Vie chère : un délégué interministériel à la concurrence nommé pour limiter le monopole
Au fil du temps et des gouvernements, les outre-mer fréquemment pointé le coût de la vie. A Wallis et Futuna, le phénomène est exacerbé par l’absence de concurrence dans certains domaines. Pour minimiser l’impact de l’inflation, un dispositif « bouclier qualité prix » encadre les prix de 57 produits. D’autant, qu’au dernier que le territoire a connu une hausse de l’inflation de 1.58% au dernier trimestre 2018.Face à une hausse généralisée, la population juge souvent le bouclier qualité prix inefficace.
C’est un problème qui touche tous les outre-mer. Pour Annick Girardin comme pour le gouvernement, la vie-chère est une priorité. Un délégué interministériel à la concurrence a été nommé pour travailler sur cette problématique outre-mer. Il s’agira pour l’Etat de travailler sur de nouvelles propositions en s’appuyant sur ces nouveaux éléments. Il viendra aussi à Wallis et Futuna, la ministre s’y est engagée :
« le délégué ira partout et vous pouvez compter sur moi pour qu’il vienne partout y compris dans les territoires les plus éloignés que sont Wallis et Futuna ou encore Saint-Pierre-Miquelon. »
Difficile de faire plus d’annonces, pour la ministre il faut tenir compte de la taille du marché. Elle a évoqué le développement du secteur primaire et des entreprises privées locales en contrepoids à la hausse des prix dans les commerces. Pour Annick Girardin, le territoire doit mettre en place une stratégie qui puisse favoriser l’industrie locale. Chaque citoyen doit aussi tenir compte de son rôle dans cette économie :
« L’intérêt général, la qualité de vie dans un territoire c’est l’affaire de tous »
Dans le domaine du transport aérien, il faut souligner le monopole de la compagnie calédonienne Aircalin sur les dessertes inter-îles et internationales. Seule sur le marché, Aircalin est souvent blâmée par l’opinion publique sur la qualité de son service et sur ses prix.
La ministre a rappelé les efforts financiers faits par l’Etat en ce sens, notamment avec les 5 millions d'euros destinés à la subvention d'équillibre.
Selon les accords de délégation du service public de la desserte inter-îles, une réunion doit se tenir entre Aircalin, l’état et le territoire en 2020. Un bilan de mi-parcours qui pourrait permettre quelques changements.
Concernant le monopole dans le domaine aérien, la ministre s’appuie aussi sur le travail que va réaliser le délégué interministériel à la concurrence.
Pour un désenclavement efficace et peu coûteux de nos îles, Annick Girardin a évoqué la mise en place d’un ferry pour la desserte maritime entre Wallis et Futuna.
Le développement du tourisme est indissociable d’un effort sur le coût du billet d’avion. Annick Girardin précise :
« Le désenclavement de Wallis et Futuna nécessite qu’on puisse développer le tourisme et pour ça il faut qu’on travaille sur les questions aériennes. On a tous envie de faire en sorte qu’il y ait plus de compagnies qui viennent sur le territoire mais c’est un principe de réalité économique et commerciale. Je ne renonce pas à une négociation et à un travail avec Aircalin mais aussi de regarder quelles autres compagnies peuvent venir »
L’Etat étudie toutes les propositions et la ministre ne s’est pas opposée au subventionnement de la ligne Wallis-Fidji par l’Etat.
Retard Economique et rattrapage : au territoire de faire des projets, à l’Etat de les accompagner
« L’état des routes de Wallis et Futuna est-il normal pour un territoire de la République ? » : la question de Lafaela Liufau pourrait être celle que tous les wallisiens et futuniens se posent chaque jour en circulant sur le réseau routier local. Nids de poule, quasi-absence de signalisation sont entre autres problèmes vécus au quotidien depuis des décennies.
Pour Annick Girardin, la problématique n’est pas exclusive à Wallis et Futuna. Pour avancer, il faut selon elle arrêter toute comparaison.
L’Etat est sensible à ce questionnement et des moyens financiers sont mis à disposition du territoire. La ministre des outre-mer a ainsi rappelé le doublement du FEI (Fond Exceptionnel d’Investissement) pour les outre-mer. Ces 4 millions d’euros devraient soutenir les projets de rénovation des routes, des aéroports et des ports.
La ministre souligne l’implication de l’Etat dans le financement des grands chantiers du territoire.
A Futuna, une enveloppe de 18 millions d’euros est allouée pour les travaux du quai de Leava. L’aide s’élève à 5 millions d’euros pour la modernisation de l’aérodrome de Vele.
A Wallis, la somme atteint 10 millions d’euros pour l’aéroport international de Hihifo.
