Thé traditionnel mahorais

Le thé traditionnel mahorais, une passion partagée depuis plusieurs générations par la famille VITTA de Bambo-Ouest. Aujourd’hui, pour remettre le thé traditionnel au gout du jour, toute la famille se mobilise. Chacun prête main-forte pour développer la petite entreprise et décrocher un label bio afin de valoriser le patrimoine culinaire mahorais.

      Dans le champ ou la végétation culmine à hauteur d’homme, Bahari Soiffa Vitta se fraie un chemin à coup de machette. Tel un aventurier, il taille dans les lianes qui obstruent son passage. La quête du jeune homme : des herbes à thé. Pour les chercher, il s’est aventuré dans les profondeurs du champ familial sur les hauteurs du village de Bambo-Ouest  Mais les trouve-on facilement ? « Normalement dans chaque famille, on retrouve dans les champs certains des arbustes dont les feuilles peuvent entrer dans la composition du thé. Comme par exemple le gros thym, le paraouvi en shimahorais, la citronnelle que l’on appelle stournelle en mahorais, la cannelle qui est le mdaracine en shimahorais» détaille le jeune homme.  

Bahari Soiffa est chargé de ramener la matière première

Etape 1 : la cueillette 

 Pour les non-initiés, certaines plantes pourraient passer pour de mauvaises herbes. Mais, fort de son expérience, Bahari Soiffa, repèrent vite ses cibles. Pendant des heures, le jeune homme coupe des feuilles qu’il transporte dans son cabas jaune. Une fois qu’il estime la récolte suffisante, il rebrousse chemin pour rapporter ses trouvailles à la maison familiale. « Aujourd’hui on aura de la cannelle, de la verveine citronnée, du gros thym, des feuilles de laurier, de la citronnelle et de feuilles de combava » se réjouit-il. 

Feuilles de cannelle et gros thym

Ces feuilles vont servir à faire un thé traditionnel mahorais. Une coutume qui est toujours d’usage dans la famille de Bahari Soiffa.  « C’est ma mamie qui a commencé à faire le thé depuis que je suis tout petit. J’ai vu ma mamie ramener des feuilles de cannelle, de combava etc…  à la maison pour les faire sécher. Elle en faisait son thé quotidien ou pendant le mois de Ramadan, elle en faisait un spécifique »  

Aujourd’hui, Bahari Soiffa prend une part active dans la fabrication de ce thé. Une fois par semaine, c’est lui qui va chercher la matière première dans le champ. « Pour la fabrication, la base du thé, c’est le gros thym, le paraouvi en shimahorais.  Ce gros thym, j’en ai besoin en grosse quantité. Les autres feuilles, elles vont apporter la senteur, l’arôme, il n’est donc pas nécessaire d’en avoir de grandes quantités.»   

Etape 2 - le flétrissage 

Une fois à son domicile, Bahari Soiffa passe le relai. C’est sa maman, Bibi Madi Mari qui procède à la phase suivante. « Quand on arrive à la maison, on lave les feuilles, on les fait sécher » nous raconte-t-elle. Cette étape s’appelle le flétrissage.  

C’est dans la cour de sa maison que la grand-mère, Fatima Boina Riziki a installé son atelier de séchage. L’air est lourd du mélange d’arômes citronné et mentholé qui embaume l’air. Partout où se porte le regard, des bassines remplies de feuilles attendent d‘être traitées. A l’intérieur des contenants, la palette de couleurs varie du vert pastel à l’orange rouille.  

Une fois séchées, les feuilles dégagent tous leurs arômes.

Dans un coin ensoleillé de la cour, les feuilles sont étalées sur une natte.   C’est l’objectif du flétrissage : faire perdre une grande partie de son humidité à la feuille. Cette étape dure moins de 24H. L’idée n’est pas d’oxyder totalement les feuilles mais de les assécher, légèrement pour en faire ressortir les sucs. Ce processus permet de conserver le thé plus facilement et plus longtemps.   

