TV-Mafoumbouni contre un ex-vice Président du Conseil général qui a porté plainte pour "injures". L'affaire est passée mercredi 5 avril au matin au Tribunal correctionnel. Une audience très attendue et originale où ont été évoqués l'humour, la caricature et la liberté d'expression.
Pour un Président de Tribunal, voir arriver dans sa cour ce type d'affaire -entre un dossier décasage, un d' "atteinte sexuelle par personne ayant autorité" et un de "violence à mineure"- est probablement un petit souffle d'air frais... Et le Président n'a pas boudé son plaisir. Le seul sur les 20 dossiers du jour.
Prudent, il a commencé par tancer la salle où les supporters de TV-Mafoumbouni étaient venus en nombre, Tous revêtus de T shirts louant les mérites de leur télé... et les vertus du rire. A la moindre incartade, manifestation bruyante," le procès se pousuivrait mais à huis-clos partiel". Qui le souhaitait...? la salle -à l'exception d'un seul qui prit illico la porte de sortie- a su se tenir.
Il se fera aussi un devoir de rappeler ce qu'est pour le Législateur une "injure", citant la définition et les articles associés.
Plus original, avant d'aborder les faits en cause, le Président se livrera à une réflexion sur le rire "le rire est une arme. Même une sanction dans les sociétés amérindiennes". Le temps de quelques phrases, on se serait cru à la 17ème chambre correctionnelle de Paris. LA Chambre spécialisée dans les affaires de presse où sont passés une partie des vedettes de la politique... et du barreau.
Les auteurs présentent l'ex-élu comme totalement soumis à la volonté de la femme d'affaires. Et pour bien faire passer le message les acteurs-amateurs du sketch se mettent en scène comme une maîtresse avec son animal familier, un "toutou". S'en donnant à coeur-joie ils filent la métaphore animalière. Le Président lit à l'audience des extraits du dialogue.
"-Maman, est-ce que je peux avoir mon os...?" revient à plusieurs reprises... Le "toutou" geignard est assis au pied de celle qui est présentée comme sa "maîtresse". Nous vous ferons grâce de la suite... Chacun a bien compris qu'en usant d'une métaphore animalière -celle du "toutou"- il s'agit de critiquer et de dénoncer par la caricature une situation.
L'intéressé ne s'y est pas trompé : Il a mis au Tribunal TV-Mafoumbouni pour "injures".
Face à un président de TV-Mafoumbouni qui donne l'impression d'être mal à l'aise dans un costume trop grand pour lui.
Le Président du TGI enchaîne questions et constatations : "Est-ce que le terme de "toutou" n'est pas méchant"? Pas très valorisant! Surtout à Mayotte où les chiens n'ont pas la cote! Et pour un ex-décideur politique ce n'est guère valorisant!. Si vous croisez quelqu'un que vous traitez de toutou, vous croyez qu'il va bien réagir?"
Et dans la foulée de cette (petite...) philippique le magistrat enfile -presque...- la robe du défenseur en rappelant ce qu'est une caricature -le fameux "toutou"- ce qu'est l'humour, ce qu'est un polémiste.
Les fables d'Esope, le roman de Renart, et bien sûr La Fontaine s'imposent à l'esprit. D'autant qu'à la fin de sa vie le fabuliste a dû aussi subir les foudres de la raideur morale, lui qui écrivait en exergue de ses fables :
"Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons :
Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes;
Je me sers d'animaux pour instruire les hommes."
Vient alors le temps de la défense. Et de la riposte pour les deux avocats de TV-Mafoumbouni.
Premier axe, la démonstration par maître Bazzanella qu'on est bien dans l'humour et la caricature garantis par la Déclaration des Droits de l'homme. De citer Voltaire "La liberté d'expression est la base de toutes les libertés. C'est par là qu'on s'éclaire mutuellement!". Il affirme qu'à" aucun moment TV-Mafoumbouni ne s'en est pris à l'ex-élu pour son ethnie, sa religion, sa race... Donc à aucun moment l'association n'a outrepassé les limites de la Loi".
L'image de l'animal -en l'occurence un chien, un toutou- est un "classique" dans la satire et la caricature. Et de rappeler les "animaux-humains" du "Bébête-show : Béréouahouah! Sarkozette ou la grenouille présidentielle kermitéran! "Et Blair le "toutou" de Bush! Et Hollande celui de Merkel!" conclut-il.
