Effondrement de la route Miquelon-Langlade : la classe politique de Saint-Pierre et Miquelon étale ses désaccords

Après la catastrophe survenue ce mercredi 25 février sur l'isthme, les élus et l'Etat ont exprimé leur tristesse et leur solidarité, mais ont également manifesté leur désaccords sur plusieurs points. 

 

Franck Detcheverry, le maire de Miquelon-Langlade, n'a pas mâché ses mots, ce mercredi 25 février, lors de son intervention au journal télévisé. "Je suis inquiet pour la sécurité des résidents de Langlade, inquiet pour l'avenir de mon village, et inquiet pour la vie aussi sur l'archipel". Amer et le visage sombre, c'est avec un ton grave que s'est exprimé hier Franck Detcheverry, quelques heures après l'effondrement de la route Miquelon-Langlade, au niveau du point kilométrique16. 

Je suis dépité de voir la vitesse à laquelle vont les choses

Franck Detcheverry, maire de Miquelon-Langlade

Les Langladiers sont pour l'instant bloqués et ne peuvent plus rejoindre le village de Miquelon pour se ravitailler. Pour eux également, l'inquiétude pèse et le maire "espère qu'une route ou un chemin sera fait en urgence pour permettre aux résidents de Langlade de pouvoir accéder à Miquelon et surtout aux secours". Selon Franck Detcheverry, "la DTAM a amélioré l'accès à la route de Sauveur". Mais le maire relève que cette route appartient au Conservatoire du Littoral et que pour le moment, "on ne peut y intervenir à notre guise". Une solution s'impose donc, car le chemin, à marée haute, rend très compliqué l'accès à Langlade. "Seul un camion pourrait passer, donc il faudra très très rapidement trouver une solution" prévient le maire. 

Lassitude des habitants

 

La route ne pourra donc être empruntée qu'à marée basse, et qu'en cas "d'extrêmes urgences". Une forte inquiétude donc, partagée par la population de Miquelon-Langlade. "De la lassitude" confie Franck Detcheverry, "car l'érosion est sujet récurrent depuis des années. Ca fait des années que l'on fait peu voire pas de choses du tout" dénonce-t-il. 

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Hier, après les photos publiées sur les réseaux sociaux par l'entrepreneur en travaux public Pascal Allen-Mahé, la Collectivité territoriale a aussitôt donné son feu vert à un déploiement de matériel : deux pelles mécaniques, un chargeur, une remorque de 14 mètres, un semi-remorque et cinq camions afin d'endiguer au plus vite la catastrophe. C'est une bonne chose selon le maire de Miquelon-Langlade, qui dénonce cependant un manque de communication avec le Conseil territorial. "J'ai eu le scoop à 12H30 (au journal radio de la mi-journée sur notre antenne, ndlr) de découvrir l'action de la Collectivité territoriale. Je n'ai pas eu de contact avec le président. J'ai l'impression qu'il y a un imbroglio politique dans cette histoire, donc j'espère que la réunion (de ce vendredi, ndlr) nous permettra d'y voir plus clair" affirme-t-il. 

Annick Girardin "affligée" 

 

Une situation critique donc, largement dénoncée par la classe politique locale, mais aussi au niveau gouvernemental. La ministre de la mer, Annick Girardin - actuellement en visite sur son archipel - se dit "affligée" par la situation sur l'isthme, notamment "pour les risques sanitaires pour les biens et les personnes" du côté de Langlade. La ministre assure néanmoins que l'Etat est "toujours dans la solidarité" quand une telle catastrophe survient.

Pour autant, Annick Girardin assure que les choses doivent "être dites clairement". "Il n'y a pas aujourd'hui suffisamment d'anticipation. Gouverner c'est prévoir. La route, c'est celle de la Collectivité territoriale. J'ai été trois ans ministre des Outre-mer et jamais ce dossier n'a été porté par la Collectivité. Je le regrette, parce que j'aurais pu apporter des actions plus importantes. D'ailleurs, le contrat de développement avec l'Etat qu'a signé la collectivité territoriale il y a plus d'un an ne fait pas figurer ce dossier" regrette-t-elle. Elle conclut : "il ne faut pas donner de leçons quand on est en mauvaise position".

La Collectivité territoriale "s'indigne"  

 

De son côté, la collectivité, qui a pour l'instant mobilisé un arsenal de matériel de travaux pour réparer les dégâts causés par l'érosion sur l'isthme, a réagi vivement ce vendredi aux propos tenus par Annick Girardin. La collectivité "s'indigne de l'intervention de Madame la Ministre [...] en visite officielle pour régler ses comptes politiques". Dans un communiqué, le Conseil territorial affirme que la ministre "a fait omission d'un élément factuel majeur" à savoir que "depuis 2012, l'Etat a investi 15000 euros en travaux de protection du littoral, un sujet qui relève de sa compétence. Pour la Collectivité, ce montant s'élève à 3 300 000 euros sur les treize dernières années" et "aurait souhaité un peu plus de hauteur de la part d'une Ministre de la République suite à cette crise écologique". 

Le sénateur de l'archipel, Stéphane Artano, a d'ailleurs approuvé ce droit de la réponse de la collectivité territoriale. Hier déjà, dans un communiqué intitulé "atermoiements et découverte du domaine public maritime", l'élu fustige "le refus de la DTAM adressé à l'entreprise STR, d'intervenir sur le domaine public maritime dans le cadre des travaux de protection du littoral à proximité du PK16". Stéphane Artano a aussi ironiquement pointé du doigt l'Etat, qui selon lui "découvre enfin sa compétence sur le domaine public maritime, sujet sur lequel il est plus en veille qu'acteur opérationnel". 

Le reportage de Flavie Bry sur les lieux de l'effondrement. 

Dernier épisode ce vendredi 26 février : dans un communiqué intitulé "Isthme de Miquelon-Langlade : décision locale, réaction immédiate", la Collectivité a annoncé en fin d'après midi "au vu de l’urgence de la situation" appuyer "l’option privilégiée par l’entreprise locale [d'] agir « en amont » pour sécuriser le bien commun". Les travaux d'enrochement engagés sur la route dont la Collectivité a la tutelle devraient "parvenir à combler le fossé et faire la jonction entre les deux parties de la route dès ce soir. Le talus devrait quant à lui être sécurisé demain". La Collectivité assure "prendre à elle seule les responsabilités". Les travaux d'enrochements lourds engagés par l'entrepreneur n'ont en effet pas été validés par les services internes de la Direction des Territoires de l'Alimentation et de la Mer, service local de l'Etat dont les fonctionnaires sont pourtant mis à disposition de la Collectivité territoriale.