Fatima supervise elle même le tamisage et le triage.

Etape 3- le tamisage et le triage 

Courbée au-dessus de sa natte, sur laquelle sèche les feuilles de thé, Fatima Boina Riziki, entonne un maoulida shengué, un chant traditionnel religieux. Elle scrute attentivement les feuilles afin de les débarrasser despoussières et des tiges. C’est l’étape du tamisage et du triage. 

Etape 4- l’emballage 

Petits-enfants, enfants et leur grand-mère, se retrouvent sur la terrasse. Vita Bahari Soiffa est chargé de broyer les feuilles dans une moulinette électrique. Il les jette par poignées dans la broyeuse. « Pour les quantités, c’est un peu au hasard. La matière première que j’utilise c’est le gros thym. Par rapport aux parfums que je recherche, je vais ajouter différents types de feuilles. Feuilles de cannelle, de citronnelle, de laurier, de combava etc… et en fonction des feuilles que je rajoute et de la quantité, la saveur change »  

Chez les Vitta, le thé est une affaire de famille

La famille réunit pour l’atelier d’ensachage échange des plaisanteries. « Mamie, tu devrais lancer un maoulida shengué histoire de faire redescendre la pression ! Hein mamie ! » lance Bahari Soiffa à sa grand-mère qui vient de rabrouer l'une de ses petites filles qui a fait tomber de la poudre de feuille. Entre taquineries et transmission de savoirs, c’est toujours avec beaucoup de joie que la famille Vitta se mobilise et travaille autour de la matriarche. “J’ai été élevé par ma grand-mère raconte Fatima Boina Riziki. Elle m’a appris à reconnaitre les plantes médicinales. Mais aussi à reconnaitre les herbes à thé. Aujourd’hui, je suis fière de voir mes petits-enfants prendre la relève. Avec ces plantes on peut faire du thé, oui, mais ce sont avant tout des plantes aux vertus curatives. Par exemple, on peut soigner des maux de ventre avec du curcuma.”   

Après le broyage des feuilles, Bibi les mettre en sachets.

L’opération est simple mais répétitive. Ouvrir le sachet, mettre le mélange d’herbe et tasser avec une petite cuillère. « Nous avons du paraouvi, de la ristournelle, de la mdaracine, du combava, mquinini on met toutes les plantes que nos aïeux utilisaient pour faire du thé » explique Bibi Madi Mari, la maman. « En fait, j’ai pris un peu de retard pour récolter les feuilles donc pour ce mois de Ramadan, j’ai décidé de faire un mélange de toutes les feuilles » justifie Bahari Soiffa.    

Il faut une cuillérée à café pour remplir un sachet de thé. L’expérience fait que Bibi, la maman dose toujours correctement quand sa fille doit réajuster sa quantité pour bien remplir l’infusette. Des sachets dont la saveur du jour est uniforme. Mais, il arrive que la famille Vitta fasse des mélanges à la demande. « On reçoit parfois des commandes de thé bien spécifiques, développe Bahari Soiffa.  Il y a des gens qui n’aiment pas le combava qui préfère qu’il y ait juste du laurier, de la citronnelle. Ou des gens qui n’aiment pas le laurier etc… »   

L'ensacheuse utilisée pour sceller les infusettes

Pour achever, le processus, Bahari Soiffa vient sceller les infusettes avec l’ensacheuse. Il en dispose 6 sur la machine en faisant attention à ne pas laisser le cordon du sachet de thé au milieu. Il rabat le clapet, presse pendant une vingtaine de secondes. Et ça y est, le sachet de thé est prêt à rejoindre l’emballage !   

Le thé est prêt à être infusé!

Par 13 ou 25 infusettes, les sachets sont emballés sous la marque le dythé, disponible sur le net. L’objectif de la famille Vitta, écouler 500 paquets de thé durant ce mois de ramadan.