Selon l'avocat, il s'agissait pour les auteurs de dénoncer une situation où un ex-vice Président de Conseil général vote une délibération d'attribution à une société et est embauché au terme de son mandat par cette même société. Il conclut : "Ils ont voulu dénoncer une situation qui également me choque!"
Deuxième axe, la situation dénoncée par le sketch. Avec l'impression qu'un procès pourrait bien en cacher un autre.
Maître Souhaili développe dans sa plaidoierie une attaque en règle contre l'accusateur de TV-Mafoumbouni. Il dénonce un "conflit d'intérêt". "On a le droit de travailler mais pas de travailler pour le client à qui on a donné un marché!" martèle-t-il. Citant avec précision les articles du Code pénal il affirme que l'ex-élu ne pouvait travailler dans l'entreprise MCG gestionnaire du port avant trois année, donc pas avant 2018. Il affirme qu'il encourt 3 ans d'emprisonnement et 2000 euros d'amende.
Au passage, il lie cette accusation à l'actualité : "Quand on nous parle de moralisation de la politique dans notre présidentielle, on est en plein dedans!" L'avocat rappelle aussi que l'attitude de l'accusateur -en allant lui-même dans les médias pour dénoncer TV-Mafoumbouni- a contribué à son préjudice en donnant un écho inespéré à la vidéo... En quelques mois, la nombre de vues est passé de 5500 à plus de 16 000...!
In fine...maître Souhaili demande la relaxe.
Le délibéré est renvoyé au 3 mai. A trois jours du deuxième tour de la Présidentielle. A méditer...
Prudent, il a commencé par tancer la salle où les supporters de TV-Mafoumbouni étaient venus en nombre, Tous revêtus de T shirts louant les mérites de leur télé... et les vertus du rire. A la moindre incartade, manifestation bruyante," le procès se pousuivrait mais à huis-clos partiel". Qui le souhaitait...? la salle -à l'exception d'un seul qui prit illico la porte de sortie- a su se tenir.
Liberté d'expression ou "injure"?
A la barre, le représentant légal de l'association TV-Mafoumbouni, son président Tony.M. Dans la Loi du 29 juillet 1881 qui affirme et définit la Liberté de la presse, c'est en effet lui le responsable légal. Le Président du Trinbunal en quelques mots rappelle ce point fondamental du Droit de la presse.Il se fera aussi un devoir de rappeler ce qu'est pour le Législateur une "injure", citant la définition et les articles associés.
Plus original, avant d'aborder les faits en cause, le Président se livrera à une réflexion sur le rire "le rire est une arme. Même une sanction dans les sociétés amérindiennes". Le temps de quelques phrases, on se serait cru à la 17ème chambre correctionnelle de Paris. LA Chambre spécialisée dans les affaires de presse où sont passés une partie des vedettes de la politique... et du barreau.
La caricature du "toutou"
Tout commence le 22 octobre 2016. TV-Mafoumbouni -une télé diffusée sur le web et qui a su avec ses 250 vidéos trouver son public- met alors en ligne sur Youtube et les réseaux sociaux un sketch mettant en cause un ex-vice Président du Conseil général, Jacques Martial Henry et la "patronne" de MCG, madame Ida Nel. Le premier -qui n'est plus élu- travaillant désormais comme chargé de mission pour la seconde.Les auteurs présentent l'ex-élu comme totalement soumis à la volonté de la femme d'affaires. Et pour bien faire passer le message les acteurs-amateurs du sketch se mettent en scène comme une maîtresse avec son animal familier, un "toutou". S'en donnant à coeur-joie ils filent la métaphore animalière. Le Président lit à l'audience des extraits du dialogue.
"-Maman, est-ce que je peux avoir mon os...?" revient à plusieurs reprises... Le "toutou" geignard est assis au pied de celle qui est présentée comme sa "maîtresse". Nous vous ferons grâce de la suite... Chacun a bien compris qu'en usant d'une métaphore animalière -celle du "toutou"- il s'agit de critiquer et de dénoncer par la caricature une situation.
L'intéressé ne s'y est pas trompé : Il a mis au Tribunal TV-Mafoumbouni pour "injures".
"Je me sers d'animaux pour instruire les hommes"
Le président de la télé du web accepte de venir répondre -face à la cour- aux questions du Président du Tribunal. Très à l'aise -voire parfois souriant- le magistrat tente de définr les notions d'humour, de polémique, de satire et de caricature.Face à un président de TV-Mafoumbouni qui donne l'impression d'être mal à l'aise dans un costume trop grand pour lui.
