Le 14 février 1974, les gendarmes ouvrent le feu sur des ouvriers agricoles, à l’entrée d’une plantation d’ananas, à Basse Pointe. Près de 10 manifestants sont blessés par balle, deux ne survivront pas. Retour sur le dernier mouvement social réprimé dans le sang en Martinique.
En ce début d’année 1974, l’activité de l’île est paralysée par un mouvement de grève des ouvriers agricoles. Un an plus tôt, une sécheresse exceptionnelle a entrainé la perte de 40% de la production bananière, sur laquelle repose désormais l’économie de l’île, depuis la fermeture de la quasi-totalité des usines sucrières. Dans le même temps, la hausse du baril de pétrole engendre une forte augmentation du prix des denrées de première nécessité, pratiquement toutes importées.
Les premières victimes de cette crise sont les ouvriers de la banane, qui constituent la main d’œuvre la moins bien payée de l’île. À l’époque, un travailleur des champs est rémunéré 30 francs par jour.
La grève entamée le 17 janvier repose ainsi sur plusieurs revendications comme une meilleure définition des taches, la fin de l’utilisation des produits dangereux -dont déjà le fameux Képone (pesticide dont la molécule active est la chlordécone)- et surtout : une revalorisation salariale de 5 francs et 46 centimes.
Après plus de 3 semaines de grève, les négociations sont au point mort. La dernière proposition des planteurs, à 32 francs, est catégoriquement refusée par les syndicats, qui décident de durcir le mouvement. Les ouvriers de la canne se déclarent solidaires de leurs camarades travaillant dans les bananeraies.
Un rapport de force s’engage avec les patrons. Les grévistes tentent d’enrôler un maximum d’ouvriers, en passant d’habitations en habitations, quitte parfois à utiliser l’intimidation comme mode de recrutement.
La contestation prend ainsi de plus en plus d’ampleur et s'étend désormais du nord au sud de l’île. Régulièrement appelés pour maintenir l’ordre autour des habitations de Rivière Pilote, du Lamentin, du Robert, du Gros Morne ou de Sainte Marie, les gendarmes essuient généralement des jets de pierres, auxquels ils répliquent par des tirs de grenades lacrymogènes.
C’est dans ce contexte très tendu que survient le drame de Chalvet. Le préfet de l’époque (Christian Orsetti) aurait donné l’ordre d’employer tous les moyens nécessaires pour mettre fin à la révolte ouvrière, y compris la force. Dépêchés à Basse Pointe pour protéger l’habitation Chalvet, environ 200 gendarmes -appuyés par un hélicoptère- encerclent soigneusement les grévistes avant de tirer à balles réelles.
6 ouvriers agricoles sont grièvement touchés dont Ilmany Sérier, dit Rénor, qui ne se relèvera pas. Il avait 55 ans et était père de 22 enfants. L'émotion est considérable, comme en témoigne la foule rassemblée à ses obsèques, au Lorrain, deux jours plus tard…
Alors que le sentiment anticolonial se renforce, les autorités se défendent en affirmant que les gendarmes ont ouvert le feu en "état de légitime défense caractérisé".
Re)voir le récit de Cyriaque Sommier.
De plus, une terrible nouvelle se répand pendant les obsèques. Un autre cadavre vient d’être retrouvé sur une plage de Basse Pointe ! Il s’agit du corps d’un ouvrier maçon de 19 ans : Georges Marie-Louise. Un jeune homme qui n’avait plus donné signe de vie depuis sa participation aux affrontements avec les gendarmes le 14 février.
Un cadavre "manifestement torturé et mutilé", diront des témoins. Affirmation totalement contredite par le rapport d’autopsie. Examen pratiqué par trois médecins, dont l’adjoint au maire de Fort de France : Pierre Aliker.
L’émoi est général, comme la grève qui touche maintenant tous les secteurs d’activité. L’ampleur des manifestations incite les patrons à revenir à la table des négociations.
Le 19 février, un accord est finalement conclu entre les planteurs et les syndicats. Une journée de travail dans la banane sera désormais payée 35 francs 50.
