Comment les centres de santé les plus isolés font face à la sécheresse en Guyane ? Alors que les fleuves ne permettent plus aux pirogues de naviguer pour acheminer les médicaments et les patients, il faut s’organiser.
"L’hôpital rencontre des problèmes d’acheminement de médicaments car il n’y a plus de pirogue entre Saint-Laurent et Maripasoula, confirme Mélanie Teixeira Alves, cadre de Santé à l’hôpital de proximité de Maripasoula. On passe progressivement par la voie aérienne avec la mise en place de deux bimoteurs pour apporter ce dont on manquait".
L’acheminement des médicaments
En temps normal, l’hôpital de proximité de Maripasoula reçoit ses commandes de médicaments par le fleuve une fois par mois.
Jusqu’à présent, nous avons réussi à ne pas manquer de médicaments et de matériels en se dépannant avec les autres centres de santé jusqu’à l’arrivée des commandes.
Mélanie Teixeira Alves, cadre de santé à l’hôpital de proximité de Maripasoula
"Le service de la logistique à Cayenne nous a aussi fait parvenir par le prochain hélicoptère le matériel dont on allait manquer", poursuit-elle. L’hôpital de proximité de Maripasoula compte six médecins et deux internes actuellement.
Anticiper les besoins
"On essaie d’anticiper au maximum nos demandes, ajoute Mélanie Teixeira Alves. Et il est aussi possible de se dépanner avec le CDPS, le Centre délocalisé de prévention et de soin de Papaïchton accessible par la piste".
La sécheresse empêche aussi le transport de patients et de personnels de santé. "Pour aller à Taluen et Antecum, nous ne pouvons plus emprunter le fleuve, donc on a mis en place la rotation d’un hélicoptère toutes les deux semaines", explique Mélanie Teixeira Alves, cadre de santé à l’hôpital de proximité de Maripasoula.
L’objectif est de garder les CDPS ouverts, d’assurer et garantir un accès aux soins même aux personnes les plus isolées.
Mélanie Teixeira Alves
Des évacuations sanitaires toujours possibles
Des médecins sont envoyés dans les villages pour assurer le suivi des patients. Actuellement, il y a une infirmière, un médecin et des ASH, Agents de Services Hospitaliers, à Taluen, ainsi que des médiateurs et des ASH à Antecum-Pata. Si une urgence vitale était signalée sur les communes du Haut-Maroni, une évacuation sanitaire serait alors déclenchée par hélicoptère, comme c’est le cas habituellement.
Insolation et déshydratation
Au niveau des pathologies, l’hôpital de proximité de Maripasoula ne constate pas d’afflux de patients supplémentaires. "Mis à part des orpailleurs pris en charge pour des insolations et des déshydratations, constate le docteur Caroline Migault à l’hôpital de proximité de Maripasoula. Ils travaillent avec une chaleur extrême, oublient de boire de l’eau ou boivent de l’alcool, ce qui n’est pas absolument recommandé".
Avec de telles températures, il faut s’abriter, éviter de sortir aux heures les plus chaudes et surtout boire régulièrement de l’eau potable, surtout pour les enfants et les personnes âgées.
Dr Caroline Migault
Si la sécheresse et le manque d'approvisionnement en marchandises durent plusieurs mois, "il y aurait des risques de carence en vitamines", ce qui peut causer des pathologies, ajoute le docteur Caroline Migault.
Terre, poussière et asthme
À Papaïchton, les habitants composent aussi avec les fortes chaleurs et les coupures d’eau de 18h à 6h sur la commune. Au collège, Tania Cabos l’infirmière scolaire, encourage les élèves à boire beaucoup d’eau quand ils le peuvent. "Ils doivent s’hydrater car certains se plaignent de maux de tête", explique l’infirmière.
La terre et la poussière provoquent aussi de plus en plus de problèmes respiratoires. Des élèves font de l’asthme.
Tania Cabos, infirmière scolaire
Diarrhées et vomissements
À Taluen, la situation sanitaire inquiète aussi le chef du village, Michel Aloike. "Si on a un malade, comment pourra-t-on le transporter jusqu’à Maripasoula ?", s’interroge-t-il, s’il ne s’agit pas d’une urgence vitale.
Michel Aloike rappelle aussi que la commune est sans eau courante depuis trois ans. "L’eau potable est revenue un peu, mais avec la sécheresse, on va encore manquer d’eau, explique-t-il.
Les gens qui ont les moyens peuvent s’acheter des packs d’eau, mais ceux qui n’ont pas cette solution vont chercher de l’eau dans les criques. On essaie de survivre, c’est le mot.
Michel Aloike, chef du village de Taluen
Selon lui, cette situation est "dangereuse pour la santé". "Je sais que dans les jours qui viennent, des enfants arriveront au dispensaire avec des gastros et des vomissements", prévient Michel Aloike.
Des avions de l’armée
L’État a déclenché le plan ORSEC eau le 31 octobre dernier. Les avions Casa de l’armée ont effectué six rotations pour acheminer des denrées alimentaires jusqu’aux communes du fleuve. Mais quelles solutions à plus long terme ?
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