Le Président du TGI enchaîne questions et constatations : "Est-ce que le terme de "toutou" n'est pas méchant"? Pas très valorisant! Surtout à Mayotte où les chiens n'ont pas la cote! Et pour un ex-décideur politique ce n'est guère valorisant!. Si vous croisez quelqu'un que vous traitez de toutou, vous croyez qu'il va bien réagir?"
Et dans la foulée de cette (petite...) philippique le magistrat enfile -presque...- la robe du défenseur en rappelant ce qu'est une caricature -le fameux "toutou"- ce qu'est l'humour, ce qu'est un polémiste.
Les fables d'Esope, le roman de Renart, et bien sûr La Fontaine s'imposent à l'esprit. D'autant qu'à la fin de sa vie le fabuliste a dû aussi subir les foudres de la raideur morale, lui qui écrivait en exergue de ses fables :
"Tout parle en mon ouvrage, et même les poissons :
Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous sommes;
Je me sers d'animaux pour instruire les hommes."
Les autres toutous dans la presse!
L'avocat de la Partie civile, maître Benoît Jorion, évite le terrain de la polémique humoristique. Pour aller sur celui du judiciaire. Il réaffirme clairement qu'il y a "injure". Et de préciser : "le terme "toutou" est utilisé à huit reprises! La demande de nonos à cinq reprises! L'injure est d'autant plus forte que le chien est presqu'aussi dévalorisé que le cochon pour un musulman!". Il argumente : "Quand un élu cesse d'être élu, quelles ressources a-t-il? Il faut nourrir la famille! Est-ce que le fait d'être salarié est d'être un chien?". En conclusion, il demande 10 000 euros pour préjudice moral et 4000 euros pour les frais de procédure.Vient alors le temps de la défense. Et de la riposte pour les deux avocats de TV-Mafoumbouni.
Premier axe, la démonstration par maître Bazzanella qu'on est bien dans l'humour et la caricature garantis par la Déclaration des Droits de l'homme. De citer Voltaire "La liberté d'expression est la base de toutes les libertés. C'est par là qu'on s'éclaire mutuellement!". Il affirme qu'à" aucun moment TV-Mafoumbouni ne s'en est pris à l'ex-élu pour son ethnie, sa religion, sa race... Donc à aucun moment l'association n'a outrepassé les limites de la Loi".
L'image de l'animal -en l'occurence un chien, un toutou- est un "classique" dans la satire et la caricature. Et de rappeler les "animaux-humains" du "Bébête-show : Béréouahouah! Sarkozette ou la grenouille présidentielle kermitéran! "Et Blair le "toutou" de Bush! Et Hollande celui de Merkel!" conclut-il.
Selon l'avocat, il s'agissait pour les auteurs de dénoncer une situation où un ex-vice Président de Conseil général vote une délibération d'attribution à une société et est embauché au terme de son mandat par cette même société. Il conclut : "Ils ont voulu dénoncer une situation qui également me choque!"
Un procès en cacherait-il un autre...?
Deuxième axe, la situation dénoncée par le sketch. Avec l'impression qu'un procès pourrait bien en cacher un autre.Maître Souhaili développe dans sa plaidoierie une attaque en règle contre l'accusateur de TV-Mafoumbouni. Il dénonce un "conflit d'intérêt". "On a le droit de travailler mais pas de travailler pour le client à qui on a donné un marché!" martèle-t-il. Citant avec précision les articles du Code pénal il affirme que l'ex-élu ne pouvait travailler dans l'entreprise MCG gestionnaire du port avant trois année, donc pas avant 2018. Il affirme qu'il encourt 3 ans d'emprisonnement et 2000 euros d'amende.
Au passage, il lie cette accusation à l'actualité : "Quand on nous parle de moralisation de la politique dans notre présidentielle, on est en plein dedans!" L'avocat rappelle aussi que l'attitude de l'accusateur -en allant lui-même dans les médias pour dénoncer TV-Mafoumbouni- a contribué à son préjudice en donnant un écho inespéré à la vidéo... En quelques mois, la nombre de vues est passé de 5500 à plus de 16 000...!
In fine...maître Souhaili demande la relaxe.
Le délibéré est renvoyé au 3 mai. A trois jours du deuxième tour de la Présidentielle. A méditer...