Les infrastructures locales doivent être améliorées, c’est un fait. La vétusté des bâtiments scolaires a fait la une de l’actualité de ce début d’année 2019. Un peu embarrassée
, la ministre a une nouvelle fois rappelé l’accompagnement de l’Etat et de l’Europe à travers le FEI et le FED (fond européen de développement) ou encore le contrat de convergence et de transformation. Pour la ministre, le territoire doit définir ses priorités et établir des projets solides.
Les financements mis à disposition des outre-mer ne sont pas suffisamment utilisés. La ministre déplore par exemple :
Lors de la 17ème conférence de l’OCTA fin février, Wallis et Futuna a été désigné PTOM le moins développé avec le soutien d’Annick Girardin. Certes, les besoins sont avérés mais il faut que des projets soient mis en place et il faut tenir compte du temps nécessaire à la procédure.« L’an dernier le ministère des outre-mer, par manque de consommation dans les territoires d’outre-mer y compris Wallis et Futuna, a rendu énormément d’argent dans les caisses de l’état et donc ce que j’ai demandé c’est de financer des projets qui soient déjà matures. »
En cela, la ministre a répété son souhait de créer un « site internet transparent » pour que les citoyens puissent suivre l’avancée de chaque projet ainsi que leur financement.
La réforme statutaire : Wallis et Futuna doit choisir
La spécificité de Wallis et Futuna repose sur un statut particulier qui organise une répartition du pouvoir autour du triptyque : l’Etat, le Territoire et la Chefferie. Ce statut est régi par la loi statutaire du 29 juillet 1961 qui confère aussi à Wallis et Futuna le Statut de Territoire français d’Outre-mer.
Parler du statut de 1961 équivaut à aborder directement l’identité du wallisien et du futunien. Un sujet sensible qui a de nombreuses fois été la source de conflits.
Entre la crainte du changement et souhait d’avancer, il apparaît que certains points du statut ne s’accordent plus avec les réalités d’aujourd’hui. L’actualité sociale de ce début d’année a souvent mis en exergue les incohérences du statut. Sur la mise en place de la fonction publique ou sur le statut des pompiers du fenua, il faut que des précisions soient apportées à la loi statutaire. De ce fait, un choix doit être fait rapidement selon la ministre. Ce choix appartient aux autorités locales et à la population :
« Je crois qu’on peut pas demander à l’état plus de changements sans penser à faire évoluer ce statut (…) Il n’y aura jamais dans la volonté de ce gouvernement de dire on va changer,non. L’état sera aux côtés des autorités de ce territoire si ils le souhaitent pour faire évoluer ce statut et confectionner l’outil indispensable »
Sur le conflit coutumier qui règne à Wallis depuis 2016, la position de la ministre est claire :
« Je travaille avec tous les acteurs, j’entends tous les acteurs. Après il y a une responsabilité du territoire, je ne rentre pas dans l’organisation coutumière du territoire, ce n’est pas mon rôle »
Représentation de la France dans le Pacifique
Tout au long de son séjour, Annick Girardin a fréquemment mis en avant l’intérêt que l’état porte à Wallis et Futuna.
La France accompagnera le territoire dans ses projets. Il faut que Wallis et Futuna renforce sa présence dans le Pacifique. Aux côtés de la Polynésie-Française et de la Nouvelle-Calédonie, le fenua doit porter la voix de la France dans la région. C’est notamment dans l’axe Indo-Pacifique souhaité par Emmanuel Macron que le territoire a un rôle important à jouer.
Enfin, dans le domaine culturel, Wallis et Futuna en tant qu’île française participe au rayonnement de la francophonie dans le monde.
La ministre des outre-mer retient surtout les rencontres avec la population. A Wallis et Futuna, les problèmes ne manquent pas mais il y a des projets à accompagner. Annick Girardin déclare :
«Ce territoire a aussi un extraordinaire atout ce sont des femmes et ses hommes. J’ai la conviction que repose sur eux le développement de ce territoire. Il y a des projets qu’il faut pousser et je leur ai promis d’être à leurs côtés pour le faire »
La vie chère sous-jacente aux différents monopoles appelle des solutions. Comment rattraper le retard de Wallis et Futuna en termes d’infrastructures et d’économie ? Enfin, s’il faut réformer la loi statutaire de 1961, quelle sera la place de l’Etat et des institutions locale à l’avenir ? Annick Girardin joue la carte de la prudence. Sans faire d’annonce ni de promesse, elle assure que l’Etat français continuera d’accompagner le territoire. Encore faut-il que le Territoire puisse lui soumettre des projets. En tous cas, il a toute sa place dans la promotion de la France dans le monde, à commencer par la région Pacifique.
Pour revoir l’intégralité de l’entretien d’Annick Girardin, Lafaela Liufau et Patrick Ferrante :