Après l’interpellation du principal suspect en Chine dans l’affaire du triple homicide de Cayenne, en plus de connaître le mobile de ces crimes, une autre question se pose désormais: l’une des victimes aurait-elle pu finalement être sauvée ?
Selon nos informations, c’est Andrée, 67 ans, qui aurait contacté elle-même les secours. Elle était alors grièvement blessée. Si on ne connait pas encore la teneur ou la qualité des échanges avec les professionnels du SAMU (Service d’Aide Médicale Urgente), en revanche, ses anciens collègues de l’hôpital de Cayenne, là où elle a exercé pendant plusieurs décennies en tant qu’infirmière anesthésiste au bloc opératoire, affirment eux qu’Andrée les a également appelés ce soir-là. Ils disent avoir prévenu la police, qui appellera à son tour les secours.
Ouverture d’enquêtes
Comment a-t-on pu arriver à une telle situation ? C’est ce que l’Agence Régionale de Santé de Guyane va tenter de comprendre.
Ce mercredi 24 janvier, l’ARS indique dans un communiqué avoir été informée par directeur de l’hôpital de Cayenne et le chef de service du SAMU 973 qu’il y a eu un « dysfonctionnement lors de la régulation médicale », c’est-à-dire, lors de la prise en charge de l’appel de la victime par les professionnels de la plateforme du 15, le numéro d’urgence.
Or la finalité de la régulation médicale selon la Haute Autorité de Santé c’est d’apporter au patient le juste soin et de ne pas lui faire perdre de chance. Cela passe donc par plusieurs étapes.
Ainsi, lorsqu’une personne passe un appel au 15 ou au 112 (numéros d’urgence), il est réceptionné par un assistant de régulation médicale (ARM) du SAMU. « On ouvre alors un dossier médical au sein duquel on note les premiers renseignements à savoir le motif de l’appel, le nom de la personne concernée, le numéro de téléphone, l’adresse précise, différentes informations sur le patient et éventuellement, en fonction de la situation évidemment, s’il y a des antécédents », explique Elisabeth*, 18 ans de métier.
Réponse adaptée
En fonction de toutes les informations recueillies, l’ARM doit mettre l’appelant en relation avec un médecin régulateur qui peut-être soit un médecin généraliste libéral, soit un médecin hospitalier spécialisé en médecine d'urgence et/ou en anesthésie réanimation.
« L’appelant pourra alors avoir une réponse adaptée », poursuit Elisabeth. «Le médecin pourra lui donner un simple conseil, lui dire de se rendre chez son médecin traitant, ou sinon lui demander de se rendre à l’hôpital. Tout dépend du cas. Sinon, si c’est grave ou si ça risque de s’aggraver rapidement, il peut aussi décider d'envoyer les pompiers, ou une équipe de la SMUR (Structure Mobile d'Urgence et de Réanimation) ».
Mais dans certaines situations très précises, des circonstances où le patient présente une urgence vitale pour laquelle la notion de temps est essentielle, l’ARM peut lui-même décider d’envoyer sur place une équipe de pompiers et/ou SMUR : « c’est ce qu’on appelle un départ réflexe. Mais bien sûr, dès que c’est fait, on informe immédiatement le médecin régulateur. Chaque appel, chaque dossier ouvert compte et doit être régulé. C’est une règle fondamentale », souligne Elisabeth avant d’ajouter : « un assistant de régulation médicale doit être vif d’esprit. Il doit pouvoir comprendre et analyser rapidement une situation, et parfois même anticiper. Le temps doit rester le maître-mot pour donner une chance à chaque patient».
Enfin, l'opérateur ne doit « jamais raccrocher » sans avoir obtenu l'avis du médecin, « surtout dans le cas d'une demande d'aide ou d'une urgence vitale », expliquait dans une interview François Braun, président de Samu-Urgences de France.
Ecoute médicale permanente, identification et déclenchement de la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ou encore vérification de la disponibilité des moyens d'hospitalisation, publics ou privés, adaptés à l'état du patient, les SAMU agissent en vertu de l'article R-6311-2 du code de la santé publique.
Tous les appels qui aboutissent aux 15 sont identifiés et enregistrés. L'usage abusif de ce numéro constitue une infraction, susceptible de sanctions, selon l'article 223-5 du Code Pénal : « Le fait d'entraver volontairement l'arrivée de secours destinés à faire échapper une personne à un péril imminent ou de combattre un sinistre présentant un danger pour la sécurité des personnes est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende ».
Chiffres du rapport d'activité 2022 SAMU-SMUR en Guyane
- 45 000 décisions de régulation suite à des appels téléphoniques et 2 500 SMUR dont 600 héliportés
- 230 évacuations sanitaires sur moyen et long courrier
*prénom d'emprunt