"Captain Mike" quitte Wallis et emporte son mystère

Surnommé à l’américaine « Captain Mike », Michael Schmidt quitte Wallis après un séjour de six mois qui avait commencé dans le drame. Ses deux coéquipiers, américains comme lui, ont disparu à son entrée dans le lagon à bord de son voilier, le Zulu Time, fin novembre 2020.

"Captain Mike" se souviendra toute sa vie de son arrivée à Wallis. Le 27 novembre 2020, il se présente à l’entrée de la passe sud du lagon, à la barre de son voilier, le Zulu Time. Il prévient, dit-il, les autorités maritimes de Wallis qui envoie en reconnaissance le bateau de la gendarmerie, responsable du secours en mer à Wallis et Futuna. Selon le navigateur américain, les gendarmes lui ont demandé de rester ancré à l’extérieur de la passe en raison de vents contraires.

Le lendemain, les gendarmes étant mobilisés par un appel de détresse au large de Wallis, Michael Schmidt décide d’entrer dans le lagon car « le vent avait tourné ». C’est alors que survient le drame. Tout commence, selon lui, quand il dit à ses deux coéquipiers qu’il a contacté la gendarmerie pour annoncer qu’il va s’ancrer dans le lagon. « Ils paniquent » dit-il et de poursuivre : « ils coupent les fils de ma radio de bord puis je les vois plonger, habillés seulement d’un T-shirt et d’un short. Le plus agé, Abdul 27 ans, avait avec lui une petite pochette » ! En sautant du voilier, le plus jeune, Isaac 20 ans, s’excuse : « désolé pour cela ». le « Captain » précise que le Zulu Time avait tout juste  dépassé l’îlot de la passe et avait mis cap au nord quand les deux hommes ont sauté du voilier.

L’homme de mer ajoute : « j’ai tenté de prévenir la gendarmerie mais je n’ai pas obtenu de réponse. J’ai alors contacté les autorités maritimes de Fidji qui ont alerté Wallis. Deux gendarmes m’ont rejoint à bord de leur bateau. Je leur ai montré le lieu du plongeon  et ils sont partis effectuer des recherches qui n’ont rien donné. Ils m’ont emmené à la baie de Gahi ». C’est là qu’il est interrogé par la responsable des douanes en présence d’un enquêteur de la gendarmerie.

  • Information judiciaire pour disparition inquiétante

Les autorités locales lancent aussitôt un avis de recherche. Une information judiciaire est ouverte pour disparition inquiétante. Une si mystérieuse disparition enflamme les réseaux sociaux. Les rumeurs les plus folles circulent. Les deux disparus seraient des terroristes. Ils auraient été aperçus sur des ilots ou à l’hôpital...  Début de psychose, certains s’inquiètent de l’arrivée du coronavirus à Wallis alors que l’île est alors épargnée par la pandémie. D’autres demandent que le navigateur soit renvoyé en mer.

Michael Schmidt affirme qu’il avait peur lui aussi. Il craignait d’être accusé de crime et de finir…au bagne ! Sa seule référence française était en effet le film « Papillon » sur un bagnard victime d’une erreur judiciaire.

Les enquêteurs, dit-il,  ne l’ont pas ménagé en l’interrogeant en de multiples circonstances. Son voilier a été fouillé à de nombreuses reprises « dont une fois par deux militaires en Kaki, et une autre fois par la police scientifique ». Toutes les affaires à bord ont été saisies ainsi que ses équipements électroniques et son pistolet 9 millimètres.

Selon sa version, ses deux coéquipiers étaient des fondamentalistes chrétiens. Ils rejetaient les tests covid comme « marque de la bête de l’Apocalypse, menant droit en enfer ». C’est pour éviter ces tests qu’ils ont sauté du Zulu Time, toujours selon sa version. Après avoir exploré toutes les pistes, il admet désormais que les deux jeunes sont probablement morts par noyade.

C’est ce que semblent penser également les enquêteurs après avoir examiné toutes les hypothèses... Le feu vert de l’administration supérieure à son départ de Wallis indique que la justice n’a rien trouvé à lui reprocher.

  • Une odyssée entre covid-19,  fondamentalisme religieux et découverte de Wallis

Pour expliquer cette apparente tragédie, les deux jeunes n’ayant jamais été retrouvés, « Captain Mike » raconte une véritable odyssée. Il se présente comme un chef d’entreprise et dit avoir pris la mer en mars 2020 pour fuir le confinement en Californie et un divorce difficile. Mais tout au long de son périple il sera rattrapé par la crise sanitaire.

Son voilier est volé puis coule à Hawaï et il doit en acheter un autre. Il rencontre sur place une vieille connaissance qui a son propre bateau et lui propose de partir pour Tonga, avec deux passagers sur chacune des deux embarcations. L’Américain accepte mais le voyage ne se passe pas comme prévu. Tonga refuse d’accueillir les deux voiliers qui prennent la direction de Bora Bora. Pris dans une tempête, le Zulu Time change à nouveau de cap et file vers les Samoa américaines, tandis que l’autre voilier poursuit sa route vers la Polynésie française.

«  Arrivés sur place mes coéquipiers menacent de se jeter à l’eau si j’accoste à Pago Pago ; ils refusent les tests covid ».  Sur les conseils d’un ami et des autorités fidjiennes, Michael Schmidt décide alors de se rendre à Wallis où il arrive le 27 novembre 2020…

Adopté par la population sous le surnom de « Captain Mike », il affirme aimer Wallis dont il n’avait jamais entendu parler. Il serait resté s’il avait trouvé un « job ». Entre parties de pêche et nombreuses invitations dont un à un mariage, il aura passé six mois dans une ambiance de mystère qui a suscité bien des interrogations chez les Wallisiens.

Le navigateur est arrivé en bateau mais il repart en avion. Il a en effet vendu son voilier à un commerçant local. Retour aux Etats-Unis où il compte écrire un livre sur son odyssée.