Andrée Olano et Jean-Louis Legasse racontent l'histoire du tennis à Saint-Pierre et Miquelon

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Près de 100 ans après son apparition, le tennis est devenu un sport respecté et pratiqué à Saint-Pierre et Miquelon. Pour évoquer son histoire sur Le Caillou, nous avons rencontré Jean Louis Légasse membre actif du Saint-Pierre tennis action et Andrée Olano joueuse historique de l'archipel.

Dans le salon d’Andrée Olano en cet après-midi de juillet, on pourrait presque entendre le bruit de la balle jaune frapper le cordage des raquettes. Quand la septuagénaire parle de son sport, on sent la passion. Comme un amour de jeunesse qu’elle n’aurait jamais oublié. Et en cette période olympique, la Saint-Pierraise a forcément le regard tourné vers Rolland Garros pour y regarder les épreuves de tennis. Et son cœur penche pour un certain joueur serbe. "J’adore Djokovic… Je le trouve fascinant. Il se sublime toujours."

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Il faut dire qu’Andrée sait de quoi elle parle. Joueuse de tennis assidue dans sa jeunesse, elle fut témoin de l’évolution de son sport favori dans l’archipel. De jeune débutante, jouant contre le fronton basque toute seule, elle a su progresser en autodidacte. Pour arriver à une véritable compétitrice. "J'adorais ça. Je trouvais ça très intéressant, amusant et à la fois compliqué techniquement. J'ai vite progressé."

Andrée Olano avec la coupe Marcel Girardin dans les années 60

Une fois les bases acquises seule, il fallait bien trouver des partenaires pour effectuer les premiers échanges. Dans les années 60, pour jouer au tennis et rencontrer d'autres joueurs, il fallait se rendre à l'ASSP. C'est ici qu'Andrée a joué ses premières parties.

Je suis venu observer, et on m'a proposé de taper quelques balles. Rapidement, j'ai su que je me débrouillerai bien. J'étais presque la seule femme.

Andrée Olano

"Quand le vent venait de l'est, la balle avait une trajectoire particulière"

Si aujourd'hui il est possible de jouer sous un dôme, en intérieur, les conditions d'antan étaient tout autres. Du court Chartrier sur le site actuel du Trésor Public, à celui près de la maison Parsons, en passant par les terrains privés de Savoyard et ceux de l'ASSP, il fallait s'adapter aux conditions climatiques de l'archipel. Andrée se souvient en riant. "Quand il ne pleuvait pas j'allais jouer. Mais je me souviens que parfois c'était compliqué. Le terrain de l'ASSP était abrité, mais quand le vent venait de l'est, la balle avait une trajectoire particulière." 

Les courts de tennis à l'ASSP

Des conditions climatiques, dont Jean-Louis Légasse peut lui aussi témoigner. Membre historique du Saint-Pierre tennis club, il est en quelque sorte le visage de la petite balle jaune à Saint-Pierre et Miquelon. Lui aussi se souvient des bourrasques rendant la pratique compliquée.

Avant, il y avait des courts extérieurs à l'endroit où se trouve le centre Roger Hayes. Il est arrivé que les paravents rentraient sur le terrain avec le vent.

Jean-Louis Legasse

Une structuration progressive 

Aujourd'hui, les conditions pour jouer sont idéales. Courts couverts et chauffés, matériels à disposition et adhérents au rendez-vous, le Saint-Pierre tennis action se porte bien. Pourtant, tout ne fut pas aussi limpide entre l'archipel et le sport de raquette. D'abord réservé à une certaine classe de personnes dans les années 20, il ne se popularisera que dans les années 60/70 avec les courts de l'ASSP. "Au début, les gens qui jouaient étaient d'une certaine classe impliquée dans la prohibition notamment. C'était même une manière de faire du business. Il y avait des armateurs, mais aussi des hauts fonctionnaires", explique Jean-Louis Legasse. "C'est avec la construction des terrains à l'ASSP que le tennis s'est un peu plus popularisé. Les footballeurs voulaient essayer... Ça a amené du monde."

