À la rentrée scolaire, tous les enfants ne retournent pas sur les bancs de l’école ; certains restent à la maison, notamment ceux dont les parents ont choisi une éducation à domicile. Comme chaque année, l’association Instruction en famille (IEF) a organisé une "non-rentrée" pour ces élèves pas comme les autres ; c’était hier (vendredi 6 septembre 2024), au Parc de la Source, à Bouillante.
Dans ce lieu verdoyant, sous une paillote en plein air, les participants ont sorti des fournitures scolaires, histoire de marquer le coup, mais en douceur : stylos, feuilles, crayons de couleur, etc.
En guise de cantine, c’était ambiance pique-nique ; tous ont partagé des grillages et un bon repas fait maison, chaque parent y ayant contribué.
Apprendre sans aller dans un établissement scolaire est possible ; il s’agit d’un dispositif strictement encadré par la loi et applicable sous certaines conditions.
Ceux qui ont opté pour ce mode d’éducation n’en changeraient pour rien au monde.
Nous avons recueilli quelques témoignages.
Des parents convaincus
Les mères et les pères adeptes de l'éducation à domicile sont convaincus de l'intérêt de cette méthode.
Ce qui m’intéresse dans l’instruction en famille, c’est la liberté pédagogique. C’est important pour moi de pouvoir transmettre à mes enfants et de pouvoir vivre à leur rythme. Ma fille a été diagnostiquée en trouble du spectre autistique (TSA). Du coup, je peux m’adapter selon ses besoins vraiment chaque jour. Chaque jour est différent. On n’a pas vraiment de programme. On s’adapte au fur et à mesure et c’est une flexibilité qui permet d’accompagner l’enfant et de voir des progrès que je n’aurais pas pu avoir autrement. Après, c’est aussi une organisation, mais c’est un choix qui paie.
Daïné, parent d’une élève scolarisée à la maison
Au départ, c’est parce qu’on a été contraints, comme tout le monde, de rester à la maison et à faire l’école à la maison. Et le rythme leur a plu, l’organisation, se réveiller quand ils veulent, ne plus avoir la contrainte d’aller dans les embouteillages le matin (parce qu’on habite à Sainte-Anne et ils étaient scolarisés à Pointe-à-Pitre). Le matin, ils travaillent de manière formelle sur les programmes de leurs niveaux respectifs et, l’après-midi, on fait des activités, avec l’association IEF généralement.
Shanis, parent de trois enfants scolarisés à domicile depuis 2020 (confinement Covid)
Les activités sont sans limite ! Il peut être question de parcours de motricité pour les plus petits et, pour tous, de découvertes pédagogiques en différents lieux de la Guadeloupe.
En fait, tout autour de nous est potentiellement sujet à apprentissage. Encore faut-il exploiter ces occasions d’apprendre.
On a toujours fait l’instruction en famille. On a deux enfants : un de 9 ans et un de 5 ans. C’est une forme d’instruction plus vivante, parce qu’elle se fait en permanence, à la maison, en voyage, lors des promenades. Ça suscite beaucoup plus d’interactivité avec les enfants, parce que ça se fait tout le temps. Une petite anecdote : on est partis de Baie-Mahault pour venir à Bouillante. Avec le plus petit, l’exercice a été sur les quatre points cardinaux et de lui demander dans quelle direction on va pour se rendre à Bouillante ; tout naturellement il a dit l’Ouest. Avec le plus grand, on a fait un petit calcul : en roulant environ à 60km/h, par rapport à la distance, en combien de temps on doit arriver ?
Pierre-André, adepte de l’instruction en famille depuis 6 ans, avec son épouse
Des enfants ravis
Les enfants valident aussi le principe de l’éducation à domicile, synonyme de liberté de rythme et d’emploi du temps.
Je me sens à l’aise, plus à l’aise qu’à l’école, parce que je peux travailler à mon rythme. Je peux me réveiller à l’heure que je veux. Quand je me réveille, je me lave, je me brosse les dents, je prends mon petit-déjeuner, puis je commence mon travail. Dès que j’ai terminé toutes les choses que j’ai à faire, je peux vaquer à mes occupations, aller jouer au foot dans mon jardin, ou jouer à la console. Si je retourne à l’école, ce sera un changement, mais je pense que je vais réussir à m’adapter au rythme scolaire. Je préfère l’école à la maison largement ! Je peux travailler à mon rythme, je peux prendre mon temps pour lire et répondre aux questions.
Lishan, élève de 4ème en éducation à domicile
Ça me plaît. On découvre beaucoup de choses différentes. J’ai beaucoup d’amis qui vont à l’école et ils me disent que je fais des choses plus intéressantes. Je ne suis jamais allée à l’école, alors je ne sais pas trop comment ça se passe à l’école.
Chanel, élève en 5ème qui n’a connu que l’école à domicile
Un peu poétesse, la toute petite Dahélia valide la vision de la scolarité idéale, inculquée par ses parents.
C’est super ! En fait, ce qui est super, c’est qu’on peut être libres. Parce que, dans la nature, au commencement, il n’y avait rien (...). Faire semblant d’être une sirène, c’est super pour moi ! C’est un monde où tout le monde devrait pouvoir emprunter son chemin (...). L’enfant juge si les idées de ses parents sont bonnes à ses yeux, et les parents font de même pour les idées de leurs enfants ! Et c’est bien mieux pour apprendre !
Dahélia, élèves de CP scolarisée à la maison
Au final, apprendre avec un parent peut ouvrir, tout autant que l’école traditionnelle, les portes de la réussite et, à postériori, de l’emploi.
Je suis rentré à l’école en CE2. Ma mère faisait l’école à la maison. Ma mère était une ancienne professeure ; elle m’a appris toutes les bases. Je n’ai pas eu trop de difficultés. J’ai mon brevet, mon BEP, mon BAC... et j’ai commencé à travailler. Il y a moins de contraintes, de faire la queue, de rester sur une chaise, on est chez soi, on apprend à notre rythme.
Samuel Echevin, employé polyvalent au Parc de la Source, à Bouillante
À ceux qui s’interrogent quant à la socialisation des enfants qui ne fréquentent pas d’établissement scolaire, la présidente de l’association IEF Guadeloupe répond que cela ne les empêche absolument pas de tisser des liens avec autrui.
On dit que les enfants qui font l’école à la maison n’ont pas de sociabilité. En tout cas, toutes les feuilles où c’est marqué "mes amis s’appellent" sont remplies avec plein de noms ! Comme quoi la socialisation est faite quand même, même s’ils ne sont pas dans une classe avec tel niveau !
Nelly Alfont, présidente de l’association IEF Guadeloupe
L’association permet justement aux enfants qui apprennent aux côtés de leurs parents de se rencontrer régulièrement, autour de moments conviviaux, comme vendredi, à Bouillante.