Le Salouva, un patrimoine à préserver

L’élection Miss Salouva fête, en 2018, ses dix ans d’existence. Le concours de cette année se déroulera vendredi 10 août 2018 à 20h à la MJC de Ngombani à Mamoudzou.
 
Emmanuel Tusevo – Diasamvu a réuni, à cette occasion, Hanafi Charfati, présidente de Miss Salouva Mayotte et Isabelle Denis, docteur en histoire, enseignante et spécialiste de Mayotte.

Hanafi Charfati, évoque, dans la 1ère partie de cet article, les fondements à l’origine de la création de l’élection Miss salouva. Isabelle Denis abordera dans la 2ème partie (dans l’émission : LES ENTRETIENS DE MANU) l’histoire du vêtement, le port du salouva, les matériaux utilisés pour sa fabrication, l’évolution de la mode et les différences dans l’ habillement des femmes, entre Mayotte et les autres îles des Comores.

Toutes les photos sont issues de notre évènement Le Salouva vous va si bien en 2017.

Emmanuel Tusevo-Diasamvu : Qu’est ce qui est prévu au programme de l’élection Miss salouva Mayotte 2018 ?

Hanafi Charfati :
Nous avons 8 candidates qui viennent de l’île de Mayotte. 4 jeunes filles qui viennent de Mamoudzou et 4 autres qui viennent de Sada, Labattoir, Koungou et Chiconi. Les jeunes filles auront quatre tableaux à présenter devant un jury qui devra choisir quelle est la jeune fille qui sera au mieux pour présenter le port du salouva et la culture mahoraise. Cette année, exceptionnellement, on aura les votes du public qui vont s’ajouter à celle du jury à hauteur de 40%. Chaque année, on travaille sur un thème. Cette année c’est racines. On va mettre en avant les danses traditionnelles de Mayotte que ces filles ne connaissaient pas et qu’elles ont découvertes à travers le concours.

La gagnante sera récompensé par le financement de son permis de conduire, un soin de visage qu’on lui offrira pendant toute son année d’élection, elle sera coiffée à chaque sortie officielle, elle aura un véhicule à disposition pour ses sorties officielles, ainsi que d’autres cadeaux que je ne pourrai pas tout citer. Ses concurrentes aussi auront des cadeaux.

Qu’est-ce qui vous a poussé à créer l’élection Miss Salouva ?

L’idée de l’élection Miss Salouva est venue du fait que toutes les élections qu’on organise ne mettent l’accent que sur les tenues modernes comme par exemple les maillots de bain. Moi en tant que mahoraise, j’ai voulu mettre en avant notre tenue traditionnelle : le salouva, le kishali.

Vous avez donc voulu mettre en valeur les traditions mahoraises ?

C’est pour perpétuer cette tenue, cette culture, cette tradition auprès de la jeune génération qui est  en train d’oublier afin que d’ici 2020 peut-être 2030 elle puisse se souvenir de cette tenue-là.
 


Miss Salouva fête ses dix ans cette année. Comment a été perçu cette élection la première année ?

On a été applaudi par les familles parce que pour elles, c’est la seule élection où leurs enfants sont bien habillés et on ne voit pas leurs formes dehors.

Qu’est que ça veut dire « on ne voit pas leur forme dehors » ?

Le salouva habille la femme mahoraise, elle n’est pas dénudée. Son corps est mis en valeur, bien caché.

Caché pour mieux se faire apprécier ?

(Rires) Exactement, caché pour mieux apprécier… En plus de Miss Salouva, il y a la télévision Mayotte la 1ère qui organise « Le Salouva vous va si bien ». Ces deux événements rapprochent beaucoup les communautés, que ça soit mahoraise, métropolitaine ou autres. Nous souhaitons à les inciter à porter leur tenue salouva que ce soit une fois dans la semaine ou dans le mois, que même les plus jeunes en arrivent à se dire : cette tenue-là est merveilleuse, moi aussi j’aimerais la porter pour donner l’exemple à d’autres femmes plus jeunes que moi. Le salouva n’est pas fabriqué ici à Mayotte, ça vient de l’extérieur, pour trouver des tissus de qualité, beaucoup de gens partent à l’extérieur pour importer soit des tissus de type lamba one ou autres, ça devient un commerce florissant et les gens se l’arrachent.
 


Avec ces voyages, cette ouverture au monde, pour ne pas dire cette mondialisation, je me suis toujours demandé pourquoi les femmes mahoraises adoptent très peu les wax en vogue dans les pays africains ?

Aujourd’hui, on essaie de mélanger tradition et modernité, le wax peut aussi être un atout pour la femme mahoraise soit pour en faire un salouva ou d’autres tenues modernes que les jeunes d’aujourd’hui portent. Ça peut donc se mélanger dans l’habit traditionnel qui est le kishali.

Moi, quelque chose m’a étonné quand je suis venu à Mayotte, c’est de voir beaucoup de femmes vêtues d’un même genre de tissu comme un uniforme, un salouva de la même couleur. Je ne sais pas si c’est à Anjouan qu’on remarque ça. Je me dis : « Quand on voit les africaines vêtues de tissus aux couleurs multiples qui sont renouvelés chaque semaine, chaque mois, ça fait bizarre de voir le shiromani monocolore. C’est quoi cette histoire d’être toutes habillées en rouge ou toutes en noir ? »

C’est spécifiquement à Anjouan et à La Grande Comore qu’on trouve ces couleurs-là. Mais au niveau de Mayotte, c’est toutes les couleurs que les femmes portent sauf dans le cadre des grosses manifestations comme le mbiwi ou le mariage où certaines femmes se retrouvent à s’habiller du même type de salouva de la même couleur. En conclusion, ces jeunes filles ont besoin d’être encouragées, mais pas que les jeunes filles. On a aussi des grandes femmes qui se disent que le port du salouva n’est habilité que pour les cérémonies de mariages ou à la journée de vendredi. On leur dit c’est notre tenue traditionnelle qu’on est censé perpétuer et que peut être plus tard, ça pourrait être une des vitrines de Mayotte et exporter partout dans le monde où on pourra dire le salouva vient de Mayotte.
REPORTAGE : EMMANUEL TUSEVO - DIASAMVU
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