"Maman est mauve". Mauve c'est la couleur préférée de Maëva, la fille de Marguerite Paturel.
A 5 ans, certains enfants ne comprennent pas les différences de couleurs de peau. La notion de frontières et de pays peut aussi être abstraite.
Aujourd'hui, Marguerite dite "Maggie" peut dire à ses filles qu'elle est Française, tout comme elles.
Sous un même drapeau
En 2018, quand elle se rend avec sa famille en Côte d'Ivoire, elle est séparée de son époux et de sa fille aînée dans les aéroports, au moment du contrôle des pièces d'identité.
Ça fait réfléchir. Tu as l'impression que tu n'es pas une famille.
Marguerite Paturel
Être éloignée, pour quelques minutes seulement, de son bébé âgé alors de cinq mois, a été pour elle un déclic.
En 2020, lorsque son passeport doit être renouvelé, la jeune femme dépose une demande de naturalisation à la préfecture de Saint-Pierre et Miquelon.
Quelle place pour les traditions ?
Venir en France, ce n'était pas du tout dans les projets de Marguerite. Elle confie même : "L'ambiance de chez moi me manque parfois". Mais elle apprécie la vie tranquille aussi de l'archipel, où tout est à proximité.
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Son époux est saint-pierrais. Marguerite, elle, est originaire de Bouaké, au centre de la Côte d'Ivoire où sont installés les habitants d'ethnie boualé. Elle a vécu dans l'Ouest du pays et dans la capitale : Abidjan.
Quand tu as une femme d'un autre pays, il faut tout accepter de sa culture.
Quand elle retourne dans son village, elle se remémore avec joie certains rituels du quotidien, comme le fait de puiser de l'eau dans un puits à l'aide d'un seau pour se laver.
Pourtant lorsque Marguerite décrit la vie de famille traditionnelle de Côte d'Ivoire, c'est plutôt le confort qu'elle évoque.
Une femme active
En France, on n'a pas de femme de maison (qui cuisine, assure les tâches ménagères et garde les enfants pour la famille). Monsieur et madame font les mêmes choses et font tout.
Marguerite Paturel
Les différences culturelles entre la France et la Côte d'Ivoire amènent l'admiration de ses proches au pays. Son quotidien de femme active, et mère de deux enfants, lui plaît.
En côte d'Ivoire, elle a travaillé comme vendeuse ambulante de thé en sachet. Une boisson aux vertus énergisantes qu'elle vendait notamment à des mécaniciens : "Il fallait avoir de la tchatche", raconte la trentenaire. Et Marguerite en a. D'ailleurs entre deux questions, elle répond en baoulé à un appel familial qu'elle reçoit.
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Elle a également fait du porte-à-porte dans le cadre d'un recensement. Et a tenu une caisse dans une buvette. Aujourd'hui, à Saint-Pierre, elle travaille et se forme dans le secteur médical.
Elle fait aussi partie de l'association Femmes de tous horizons qui réunit plusieurs habitantes de l'archipel issues de cultures diverses. Ses amies. Ensemble, elles partagent un peu de leurs traditions avec la population de l'archipel.
"Canadienne-Française". C'est ce que répond Angie Gimenez avec un brin d'humour et un accent du Québec volontairement accentué lorsqu'on lui demande comment elle définit aujourd'hui sa nationalité. Elle ajoute : "Ça fait drôle de dire ça".
Angie est arrivée à Paris en 2010 avec un visa vacances travail. Elle n'avait pas prévu de rester. Mais elle a rencontré Romain, chez des amis communs. En 2011, ils se marient. Ils ont aujourd'hui deux enfants.
Pourquoi la France ?
Pour des raisons professionnelles, son époux ne peut quitter le territoire français à moins de changer de métier, un métier qu'il aime. Ils ont pourtant envisagé le départ. Le couple réside huit ans à Marseille.
La jeune femme travaille, elle, en parfumerie puis dans le prêt-à-porter avant de se former dans le secteur médical dans lequel elle exerce encore aujourd'hui. Étant étrangère, son évolution de carrière est limitée. Mais ce n'est pas vraiment ce qui oriente sa demande de naturalisation.
Durant ces presque douze années passées sur le territoire français, elle s'intéresse à l'actualité politique sans pouvoir donner son opinion par la voie des urnes. Désormais Française, Angie compte bien voter en 2022.
Faut que tu regardes tout passer et ne rien dire parce que ta voix ne compte pas. J'avais envie de faire partie de tout ça. De ne plus être l'étrangère... the stranger
Et puis, il y a aussi le contexte familial un peu absurde : "Mes enfants sont Français. C'est bizarre de ne pas avoir la même nationalité"
Saint-Pierre et Miquelon, le compromis
Saint-Pierre et Miquelon, c'est un "entre-deux" confortable. Angie et sa famille sont venus s'y installer en 2018. La musique et les centres d'interêt des habitants de l'archipel lui parlent.
J'ai ouvert la télé, il y avait Radio Canada. J'étais contente !
Le mal du pays s'atténue. Et un sentiment de sécurité s'installe. Un sentiment qu'ils n'avaient pas à Marseille. Même si Angie apprécie la variété des régions de France et l'accueil qui lui est fait.
Elle aimerait beaucoup pouvoir rester un moment à Saint-Pierre et Miquelon, sa terre d'adoption, terre française aux influences nord-américaines.