Est-il possible de préserver l’isthme de Miquelon-Langlade de la montée des eaux ?

L’érosion de l’isthme de Miquelon-Langlade est de nouveau au coeur de l’actualité. D’importantes dégradations liées aux récentes intempéries ont été constatées au point kilométrique 16, ce qui a ravivé les débats sur les potentielles solutions à ce problème.

Saint-Pierre et Miquelon la 1ère a consacré une soirée spéciale afin de décrypter la situation critique de l’isthme de Miquelon-Langlade. Les pouvoirs publics et la population s’interrogent sur l’avenir de cette bande de sable, qui relie les deux îles depuis le XVIIIe siècle. Des acteurs politiques locaux et les habitants étaient invités à s’exprimer sur le sujet vendredi 19 février.

Regardez l'édition spéciale de Saint-Pierre et Miquelon la 1ère :


  

Pourquoi l’érosion s’accélère sur l’isthme ?

La formation de l’isthme a pris des millénaires, avec le retrait des glaces qui a fait baisser le niveau de la mer autour de la bande de terre. Les courants marins ont permis au sable de s’accumuler et l’isthme s’est créé à la fin du XVIIIe siècle. Beaucoup plus tard, à la fin des années 1980, la route a été construite pour faciliter la circulation entre les deux îles. Mais très vite, l’érosion fait parler d’elle. Le responsable : le réchauffement climatique, qui fait monter le niveau de l'océan, et fondre la glace qui maintenait le substrat en place. De premiers enrochements sont rapportés en 1990, puis en 2009, un pan de route s’effondre. C’est l’élément déclencheur qui permet de lancer une réflexion localement.

Le récit de Claire Arrosaména : 

 

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Ywenn De La Torre, géomorphologue au BRGN estime que dans l’absolu, le récent épisode d’érosion était prévisible, mais qu’il était “plus délicat de le prévoir à ce secteur particulier.

Il est difficile de dire avec exactitude quand ça va arriver et où ça va arriver.

Ywenn De La Torre

 

L’enjeu dépasse le côté pratique de la route, car l’érosion menace aussi la biodiversité du site. Cela présente des difficultés, car le tombolo est “à la fois un aménagement et un espace naturel”, explique Ywenn De La Torre, ce qui implique de préserver à la fois la route et la nature.

L'érosion de l'isthme menace la biodiversité, un reportage d'Adrien Develay : 


  

Quelles solutions sont à l’étude ?

Plusieurs propositions sont sur la table afin de préserver le tombolo. Le maire de Miquelon-Langlade ne veut pas être fataliste et tient à tout prix à faire en sorte que l’isthme ne disparaisse pas.  Franck Detcheverry, qui n’a jamais connu l’isthme sans la route, estime que celui-ci est indispensable pour l’économie miquelonnaise. Il est inquiet au vu de la situation. 

Il y a des endroits où on doit laisser la nature faire son oeuvre, mais on doit aussi pouvoir vivre et réaliser nos activités.

Franck Detcheverry

 

L’inquiétude est partagée par la population de Miquelon, qui estime qu’il “y a besoin de cet isthme pour vivre” et que l’érosion serait “catastrophique” pour l’île et qu’il faut “agir sur le long terme.”

Le témoignage des habitants de Miquelon recueilli par Adrien Develay : 


Parmi les options qui ont été évoquées, la revégétalisation de l’isthme. Une “vraie bonne idée” selon Christophe Georgiou, chef du service énergie, risques, aménagement et prospective à la DTAM. Mais il s’agit d’une "solution douce" : efficace sur le moment, mais pas dans le temps. Depuis la dernière tempête, la Collectivité territoriale à commandé la dépose en urgence d'enrochements. Cette technique a fait ses preuves, mais les roches apportées, elles aussi, ont une efficacité limitée, en raison des courants marins qui les déplacent.

Ce qu’il faut faire, c’est dire qu’est-ce qu’on peut mettre en oeuvre rapidement pour essayer de protéger les ouvrages.

Christophe Georgiou

 

L’hypothèse des accropodes, évoquée vendredi 19 février lors de l’émission Place Publique avec Karine Claireaux, a de nouveau été évancée.  Mais encore une fois, il est difficile de dire si c’est applicable, surtout que ce n’est pas idéal pour la préservation de l’aspect patrimonial de l’isthme, selon Ywenn De La Torre.

Les ouvrages de protection, que ce soit des enrochements, des accropodes, protègent les aménagements mais ne protègent pas le littoral.

Ywenn De La Torre

 

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Un auditeur a également proposé l’option de sacs géotextiles qui pourraient emprisonner le sable tels une chaussette géante. Le géomorphologue concède que cela peut être efficace, mais il rappelle que les problèmes d’érosion ne sont pas à égalité sur toute la longueur de l’isthme et que si une solution peut être efficace sur une parcelle, elle peut ne pas l’être partout.

Enfin, l’ensemble des personnes interrogées est d’accord pour dire qu’il faut que les options retenues fassent l’unanimité auprès des décideurs et de la population, et que “les solutions au coup par coup ne sont pas à continuer”, a affirmé Denis Detcheverry, conseiller municipal et ancien maire de Miquelon. Il faut donc trouver des solutions de préservation qui soient pérennes à la fois pour que la route continue d’être praticable et pour que l’écosystème soit préservé.