Jour de chasse au bulime, pour Marie-France Vakoume. Afin de traquer son petit gibier, elle s’enfonce dans la forêt de Gadji, près de la maison familiale sur l’île des Pins. Casser une branche, écarter la végétation avec, chercher les “petits châteaux” qui dissimulent les escargots sous les feuilles… Marie-France en repère vite quelques-uns.
3 000 F pour cent escargots
D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle a toujours collecté les bulimes. Enfant, c’était pour aider ses tantes et gagner un peu d’argent de poche. Aujourd’hui, elle continue pour respecter la tradition, nourrir ses proches et compléter son salaire. “C’est un business”, explique la jeune femme. “Cent escargots [équivalent à] 3 000 F. Avec 3 000 F, tu peux prendre des vivres, ce dont tu as besoin.” Mais au fil des ans, l’animal se fait rare. “Je dis qu’il y en a moins.”
Présent aux grands événements
La raréfaction des bulimes, une mauvaise nouvelle pour les touristes, très friands de cette spécialité locale, mais aussi pour les Kunie. Elle a toujours fait partie de leur culture, et de leur régime alimentaire. “Pour les événements, les grandes fêtes comme les mariages, les communions, les baptêmes, on va à la recherche des escargots pour faire un plat.” Farcis, au curry… “Pendant les vacances, on va chercher aussi, pour manger avec les enfants.” A la soupe ou dans un bouillon de tubercules.
Livré surgelé aux restaurants
Sa recette préférée ? “La farce”, comme les touristes l’apprécient. L’escargot farci est livré surgelé par deux préparateurs patentés, à tous les restaurateurs de l’île. “On les reçoit en poche sous vide déjà agrémentés de beurre persillé, avec une farce à l’intérieur, du sel et du poivre. Tout simplement”, montre Tsadok Hnyeikone, second de cuisine à l’hôtel Oure Lodge. Cinq minutes au four, et c’est prêt à être agrémenté. “On fait des stocks parce que c’est un produit phare. On le vend tous les jours.”
Inventaire de la ressource
Déguster des bulimes face à la baie de Kanumera, un plaisir menacé. Depuis les années 90, l’espèce est réglementée et suivie de près par les chercheurs de l’IAC, l’Institut agronomique calédonien. En partenariat avec la grande chefferie et la province Sud, les scientifiques ont lancé un inventaire dans les huit tribus, pour évaluer la ressource. “En gros, ce qui ressort, c’est qu’on est à des niveaux relativement bas par rapport à ce qu’on observait dans la forêt au début des années 90”, résume Fabrice Brescia, chercheur.
Une technique à restituer
En 1993, les femmes de Kunié ont alerté la province et sollicité une étude. “Elles avaient de plus en plus de mal à trouver des escargots.” Pour répondre à leurs inquiétudes, l’IAC suit la consommation, privée et commerciale. Il travaille en parallèle à des méthodes d’élevage. “L’objectif, évidemment, c’est que la technique soit transférée aux Kunié pour développer de petits élevages, et éviter de prélever les escargots en forêt.”