Crise en Nouvelle-Calédonie. Le regard des professionnels de santé sur les violences des dernières semaines

Nuit de saccages et de violences à Nouméa et dans le grand Nouméa dans la nuit du 13 au 14 mai 2024
Plus de deux mois après le début des émeutes, les exactions se poursuivent dans l'agglomération. Au sein des quartiers, les tensions sont toujours importantes entre les habitants et les émeutiers sur certains barrages. Comment les professionnels de santé expliquent-ils cette violence ? Eléments de réponse.

Insultés, menacés par les émeutiers, de nombreux habitants du Grand Nouméa témoignent de la violence dont ils sont victimes au quotidien. À l'image de cette femme qui souhaite conserver l'anonymat. "Quand je marche, je me fais agresser, insulter, bien que je sois Mélanésienne. Je vois bien qu'il n'y a plus de respect. On insulte même les personnes âgées, peu importe leur ethnie."

Selon Jean-Paul Helloa, psychologue clinicien, les groupes d’émeutiers ont une organisation sociale bien définie, composée par un leader, un meneur et d'exécutants. "Tous ceux qui ne sont pas conformes à l’objectif de groupe, on va les traiter de ceci ou de cela, même si ce sont des gens de la même famille. C'est le fait de se conformer à l'objectif du groupe. Et à d'autres moments, si le groupe n'est pas bien organisé, il se peut que d'autres personnalités, d'autres jeunes, puissent prendre le dessus. Le groupe dépend de la personnalité des éléments du groupe."

"Quelque chose d'autodestructeur"

Le docteur Benjamin Goodfellow, psychiatre, a participé à une enquête sur le suicide en Nouvelle-Calédonie. Selon lui, les exactions commises depuis le 13 mai dernier peuvent s’apparenter à un homicide de soi. L’expression d’une rage destructrice sans se préoccuper de l’après. "La nature de ces destructions évoque quelque chose d'autodestructeur. C'est une rage exprimée, mais il y a une absence de prise en compte des conséquences qui touchent directement cette jeunesse ou son entourage direct." Selon ce professionnel, une étude scientifique approfondie sur le comportement de ces jeunes serait utile aux politiques de santé publique.

C'est une perte d'espoir, une perte de foi en l'avenir, une perte de sens d'une façon générale

Benjamin Goodfellow, psychiatre

Le reportage de Natacha Lassauce-Cognard et Cédric Michaut :

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