Attentats : terrorisme, les "piliers de la déraison"

Le jour d'après. Des milliers d'hommages sur les lieux de l'horreur

A Wallis, l'horreur des attentats de Paris a été évoquée lors des messes dominicales. Des attentats dont il faut bien comprendre le contexte pour mieux en combattre les auteurs. "Terroristes, les 7 piliers de la déraison" du juge antiterroriste Marc Trévidic est plus que jamais d'actualité.
Dans la cathédrale de Mata Utu la messe dominicale n'est pas comme les autres. La joie est rongée par une tristesse diffuse. Les événements de Paris constituent l'essentiel des conversations. Le temps s'est mis de la partie. Le ciel est plombé d'un gris rayé de noir. Des trombes d'eau martèlent la toiture.

"Prier pour la paix"

"Le monde est désormais exposé à ces risques d'attentats. Alors il faut être vigilant" insiste en chaire le père Amasio "et la vigilance qui nous proposée par l'Evangile c'est de veiller, qu'il y ait la paix et la prière (...) pour la paix dans le monde et pour notre chère France".

Cette vigilance est appelée de leurs voeux par plusieurs spécialistes depuis quelques années. Et plus encore ces derniers-mois avec l'intervention directe de la France contre l'islamisme radical et fanatique.
Attentat contre "Charlie Hebdo", contre le supermarché casher, attaque déjouée de justesse dans le TGV, les autorités ont réagi en élevant le niveau de sécurité. Désormais, avec "l'état d'urgence" une nouvelle marche sécuritaire est franchie. 

Comprendre le terrorisme pour le combattre

L'ennemi -car c'est bien d'une guerre qu'il s'agit- est difficile à cerner. En 2013, Marc Trévidic a publié "Terroristes, les 7 piliers de la déraison". Il était alors depuis 10 ans magistrat aux affaires antiterroristes. Ce livre aide à mieux comprendre. Et donc -peut-être- à mieux réagir.

En 270 pages, le magistrat donne les principales clés pour pénétrer ce monde du terrorisme et ses mécanismes de pensée. Un livre bien écrit qui alterne analyses géopolitiques, explications culturelles et récits individuels témoignant de vies brisées par l'extrémisme.

Des jihadistes afghans aux terroristes islamistes

Des pages souvent brillantes où Marc Trévidic reprend l'histoire du terrorisme. Un rappel inquiétant des années 80 où pour combattre "l'ogre soviétique" certains pays occidentaux armaient des extrémistes musulmans. Il raconte notamment une histoire qui serait comique si on n'en connaissait la suite... et la fin.

C'est le récit de la réunion qui eut réellement lieu dans le bureau du Président des Etats-Unis Ronald Reagan en compagnie du patron de la CIA, William Casey. Le débat portait sur la livraison de milliers de missiles Stingers antiaériens aux Jihadistes afghans contre l'armée rouge. Le responsable de la CIA plaide pour l'un des leaders : "Oussama Ben Laden est un jeune plein d'avenir (...)On peut lui faire confiance les yeux fermés."
Visiblement, comme dans les mauvais films de série B, la "créature" a ensuite échappé à son créateur...

La haine de la vie

Le magistrat démonte les mécanismes culturels des jihadistes. Il met à nu leur vision du monde "Les fondamentalistes religieux tuent tous ceux dont la pureté de l'âme est jugée insuffisante". Chrétiens ou non chrétiens -musulmans y compris- sont visés par ces "fous d'Allah". Ils ont le tort de vivre dans un pays de "mécréance" (sic!). Pour eux, un vrai musulman doit "vivre dans un pays où l'islam véritable règne et s'impose à tous." Différemment dit, "tous mécréants!". Cela éclaire le choix des cibles des attentats : des lieux de la "mécréance" comme des terrasses de restos, une salle de musique, un stade de foot. 

Ce spécialiste du terrorisme qui s'est plongé dans des dizaines de dossiers dissèque les parcours d'individus qui en quelques années -parfois en quelques mois- dérivent au point de tuer férocement leurs semblables. "Lectures, Internet, rencontre d'un mentor. L'autoradicalisation, terme à la mode, est vide de sens" conclut Marc Trévidic. Il illustre son propos par des exemples.

La guerre contre notre civilisation et notre culture

Fin connaisseur de ces tueurs en puissance il décrit la "taqiyya", un art ancien de la dissimulation. "La "taqiyya" n'est plus comme dans le passé un moyen de sauver sa peau mais une arme pour prendre celle des autres (...) c'est considéré comme un art de la guerre (...) La fin, c'est-à-dire la victoire justifie la tromperie".
Ce point nous aide à comprendre la difficulté pour les services antiterroristes de repérer à temps de futurs assassins fanatisés. Parmi les terroristes des attentats de Paris, l'un d'eux -après avoir été repéré comme petit délinquant dans la banlieue parisienne- ne s'est plus fait remarquer pendant plusieurs années. Avant de passer à l'action. Et de se faire exploser plutôt que d'être pris vivant. Une mort en "martyr" (en"shahid") qui lui assurait le paradis. Une fin de parcours pour lui. Une folie pour nous tous. 

"Les 7 piliers de la déraison"

Cette "déraison" comme l'écrit Marc Trévidic dans le titre de son livre, cette barbarie, portent désormais un nom : la guerre. Contre nos civilisation, nos cultures de tolérance, contre l'humanité. 
Il nous faut désormais prendre la dimension de ce terrorisme. Et avoir les yeux ouverts.

A Wallis et Futuna, demain lundi, notre communauté ultra-marine observera une minute de silence. Depuis 2 jours les drapeaux sont en berne.
Toutes les manifestations publiques "à caractère festif ou sportif" selon les termes de la Ministre des Outre-mer, sont annulées.
Le Secrétaire général a enfin indiqué qu'un registre de condoléances sera ouvert à l'Administration supérieure.


Les 2 livres de Marc Trévidic, juge d'instruction au pôle antiterroriste jusqu'en septembre 2015 :
*"Terroristes, les 7 piliers de la déraison" (livre de poche. 2015)
*"Au coeur de l'antiterrorisme" (2010)