En Guyane, la sécheresse perturbe la vie quotidienne de Papaïchton sur le bord du Maroni

La sécheresse perturbe le village de Papaïchton sur le bord du Maroni.
Situé sur le bord du Maroni, le village de Papaïchton s’organise face à la sécheresse, le manque de pluie et un fleuve devenu impraticable. La vie quotidienne des habitants est perturbée par les coupures d’eau, les difficultés d’approvisionnement et une chaleur accablante. Reportage.

"On prie matin et soir pour que la pluie tombe", se désole une habitante de Papaïchton. Sur le bassin du Maroni, il n’a pas plu depuis 18 mois. La Guyane fait face à un déficit pluviométrique sans précédent et une forte sécheresse.

Regardez le dossier de Guyane La 1ère :

DOSSIER : la sécheresse sur le Maroni

Remplir des seaux d’eau pour se laver

"Je suis obligée de rentrer à la maison plus tôt pour remplir des seaux avant que la coupure d’eau ne commence vers 17 heures, explique Therby Koukouman, maman d’une petite fille de sept mois. Il y a tellement peu de débit que je mets parfois 20 minutes".

A Papaïchton, l’eau est coupée vers 17 heures jusqu’à 6 heures du matin. "C’est devenu une routine de remplir les seaux, s’alarme Therby. Je ne peux pas laver ma fille quand je veux, c’est triste".

Je pense aux familles nombreuses, comme font-elles pour se laver ? Comme tous les habitants de Papaïchton, je voudrais juste avoir de l’eau normalement au robinet.

Therby, habitante de Papaïchton

Therby habite le village de Papaïchton.

Manque de lait en poudre

Therby et d’autres mères de famille doivent aussi composer avec le manque de lait en poudre. "La boîte de lait en poudre est devenue extrêmement chère et parfois il n’y en a plus ici, s’alarme Therby. Une fois, on a acheté une boîte 28 euros à Papaïchton alors qu’elle coute 18 euros à Cayenne. C’est effrayant et compliqué en tant que mère". Une autre maman raconte qu’elle donne parfois de l’eau à son nourrisson, faute de lait.

Le village de Papaïchton face à la sécheresse.

Des produits à prix d’or

Dans les petits commerces de ce village de 6 000 habitants, de nombreux produits manquent et ceux qui restent se vendent à prix d’or : 100 euros la bouteille de gaz, 18 euros le pack d’eau ou encore 30 euros le sac de 5 kilos de riz.

Depuis deux semaines, les pirogues ne peuvent plus naviguer entre Maripasoula et Papaïchton. Le niveau du fleuve est trop bas. "Avant, tout était recouvert d’eau, aujourd’hui on voit des rochers qu’on n’avait jamais vus jusqu’à présent", s’inquiète Ronaldo Mekou, piroguier à Papaïchton. 

Le niveau d'eau du Maroni n'a jamais été aussi bas. Des îlots de roches et de terre asséchée sont visibles sur le fleuve.

Le fleuve impraticable en pirogue

La navigation sur le fleuve est devenue trop dangereuse, les transporteurs ont cessé les liaisons.

Habituellement acheminées par transport fluvial, les marchandises peinent à arriver au Papaïchton. Pour l’instant, les commerçants ont encore peu recours au fret aérien. Un avion Casa de l’armée doit acheminer des denrées alimentaires jusqu’aux communes du fleuve.

Il est 6h lorsque les élèves de Loca embarquent à bord des pirogues qui les conduisent jusqu’au collège de Papaichton

Le transport scolaire perturbé sur le Maroni

Sur le Maroni, le transport scolaire en pirogue est aussi perturbé. Chaque matin, 65 élèves de Loca et de Boniville viennent au collège de Papaïchton en pirogue. "Il arrive que la pirogue penche beaucoup, parfois on reste coincé dans les cailloux, on a peur", raconte Sybella, élève de 3ème.

Comme ses camarades, elle voit chaque jour le niveau du fleuve baisser. Avant, il fallait une quarantaine de minutes pour rejoindre le collège depuis Loca, il faut désormais près d’une heure.

Sybella est collégienne à Papaïchton.

Des coupures d’électricité et plus de 40 degrés en classe

Dans les salles de classe du collège de Papaïchton, la forte chaleur accable aussi les élèves et les professeurs. "Quand il y a des coupures d’électricité, le réseau internet s’arrête, mais aussi les ventilateurs", raconte Stéphanie Trouilloud, professeur au collège. 

On a chaud, on transpire, la concentration est limitée. Il est difficile de travailler en fin de matinée et encore plus l’après-midi avec des températures pouvant dépasser les 40 degrés.

Stéphanie Trouilloud, professeur

Le collège de Papaïchton

Les coupures d’électricité sont dues aux difficultés d’approvisionnement en carburant qui était jusqu’à présent acheminé en pirogue. Désormais, les fûts d’essence sont stockés à Grand Santi, et transportés en hélicoptère jusqu’à Papaïchton.

Maintenir le collège ouvert

Les coupures d’eau affectent aussi le collège quand elles ont lieu en journée. Pour le principal, l’objectif est de continuer à accueillir les élèves malgré les difficultés. "Quand les coupures durent trop longtemps on est obligé de les renvoyer chez eux, explique le principal. En revanche si le collège n’était plus du tout alimenté en eau, nous serions contraints de fermer ou de prendre des mesures de restriction des horaires de l’établissement".

En Guyane, la sécheresse perturbe le village de Papaïchton sur le bord du Maroni.

Et les services de secours ?

Au-delà du collège, les coupures d’eau qui ont lieu de 17 heures à 6 heures du matin entraînent aussi des conséquences sur le fonctionnement des services de secours de Papaïchton. Si les pompiers devaient intervenir sur un incendie sur ces horaires, il faudrait prévoir un temps d’intervention plus long pour permettre une réalimentation provisoire en eau.

Comme les autres communes du fleuve, les habitants de Papaïchton sont résignés. Ils s'adaptent, mais craignent de voir la situation durer et se durcir. 

Le Maroni à son plus bas niveau