Jean-Louis Legasse et Roger Hayes dans les années 80 entre deux échanges.

Et si une personne est à même de se rendre compte du chemin parcouru, c'est bien le Saint-Pierrais de 60 ans. Véritable passionné de son sport, il n'a cessé tout au long de sa vie de vouloir le développer et de s'intéresser à son histoire dans l'archipel. En jouant en métropole dans un premier temps, puis en revenant dans son club de toujours pour y jouer un rôle dans sa structuration.

En fait, j'ai très vite voulu en faire mon métier, donc je suis allé en France pour atteindre un niveau suffisant et passé le diplôme d'état nécessaire. Puis en 96, j'ai voulu revenir à Saint-Pierre définitivement avec une ambition. Celle de couvrir les courts.

Jean-Louis Legasse

La suite, des entraînements au Centre Culturel et sportif, et un partage de la salle avec d'autres associations. Un mal pour un bien. Le club se mélange, et se fait connaître davantage. "On côtoyait d'autres associations, donc on pouvait être vu. On a redynamisé, on est parti en déplacement à Montréal, on a fait des tournois."

Daniel Contet en dynamiteur 

Et parfois, il suffit d'une rencontre pour que tout s'accélère. En 2003, alors que le Centre Culturel et Sportif est en travaux, l'activité est à l'arrêt. Jean-Louis, lui, rêve encore d'infrastructures couvertes, mais se décourage petit à petit. Mais le hasard fait bien les choses. Le Saint-Pierrais découvre une pub de la Team Daniel Contet sur Tennis Magazine, et décide de prendre son courage à deux mains pour l'appeler. "On parle trois quarts d'heure au téléphone, puis il m'invite chez lui pour parler de Saint-Pierre et Miquelon. J'arrive au mois de janvier, je m'entraîne dans son club, on discute. Il a vu que j'étais sérieux et déterminé, et il m'a demandé de le faire venir à Saint-Pierre et Miquelon pour faire bouger le tennis dans l'archipel, et de couvrir les terrains."

Daniel Contet et Jean-Louis à Saint-Pierre.

La voix de l'ancien champion est porteuse dans l'archipel. 18 fois il se déplace pour organiser des stages, des entraînements et rencontrer les élus. Son dévouement pour la cause est total, les courts couverts voient le jour en 2014, sous sa supervision. Jean-Louis en garde des souvenirs émus. "Daniel était quelqu'un de très professionnel, très rigoureux. Il avait une sorte d'aura qui faisait qu'on l'écoutait. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme ça. Il était humble, et il croyait en ce qu'il faisait. Il était idéaliste et on pouvait renverser des montagnes avec lui. C'était une réelle chance de l'avoir avec nous. Avant, on était un peu sport de niche ici. Il fallait briser ça. Il répétait tout le temps que l'on était le deuxième sport le plus pratiqué au monde."

"Continuer à porter les valeurs de Daniel"

Près de 7 ans après la disparition de Daniel Contet, le Saint-Pierre tennis action souhaite continuer à perpétuer son héritage. Épaulé par Arnaud Hayes (entraîneur au club depuis 2010) au quotidien, Jean-Louis s'appuie sur les valeurs portées par l'ancien champion. "Ici on forme des humains avant les joueurs de tennis. C'est fondamental pour nous. On veut continuer à porter les valeurs de Daniel"

Et il faut croire que cette approche marche. Près de 120 joueurs de tennis ont pris une licence lors de la saison de 2023/2024. Et la pratique du tennis loisir ne s'est jamais aussi bien portée. "On est vraiment très contents de ça. On a aussi près de 40 femmes qui prennent des cours. On s'en félicite." Et même si les Saint-Pierrais sont moins portés sur la compétition, le club forme des joueurs de haut niveau. Olivier Hutton, Eloïse Hutton, Corentin Venot et d'autres se sont expatriés pour performer ailleurs. Le tennis a donc de beaux jours devant lui sur l'archipel.