Lors du réveil du Piton de La Fournaise en 1998, des artistes ont réalisé des expériences insolites. Réaliser des œuvres mêlant basalte en fusion et oxydes au contact de la lave. Plus d’une vingtaine d’années après, les « voleurs de feu » entretiennent cette passion dévorante.
Armés de cannes, de râteaux, de récipients réalisés en laine réfractaire pour contenir la chaleur. Des vestes et des gants pour seules armures. Les membres de l’association Art Sud s’avancent à la lueur de leurs lampes frontales. Se frayant un passage dans une végétation dense, pour contourner la coulée de lave qui descend inexorablement dans le Grand-Brûlé en direction de la Route Nationale 2. Nous sommes en 1998, le Piton de la Fournaise s'est réveillé après six années d'inactivité.
Le cœur palpitant. L’esprit concentré. Le pas décidé. Les aventuriers progressent vers l’inconnu. L’équipe est composée de personnalités issues d’horizons divers. Claude Berlie-Caillat, sculpteur-céramiste. Yvon Chiampo et Frédérique Fandre, verriers. Mais aussi des scientifiques, des bénévoles de l’association et des stagiaires.
Un cœur rougeoyant dans un cocon de pierres noircies
Tous animés par une recherche originale. Une rencontre improbable entre leur élan créateur et une étrange chenille grignotant la végétation. Sous la carapace noircie de ce cocon de pierres roulées, malaxées, liquéfiées, brûle un cœur rougeoyant. Avec des températures variant entre 900°C et 1200°C. Un véritable brasier en apparence inoffensif. A défaut de papillon déployant ses ailes, la traînée de gratons transforme en flammèches chaque brindille, chaque fougère, chaque liane... Les arbres aussi subissent, impuissants, ce déploiement d’énergie tellurique. La coulée entoure les troncs, embrase leurs feuillages, laissant dans son sillage du bois carbonisé.
La folle équipée s’arrête. Une clairière propice a été repérée. Distribution des rôles. Yvon Chiampo et Claude Berlie-Caillat seront les « collecteurs de lave ». La préparation des oxydes. La disposition des récipients. Tout est orchestré afin de parer à toutes les éventualités.
Dans des différents espaces des fours montent lentement en température. Des fours à gaz, des fours électriques, des fours avec des copeaux de bois. Chacun avec des spécificités pour réaliser des chocs thermiques ou travailler la pierre en oxydation ou en réduction. Un ajout ou un retrait d’oxygène. De quoi révéler ou estomper les couleurs au gré de l’agitation des ions…
Nous avons procédé comme les Anciens. A l'oeil, à tâtons »
« Nous avons procédé comme les Anciens. A l'oeil, à tâtons... La pierre s’est liquéfiée au fil de la montée en température » nous avait alors confié Yvon Chiampo, précisant que « petit à petit la roche dense s’est altérée pour prendre l’apparence d’une coulée de lave ». «Plusieurs essais ont été concluants, mais nous avons aussi appris de nos erreurs car il n’existait aucun mode d’emploi » se souvient Claude Berlie-Caillat.
Les artistes ont procédé à de multiples expériences utilisant l’art ancestral japonais du raku, ou encore, de nombreuses innovations comme le mariage de la matière noire du basalte avec celle, transparente, du verre.
A la clé, de multiples œuvres, affinées au gré des rencontres avec d’autres artistes et d’autres excursions sur le Piton de la Fournaise. En atelier, les fours n’ont pas bougé. Fidèles compagnons de route de ces « voleurs de feu », ils alimentent toujours la flamme de ces passionnés. Mettant en lumière des talents au service d’une quête sans cesse inachevée.