Le documentaire s'ouvre sur une déclaration percutante : "Quand on veut soumettre quelqu’un chimiquement, il suffit d’ouvrir l’armoire à pharmacie". Ces mots plongent le spectateur dans un monde où la drogue, comme le GBH, devient une arme redoutable entre les mains des agresseurs. Inodores et incolores, ces substances se dissipent rapidement, laissant la victime désorientée, euphorique puis inconsciente, souvent sans souvenir de l'agression.
Pourquoi avoir choisi de vous intéresser au phénomène de la soumission chimique en Nouvelle-Calédonie ?
Jérome Roumagne : Une amie m’a confié avoir été droguée à son insu lors d’une soirée dans la capitale et des conséquences que ça avait pu avoir.
Puis en en parlant autour de moi, auprès de mes amis, je me suis vite rendu compte que son cas était loin d’être isolé et ça m’a tout de suite interpelé, car les conséquences sont tellement graves. On parle de vol, d’agressions sexuelles, de viol et pour certaines le fait de ne jamais savoir ce qui a pu leur arriver…
J’ai lancé un appel à témoin et le nombre effrayant de retours m’a déterminé à aborder ce sujet dont personne ne parle !
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué en recueillant les témoignages des victimes ?
J.R : Ce qui m’a le plus marqué, c’est la honte que peuvent éprouver les victimes alors qu’elles n’ont rien à se reprocher, qu’elles ont juste voulu passer une bonne soirée.
Ce qui m’a le plus choqué, ce sont les victimes qui n’avaient bu qu’un verre d’alcool ou un Coca et qui ressentent quand même cette culpabilité "C’est de ma faute, j’ai abusé". J’avais envie de leur crier : mais vous n’avez pas à avoir honte, quelqu’un a abusé de vous ! Point !
Comment jugez-vous la réponse de la Justice et des pouvoirs publiques face au problème ?
J.R : La Justice fait ce qu’elle peut. C’est un phénomène très compliqué à appréhender car les substances utilisées restent très peu de temps dans l’organisme et les victimes ont du mal à prouver ce qu’elles avancent. Les agresseurs sont rarement retrouvés et c’est toute la gravité de ce phénomène.
Cependant, je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire en termes de prévention auprès des jeunes, des dispositifs qui existent pour limiter les risques etc… Surtout j’ai été choqué de voir qu’un grand nombre d’établissements de nuit ne se sentaient pas vraiment concernés ou n’étaient pas prêts à faire d’effort pour limiter ce phénomène.
Je me suis donc dit qu’ils ne pensaient qu’à l’argent et pas à la sécurité de leurs clients. Heureusement, certains se sont sentis concernés par les témoignages qu’on leur a partagés et ont décidé de prendre des mesures pour prévenir le risque éventuel de soumission chimique dans leur établissement.
Votre documentaire explore aussi des solutions. Quelles sont-elles ?
J.R : Oui on parle de certains dispositifs qui existent comme des "capotes" de verre disponibles sur le territoire et dont on a appris l’existence pendant le tournage. Je pense que les institutions devraient prendre une mesure qui, à mon sens, est urgente. A savoir l’obligation des établissements de nuit de mettre à disposition ces capotes de verre comme cela a été fait pour les éthylotests.
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