisée, ont ouvert la voie à d’autres. D’autres révélations, d’autres familles, anonymes cette fois, où règne la même omerta. Car l’inceste est encore tabou. Mais ce phénomène de libération de la parole va prendre de l’ampleur avec le hastag MetooIncest.
Trois ans pour mettre en place une politique publique
160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. En décembre 2020, le gouvernement français lance la commission inceste. Cette dernière, composée de 27 membres, a pour vocation de trouver des solutions concrètes pour aider les victimes d’inceste.
Parmi celles-ci, la plateforme lancée mardi. Une ligne téléphonique gratuite qui propose aux victimes de témoigner de façon anonyme. Une centrale d’écoute accessible en Outre-mer. Les témoignages peuvent également être envoyés par courriel (temoignages@ciivise.fr) ou courrier postal (Ciivise, 14 avenue de Duquesnes 75007 Paris).
Si la centrale d’appel est prise d’assaut depuis mardi dans l’Hexagone, à La Réunion il y a quelques freins. En effet, la plateforme n’est accessible que de 12h à 21h. Les victimes peuvent être confrontées à un message d’attente, parfois long, froid et administratif, avant de pouvoir être mises en relation avec un écoutant. Une réponse mécanique et lointaine qui peut en décourager plus d’un.
Les associations locales, qui œuvrent pour aider les victimes, auraient souhaité la mise en place d’une plateforme péi. Ainsi, le collectif Elianna a lancé une page Facebook dédiée : « MeTooIncest 974 ». Les personnes souhaitant raconter leur histoire, même de façon anonyme, peuvent s’exprimer. Si les victimes le veulent, elles peuvent non seulement y trouver une écoute mais aussi un accompagnement psychologique voire judiciaire.
Quid de la barrière de la langue ?
Autre point soulevé par les associations locales : la barrière de la langue. Selon elles, il peut être plus aisé de s’exprimer dans sa langue maternelle pour raconter l’innommable. Un fait corroboré par Nadine Caroupanin, directrice régionale aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Il a souvent été évoqué que la barrière de la langue pouvait représenter un frein à la prise en charge des victimes émanant des territoires ultramarins.
Toutefois, la déléguée aux droits des femmes assure que les personnes qui se trouvent à l’autre bout du fil sont parfaitement formées pour décrypter les mécanismes de violence.
Elles ont une bonne connaissance des traumatismes liés aux violences. Elles arrivent à identifier les situations, et surtout réorienter vers les associations locales qui ont la charge d’assurer le suivi de proximité des victimes.
Pour conforter son propos, Nadine Caroupanin prend l’exemple du 3919, le numéro d’appel pour les victimes de violence. Malgré le fait qu’il s’agisse d’une plateforme nationale, le nombre d’appels émanant de La Réunion a triplé entre 2017 et 2021.
Dès le mois d’octobre, les membres de la commission Inceste se rendront dans chaque département pour déterminer les besoins et adapter la politique publique qui doit être mise en place d’ici trois ans.
Le reportage de Gaëlle Malet et Alix Catherine :