Nous n’allons pas vous montrer une photo d’elle « avant » pour la comparer à la femme qu’elle est aujourd’hui. Car le changement qui s’est opéré chez Jennifer Frédéric Sabajo va au-delà de la perte de poids qui l’a fait passer du stade « d’obésité morbide » à « obésité modérée ».
Le déclic aura lieu en mars 2023 pour cette quadragénaire, mère de quatre enfants. « Avant, mon poids n’avait jamais été un problème. Mais à l’occasion d’un bilan, on a décelé que je souffrais de diabète. Cela a été un choc. D’autant plus que mon père en souffre. Quand on connaît la maladie, qu’on voit que certaines personnes malades sont amputées, que d’autres décèdent, on se dit qu’on va peut-être mourir. Je me suis demandé ce que j’allais devenir.»
Jennifer Frédéric Sabajo est alors aiguillée par son médecin traitant vers le service d’endocrino-diabétologie du Centre hospitalier de Cayenne. « Là-bas, il y avait une équipe complète avec une unité mobile pour le suivi des patients diabétiques. On m’a bien expliqué la maladie et ses conséquences en me disant qu’il fallait perdre du poids parce que cela jouait beaucoup pour le diabète. »
« Il n’existe pas de produit miracle »
Autour de Jennifer Frédéric Sabajo, une sorte de task force se déploie : psychologue, médecin, infirmier, diététicien, enseignant en activité physique adaptée… « On nous dit « mangez, bougez » ou « 5 fruits et légumes par jour ». Mais comment on fait cela ? s’interroge Jennifer Frédéric Sabajo. Avec eux, j’ai appris à rééquilibrer mon alimentation avec tous les nutriments. C’est ça qui m’a fait maigrir. Je ne parle plus de régimes ou de produit miracle. Ça n’existe pas ! »
Autre volet important dans son nouveau comportement : l’intégration du sport. « Je n’aimais pas ça ! lâche-t-elle en riant. La première fois, j’ai dit à l’enseignante que je ne savais pas si j’allais revenir… Mais je suis revenue. Elle a pris le temps de discuter avec moi et de me montrer comment aimer l’activité physique. » Depuis, la marche, la musculation, la piscine font partie de sa routine.
Trois mois après les analyses qui avaient tout déclenché, Jennifer fait de nouveau un bilan : « tous les voyants étaient au vert pour le diabète ».
« Entre patients, on peut mieux se comprendre »
L’idée de créer une association de patients, à l’image de celle qui existe pour les patients diabétiques, vient des soignants. Ils organisent une première rencontre avec les personnes suivies et la sauce prend. D’emblée, Jennifer veut s’investir pour partager son expérience. « Il fallait qu’on entende la voix des patients. Entre nous, on peut mieux se comprendre. » L’Association Guyane Obésité (AGO) voit le jour en février 2024. Parmi ses missions : fédérer les personnes en situation d’obésité pour les placer au centre de leur prise en charge. Une première action de sensibilisation est menée à l’hôtel territorial en mars pour la Journée mondiale contre l’obésité. D’autres manifestations suivront comme « Nager sans complexe », une journée dédiée à la pratique de la natation qui a rencontré un franc succès. Jennifer Frédéric Sabajo compte bien surfer sur cette vague. « Pourquoi ne pas proposer cette opération dans d’autres communes de Guyane ? » Déterminée à faire bouger les lignes, la présidente de l’AGO fourmille d’idées : « nous voulons organiser des groupes d’échanges pour les patients, partager des moments sportifs. Nous aimerions aussi qu’il y ait un véritable service dédié à la prise en charge de l’obésité. »
Changer le regard sur l'obésité
Un autre objectif, et pas des moindres, est aussi visé par l’association et sa présidente: changer le regard sur l’obésité. « Il faut que la personne en situation d’obésité se sente acceptée, déclare Jennifer Frédéric Sabajo, même si je n’encourage pas à rester dans cette situation quand il y a des risques pour la santé. Parfois, quand on voit quelqu’un d’obèse, on lui dit « ah, tu manges trop ». Or, derrière le physique, il a parfois autre chose : le vécu de la personne, des problèmes psychologiques, des difficultés dans son environnement… »
Actuellement composée de 130 membres, l’AGO invite toutes les personnes concernées par la question de l’obésité à se rapprocher d’elle : associationguyane.obesite@gmail.com
En 2019, l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) estimait que 51 % des Guyanais étaient en surpoids ou situation d’obésité contre 47 % en France hexagonale.