Ancres et chaînes des voiliers : un danger pour la faune du lagon de Faa'a

Ancres et chaînes des voiliers : un danger pour la faune du lagon de Faa'a
Le mouillage des voiliers... Un sujet qui crée des tensions sur le lagon de Faa'a. Ces bateaux doivent s'accrocher à des corps-morts bien définis et nulle part ailleurs. Mais, depuis plus de 30 ans, Marina Services, qui gère la concession située entre l’aéroport de Tahiti-Faaa et la marina Taina, et les pêcheurs du coin constatent quelques mouillages sauvages avec des ancres et chaînes qui seraient responsables de la disparition progressive de certaines espèces marines tel que les squilles ou le bec de canne.

Une ancre enfouie dans le sable et des sillons déjà tous tracés. C’est une charrue dans ce champ de sable blanc, selon les pêcheurs du coin. Un courant fort, un vent à plus de 35 nœuds, et la machine se met en route.

"Il laboure, et ça je peux te le dire, laboure le sable. Que fait le coquillage ? Soit il meurt soit il descend, il évolue, il bouge alors que c'est son lieu d'habitation aujourd'hui ici, même le varo est détruit, labouré par ces chaînes des voiliers. Tu as des habitations de o'eo, il évolue aussi dans cette eau-là, aujourd'hui on en a plus, on ne sait plus où ils sont".

Henri Tarahu - Pêcheur de l’AS Tefana chasse sous-marine

30 mètres de chaîne pour cette ancre. Mais ici, ce n’est pas une, mais bien trois ancres pour ce voilier, un tracteur à lui tout seul. Dans la zone comprise entre l’aéroport de Tahiti-Faa'a et la marina Taina, des mouillages sauvages comme celui-ci se compte par centaine. "On voit beaucoup de boîtes de conserve, des chaînes qui ont pourri dans la mer, il y a des voiliers qui pourrissent et il y a personne dedans. Pourquoi il n'y a pas de contrôle ?" s'interroge Charles Normand, membre du comité de gestion du lagon de Faa'a.

Un millier de voiliers à transiter par la Polynésie

Et pourtant, les embarcations ont accès à plus de 180 corps-morts dans cette zone. Une location à l’année sous contrat. Henri et son équipe assurent la gestion et surtout, l’entretien des lignes tous les trois mois.

"Sur nos installations, on fait la police justement pour préserver le plan d'eau compte tenu que nous avons le pavillon bleu. Nous faisons donc très attention au plan d'eau. Par contre, malheureusement, nous n'avons pas la gestion sur tous les bateaux qui sont sur ancre au nord de la marina"

Henri Kosake – Maître de quai à la marina Taina

Ils sont un peu plus d’un millier de voiliers à transiter par la Polynésie française chaque année. C'est le cas de ces jeunes Scandinaves en plein tour du monde. Ils se donnent un an pour visiter tous les archipels. Mais ce n'est pas facile de trouver un endroit où s'amarrer. "Il y a beaucoup de bateaux qu'on a vu jeter l'ancre et qui ont été abandonnés. Ces gens sont venus sur Tahiti et ils ont mis leur ancre à l'eau puis ils sont partis. Quand tu jettes l'ancre à l'eau, certains bateaux ont presque 100 mètres de chaîne et quand il y a de la houle les bateaux bougent beaucoup entre eux. Certains jettent leur ancre en dehors de la zone de la marina. On a pu voir à plusieurs reprises leur corde se briser. C'est pour cela que nous, on préfère se mettre à la marina de Papeete", estime le jeune touriste scandinave. 

Un touriste en voilier peut rester deux ans au fenua sans payer de taxe. S’il n’a pas le droit de travailler, rien ne l’empêche de dépenser de l’argent.

"D'après une estimation qu'on a faite il y a quatre ou cinq ans, la plaisance rapporte 4,5 milliards de Fcfp par an. Donc, ce sont des touristes, et des touristes la plupart du temps de très haut niveau, qui ont beaucoup d'argent et qui font  des plongées, vont au restaurant et qui restent longtemps" 

Arnaud Jordan – Président des voiliers en Polynésie

 

Demander aux voiliers de débarrasser le plancher ? Oui, mais pour aller où ? À quand une vraie table ronde avec le Pays, le port autonome, les pêcheurs, la commune et les voiliers... En attendant, cinquante nouveaux corps-morts pourraient être installés dans la zone d'ici la fin de l'année.

Regardez ce dossier signé Ismaël Tahiata et Patrick Tsing Tsing : 

©polynesie