Justice: la légitimité de la Procureure de Wallis et Futuna mise en cause. Causes et conséquences

La cour de cassation l'a confirmé: avant sa nomination officielle en février, Atonia Tamole n’était pas légalement procureure.
La légitimité d'Antonia Tamole, procureure de la République à Wallis et Futuna mise en cause dans une affaire d'homicide involontaire. Une décision lourde de conséquences. Par mesure de sécurité, un magistrat mandaté par le Procureur Général de Nouméa prend le relais pour les affaires en cours
La nomination d'Antonia Tamole comme Procureure de la République au tribunal de Mata-utu a été contestée par un avocat lors de l'instruction d'un dossier d'homicide involontaire. L’affaire en question est celle d’un homme qui a causé la mort d’un adolescent en 2016 lors d’un accident de la route à Wallis. Le conducteur sous l'emprise de l'alcool ne s'était pas arrêté.

Une contestation suivie par la Cour d'appel de Nouméa qui annule finalement la procédure de cette affaire. La Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Nouméa a annulé les actes qu'elle a accomplis dans ce dossier. La Chambre d'instruction de la cour d'appel, a donné raison à Maître Jean-Jacques Deswarte, l'avocat du conducteur qui avait déposé une requête en nullité.

L'avocat avait fondé sa requête sur le fait qu' Antonia Tamole, qui n'est pas magistrate professionnelle, a été nommée au poste de procureur du tribunal de première instance de Wallis et Futuna, selon les critères d'un décret de 1928 sur le statut de la magistrature coloniale, qui n'est plus légal. Antonia Tamole est à l'origine fonctionnaire territoriale. Elle  a été désignée "à titre intérimaire et temporaire" à cette fonction en septembre 1990, et sa "mise à disposition" a été renouvelée en 2015 par le biais d'une convention signée par le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Nouméa. Le territoire de Wallis et Futuna n'a même pas signé ce document selon les termes qu'a confiés l'avocat à notre confrère de l'AFP.       

La Chambre d'instruction de la cour d'appel a jugé la requête recevable, au motif notamment, comme l'avait indiqué Me Deswarte dans son mémoire, que l'ordonnance de 1958 relative au statut de la magistrature, la loi de 1961 sur le statut de Wallis et Futuna et la loi de 1983 sur le TPI de Wallis et Futuna, ont abrogé le décret de 1928. Depuis, c'est donc un magistrat professionnel qui aurait dû être nommé comme procureur.
    

Que dit l'arrêt de la chambre d'instruction de la cour d'appel ?

L'arrêt de la Chambre est clair :"Le renouvellement de Madame Antonia Tamole en qualité de magistrat intérimaire, affectée au parquet du TPI de Mata'Utu est dénué de base légale".

Le poste de procureur du tribunal devait faire l'objet d'un décret du président de la République.      

Le procureur général de la cour d'appel de Nouméa, James Juan, a annoncé sur les antennes de Wallis et Futuna 1ère qu'il allait se pourvoir en cassation: "Un procureur est nommé dans des conditions fixées par l'ordonnance du 22 décembre 1958. Il a ajouté qu'il y a des dispositions spécifiques dérogatoires". Il a ajouté également que cette décision de la chambre d' intrusction ne remettait aucunement en cause les affaires déjà jugées.
   
Une décision lourde de conséquences :   

Me Deswarte a déclaré à l'AFP : "C'est énorme comme décision. On reconnaît qu'un procureur de la République exerce de manière illégale à cause d'une survivance coloniale. Le seul précédent remonterait à 1813".  "Dans toutes les procédures non définitivement jugées dans lesquelles Antonia Tamole est intervenue, les avocats pourront déposer des conclusions de nullité. Et de facto, la procédure tombe, c'est imparable", a-t-il ajouté, précisant que les procédures civiles et commerciales étaient aussi concernées.    
   
On pense de fait à l'épineux dossier de la défisc. Une affaire de fraude massive du dispositif de défiscalisation qui avait touché Wallis et futuna et d'autres îles du Pacifique. Cinquante prévenus comparaîtront en février prochain en Polynésie. Si le jugement est confirmé en cassation, la tenue de ce procès pourrait être remis en question.     

La cour de cassation l'a confirmé: avant sa nomination officielle en février, Atonia Tamole n’était pas légalement procureure.

La légitimité d'Antonia Tamole, procureure de la République à Wallis et Futuna est donc mis en cause. Par mesure de sécurité, un magistrat mandaté par le Procureur Général de Nouméa signera dorénavant tous les actes de justice sur le Territoire. Antonia Tamole est Procureure sur le Territoire depuis 27 ans.

Le reportage de Leone Vaitanoa, Mélodie Sione:
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