Futuna: traitement lourd pour un hôpital sous tension

Le directeur de l'Agence de santé de Wallis et Futuna, Alain Soeur, promet une "restructuration lourde" de l'hôpital Kaleveleve de Futuna, un établissement sous tension permanente, secoué par une grave crise en juin dernier.
L'hôpital Kaleveleve de Futuna va faire l'objet d'un "projet ambitieux de restructuration lourde", selon le directeur de l'Agence de santé de Wallis et Futuna, Alain Soeur. Ce traitement intensif intervient après la grave crise qui a secoué l'établissement au milieu de cette année.

En juin dernier, une partie du personnel entame d'abord un conflit social classique. Les revendications des grévistes portent sur la demande d'un projet d'établissement, l'achat d'un véhicule pour le SAMU, ou encore le maintien d'infirmiers et de médecins et le remplacement d'un manipulateur radio.

Mais très vite le mouvement change de nature avec l'intervention des deux chefferies des royaumes de Sigave et Alo qui exigent le départ de la directrice de l'hôpital, contestée par certains salariés et des associations de femmes de l'île.
Dépêchés sur place le directeur des soins puis le directeur de l'Agence de santé en personne ne parviennent pas à éteindre l'incendie. Une intervention télévisée de dernière minute du préfet Marcel Renouf ne suffit pas non plus à sauver la patronne de l'établissement : elle est obligée de quitter Futuna par la contrainte au petit matin, sous pression de responsables coutumiers.


"Cet hôpital est une honte pour la République"

Face à l'enlisement du conflit, Marcel Renouf envoie alors l'inspecteur du travail comme médiateur mais Jean-Louis Gardiès est agressé et frappé par plusieurs personnes et doit être évacué de l'île à son tour. Son agresseur présumé sera mis en examen et transféré à Nouméa pour y être incarcéré au Camp Est.

Une voiture de la gendarmerie est ensuite dégradée, une première à Futuna, sans qu'un lien certain soit établi avec l'affaire de l'hôpital.
Une manifestation a lieu dans l'enceinte de l'établissement, les protestataires portant des pancartes réclamant "l'indépendance de Futuna​" ou reprenant une déclaration d'un secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, Christian Estrosi qui avait affirmé lors d'une visite en octobre 2007 : "cet hopital est une honte pour la République, pour la France".

Le préfet intervient une seconde fois à la télévision pour lancer un appel au calme : "la situation ne peut plus continuer comme ça. Les négociations doivent commencer. Je fais appel aux grévistes, aux non-grévistes, aux responsables coutumiers et politiques pour qu'on se mobilise", dit-il.
Finalement, après plusieurs semaines de conflit, un protocole d'accord est signé par les différents protagonistes de cet affrontement.

Lorsque la ministre des Outre-mer débarque à Futuna en septembre, elle se retrouve, pendant sa visite à l'hôpital, face aux mêmes pancartes que lors du conflit de juin.
George Pau-Langevin admet alors que l'établissement a besoin d'une rénovation d'urgence mais reste ferme sur un point : il n'y aura pas de retour de la maternité à Futuna en raison de la forte baisse du nombre des naissances.


L' hôpital? "un dock vu de loin"


L'état de forte dégradation du bâtiment reste un point de contentieux majeur entre les responsables locaux et l'administration.
Fin septembre, après avoir envoyé une lettre au préfet menaçant de réclamer l'indépendance de Futuna, le ministre coutumier de Sigave, le Saatula Soane Kaikilekofe dénonce encore en priorité la vétusté du site hospitalier : "quand vous voyez de loin l'hôpital, vous pensez que c'est un dock, c'est seulement (à la vue) des gens en blouse blanche que (l'on se dit) c'est un hôpital", déclare-t-il. 

Aujourd'hui, le directeur de l'Agence de santé promet "une remise aux normes" de Kaleveleve en 2016 avec des "travaux d'entretien : toiture et peinture" actuellement expertisés par des cabinets d'études.

Pour la suite, Alain Soeur annonce "un projet ambitieux de restructuration lourde" ajoutant: "l'ambition de l'Agence de santé est de doter cet établissement d'un plateau technique beaucoup mieux adapté avec un service d'urgence complètement neuf et un lit de soins intensifs".
Et le directeur d'admettre que les locaux des urgences sont "trop petits (et) ne permettent pas au personnel de travailler dans de bonnes conditions". 

Un concours d'architectes a été organisé pour réaliser ces nouveaux bâtiments. Les représentants de chacune des cinq équipes retenues ont été amenés à Kaleveleve le 20 octobre pour se rendre compte des contraintes sur le terrain. Leurs copies, sur leur projet définitif, sont attendues dans le courant du premier trimestre 2016.

Quant à la promesse de George Pau-Langevin d'envoyer une mission de l'Inspection des affaires sociales examiner sur place les besoins de l'hôpital, Alain Soeur affirme que "le préfet a sollicité le ministère de la santé sur cette mission et c'est au ministère d'apporter sa réponse".