Les circonstances de la mort de Marie Louise ne seront jamais élucidées. Pas plus que ne seront inquiétés les gendarmes qui ont ouvert le feu à la Saint Valentin.
Chaque année, une marche commémorative est organisée, autour du 14 février, sur le trajet des ouvriers agricoles de 1074, entre le Lorrain et Basse Pointe.
46 ans après le drame de Chalvet, il reste une plaque commémorative à Chalvet, ainsi qu’une chanson (Févriyé 74 de Kolo Barst) pour raviver le souvenir d’Ilmany Sérier et de George Marie Louise.
Des ouvriers exposés quotidiennement à la chlordécone pour 30 francs par jour
Les premières victimes de cette crise sont les ouvriers de la banane, qui constituent la main d’œuvre la moins bien payée de l’île. À l’époque, un travailleur des champs est rémunéré 30 francs par jour.
La grève entamée le 17 janvier repose ainsi sur plusieurs revendications comme une meilleure définition des taches, la fin de l’utilisation des produits dangereux -dont déjà le fameux Képone (pesticide dont la molécule active est la chlordécone)- et surtout : une revalorisation salariale de 5 francs et 46 centimes.
Après plus de 3 semaines de grève, les négociations sont au point mort. La dernière proposition des planteurs, à 32 francs, est catégoriquement refusée par les syndicats, qui décident de durcir le mouvement. Les ouvriers de la canne se déclarent solidaires de leurs camarades travaillant dans les bananeraies.
Un rapport de force s’engage avec les patrons. Les grévistes tentent d’enrôler un maximum d’ouvriers, en passant d’habitations en habitations, quitte parfois à utiliser l’intimidation comme mode de recrutement.
La contestation prend ainsi de plus en plus d’ampleur et s'étend désormais du nord au sud de l’île. Régulièrement appelés pour maintenir l’ordre autour des habitations de Rivière Pilote, du Lamentin, du Robert, du Gros Morne ou de Sainte Marie, les gendarmes essuient généralement des jets de pierres, auxquels ils répliquent par des tirs de grenades lacrymogènes.
Des grévistes encerclés
C’est dans ce contexte très tendu que survient le drame de Chalvet. Le préfet de l’époque (Christian Orsetti) aurait donné l’ordre d’employer tous les moyens nécessaires pour mettre fin à la révolte ouvrière, y compris la force. Dépêchés à Basse Pointe pour protéger l’habitation Chalvet, environ 200 gendarmes -appuyés par un hélicoptère- encerclent soigneusement les grévistes avant de tirer à balles réelles.
6 ouvriers agricoles sont grièvement touchés dont Ilmany Sérier, dit Rénor, qui ne se relèvera pas. Il avait 55 ans et était père de 22 enfants. L'émotion est considérable, comme en témoigne la foule rassemblée à ses obsèques, au Lorrain, deux jours plus tard…
Alors que le sentiment anticolonial se renforce, les autorités se défendent en affirmant que les gendarmes ont ouvert le feu en "état de légitime défense caractérisé".
Deux morts...aucun coupable poursuivi
Re)voir le récit de Cyriaque Sommier.
L’émoi est général, comme la grève qui touche maintenant tous les secteurs d’activité. L’ampleur des manifestations incite les patrons à revenir à la table des négociations.
Le 19 février, un accord est finalement conclu entre les planteurs et les syndicats. Une journée de travail dans la banane sera désormais payée 35 francs 50.
Les circonstances de la mort de Marie Louise ne seront jamais élucidées. Pas plus que ne seront inquiétés les gendarmes qui ont ouvert le feu à la Saint Valentin.
Chaque année, une marche commémorative est organisée, autour du 14 février, sur le trajet des ouvriers agricoles de 1074, entre le Lorrain et Basse Pointe.
46 ans après le drame de Chalvet, il reste une plaque commémorative à Chalvet, ainsi qu’une chanson (Févriyé 74 de Kolo Barst) pour raviver le souvenir d’Ilmany Sérier et de George Marie Louise.