C’est un grand jour pour le village amérindien de Twenké. Les pagnes traditionnels rougissent le paysage, les réserves de cachiri sont en train d’être filtrées, l’odeur du cochon grillé fait saliver les plus affamés, les ateliers de genipa occupent les mains précises : pas de doute, les préparatifs pour l’inauguration du tukusipan ont bel et bien commencé.
Enfin un carbet communautaire digne de ce nom à Twenké, pour célébrer, accueillir, réunir. Ce lieu occupe une place centrale dans la vie de la communauté Wayana : “C’est un grand moment pour nous, pour la population parce que le tukusipan est un endroit qui rassemble, c’est une maison publique”, résume Patrick Twenké, le Grand Man Wayana.
Près de deux tonnes de feuilles de waï
Vieilli par l’effet du temps, l’ancien tukusipan avait besoin d’être reconstruit. L’ouvrage est reparti de zéro, avec la récolte de 1 800 kilogrammes de feuilles de waï et la recherche de bois pour la structure et la charpente de l’édifice, un bois dont seuls les Wayanas connaissent l’emplacement en forêt.
L’ancien Grand Man veille sur les festivités, il se dit “fier parce que tous les villages ont leur carbet communautaire, Antecum-Pata il y a quelques mois et Twenké aussi maintenant”. Il effleure les feuilles de comou présentes sur la partie basse de l’édifice, avant qu’elles ne soient coupées.
Pour lancer les réjouissances, Patrick Twenké prend la parole, souhaite la bienvenue aux invités et enjoint tout le monde à partager un premier repas à l’intérieur du carbet. Puis, les feuilles de comou sont taillées par différents chefs coutumiers et par les parties-prenantes du projet.
Un ciel de case en signe de protection
Le ciel de case ou maluwana, un disque en bois orné de motifs symboliques, prend place sous la toiture, porté à bout de bras par quatre personnes. Sous les clameurs, une aigrette est installée au sommet de l’édifice ; elle veillera sur le village et ses habitants.
Un financement nécessaire
Il a fallu deux mois de travaux, près de 1 700 heures de travail pour les 7 ouvriers rémunérés sur ce chantier. L'aboutissement d'un projet initié il y a un an et financé par l’ONG WWF à hauteur de 22 000 euros, par la fondation Anyama avec 25 000 euros et par le Parc amazonien de Guyane à hauteur de 6 000 euros. Selon les habitants, la mairie de Maripasoula n'a pas participé au financement du bâti.
L’un des postes de dépense, le carburant nécessaire pour la recherche et le transport des lots de feuilles et du bois : 4 000 euros de combustible auquel il faut ajouter la même somme pour l’acheminement depuis Saint-Laurent-du-Maroni.
Un savoir-faire qui se perd
Aïma Opoya, le maître d'œuvre du chantier est un des derniers à maîtriser les techniques de récolte, de séchage, de tressage, de poterie, de charpente, nécessaires à la construction du carbet. “C’est mon 4ème tukusipan, le premier je l’ai réalisé en 1997”, se souvient-il.
Il a peur que ce savoir-faire ancestral se perde de plus en plus au fil des générations. Grâce à ce tukusipan, trois bénévoles ont pu être formés. Une transmission importante pour que les plus jeunes fassent vivre la culture Wayana à leur tour.