Avec « Les rétifs », l’écrivaine Gerty Dambury livre une chronique romanesque de son île, la Guadeloupe, avec en arrière-plan, les événements précédant la répression de mai 1967 à Pointe-à-Pitre. Interview.
•
En mai 1967 en Guadeloupe, l’échec des pourparlers entre les syndicats du bâtiment qui demandent des meilleures conditions salariales et de travail, et le patronat, entraîne des débrayages et des grèves. Le 26 mai dans l’après-midi, la situation dégénère. Le préfet de l’époque, Pierre Bolotte, donne l’ordre aux forces de police de tirer sur les manifestants. Selon les sources, le nombre des morts varie entre 5 et 87. Les événements de mai 1967 sont actuellement « classés défense » par l’Etat. Les archives ne seront accessibles qu’en 2017.
Dans « Les rétifs », Emilienne, une petite écolière de neuf ans, tente de comprendre le monde qui l’entoure parmi un étrange quadrille qui réalise une chronique sociale de la Guadeloupe. Dans une atmosphère mi-réelle mi-onirique, où les souvenirs se mêlent au présent, l’univers de son île se déroule devant elle, jusqu’à ce jour funeste du 26 mai 1967.
Est-ce que mai 1967 imprègne encore la mémoire collective guadeloupéenne ?
Gerty Dambury : C’est parce que cette histoire imprime la mémoire, mais avec beaucoup d’interrogations et d’incompréhensions, qu’elle m’a intéressée. J’étais enfant quand ces événements se sont déroulés. J’ai surtout voulu rendre compte du contexte, des vexations, des difficultés de se faire entendre..., en les imaginant, en discutant avec les gens et en faisant des recherches. Par ailleurs, lors de la grève de 44 jours en 2009 en Guadeloupe, on a beaucoup parlé de mai 67, également dans l’Hexagone. Il y avait la crainte qu’il y ait des morts comme en 1967. Tout cela a mûri dans mon esprit et m’a donné le désir de parler de ces années. Mais je ne fais pas un travail d’historienne. Je fais un travail de fiction qui se base sur le sentiment d’incompréhension, qu’il y a quelque chose qui explose brutalement au milieu d’une relative tranquillité.
Peut-on dire qu’il y a eu une occultation de ces événements et que mai 67 fait en quelque sorte partie du refoulé de l’histoire la Guadeloupe ?
Gerty Dambury : Absolument. D’autant plus que l’on ne connaît toujours pas le nombre exact de morts. Il n’y a aucune information officielle. Tout est classé « secret défense » jusqu’en 2017. C’est le silence. Les familles qui ont perdu des parents n’en parlent pas. Une partie de la population cependant, qui est militante, a pris cela en charge, et ce n’est pas pour rien que le souvenir de ces événements revient au moment de conflits, comme en 2009. Mais il y a des divergences d’appréciation au sein des mouvements politiques, entre le Parti communiste et d’autres plus radicaux par exemple. Il y a des mémoires différentes.
Vous êtes plutôt connue comme dramaturge, en particulier avec « Trames » et « Lettres indiennes ». Passer de la forme théâtrale à la forme romanesque, ça n’a pas été trop difficile ?
Gerty Dambury : Ce n’est pas exactement mon premier roman. J’en ai écrit un autre qui devait être publié mais avec lequel je suis tombé en désamour. C’est une longue histoire. Par ailleurs mes premiers écrits sont des nouvelles (Mélancolie, éditions du Manguier, ndlr). C’est un genre que j’affectionne beaucoup depuis mes années étudiantes. Concernant mon roman, j’avais des tas de questionnements qui étaient liés à des échanges avec des gens. Il y a eu par exemple des questions sur l’utilisation d’un narrateur omniscient. J’ai dû dépasser certains a priori pour écrire un texte avec des histoires qui empruntent des pistes différentes mais qui reviennent à mai 1967. Ces histoires disent également d’autres choses sur la société, par rapport aux femmes, à la question de l’homosexualité, etc. Au niveau de la forme, j’ai décidé d’avoir un chœur central, un quadrille, qui distribue la parole à des personnages. Cela me ramène peut-être à quelque chose qui se rapproche du théâtre, mais ça ne me dérange pas.
Gerty Dambury – « Les rétifs » – Les éditions du Manguier, septembre 2012 – 225 pages, 16 euros.
Dans « Les rétifs », Emilienne, une petite écolière de neuf ans, tente de comprendre le monde qui l’entoure parmi un étrange quadrille qui réalise une chronique sociale de la Guadeloupe. Dans une atmosphère mi-réelle mi-onirique, où les souvenirs se mêlent au présent, l’univers de son île se déroule devant elle, jusqu’à ce jour funeste du 26 mai 1967.
Est-ce que mai 1967 imprègne encore la mémoire collective guadeloupéenne ?
Gerty Dambury : C’est parce que cette histoire imprime la mémoire, mais avec beaucoup d’interrogations et d’incompréhensions, qu’elle m’a intéressée. J’étais enfant quand ces événements se sont déroulés. J’ai surtout voulu rendre compte du contexte, des vexations, des difficultés de se faire entendre..., en les imaginant, en discutant avec les gens et en faisant des recherches. Par ailleurs, lors de la grève de 44 jours en 2009 en Guadeloupe, on a beaucoup parlé de mai 67, également dans l’Hexagone. Il y avait la crainte qu’il y ait des morts comme en 1967. Tout cela a mûri dans mon esprit et m’a donné le désir de parler de ces années. Mais je ne fais pas un travail d’historienne. Je fais un travail de fiction qui se base sur le sentiment d’incompréhension, qu’il y a quelque chose qui explose brutalement au milieu d’une relative tranquillité.
Peut-on dire qu’il y a eu une occultation de ces événements et que mai 67 fait en quelque sorte partie du refoulé de l’histoire la Guadeloupe ?
Gerty Dambury : Absolument. D’autant plus que l’on ne connaît toujours pas le nombre exact de morts. Il n’y a aucune information officielle. Tout est classé « secret défense » jusqu’en 2017. C’est le silence. Les familles qui ont perdu des parents n’en parlent pas. Une partie de la population cependant, qui est militante, a pris cela en charge, et ce n’est pas pour rien que le souvenir de ces événements revient au moment de conflits, comme en 2009. Mais il y a des divergences d’appréciation au sein des mouvements politiques, entre le Parti communiste et d’autres plus radicaux par exemple. Il y a des mémoires différentes.
Vous êtes plutôt connue comme dramaturge, en particulier avec « Trames » et « Lettres indiennes ». Passer de la forme théâtrale à la forme romanesque, ça n’a pas été trop difficile ?
Gerty Dambury : Ce n’est pas exactement mon premier roman. J’en ai écrit un autre qui devait être publié mais avec lequel je suis tombé en désamour. C’est une longue histoire. Par ailleurs mes premiers écrits sont des nouvelles (Mélancolie, éditions du Manguier, ndlr). C’est un genre que j’affectionne beaucoup depuis mes années étudiantes. Concernant mon roman, j’avais des tas de questionnements qui étaient liés à des échanges avec des gens. Il y a eu par exemple des questions sur l’utilisation d’un narrateur omniscient. J’ai dû dépasser certains a priori pour écrire un texte avec des histoires qui empruntent des pistes différentes mais qui reviennent à mai 1967. Ces histoires disent également d’autres choses sur la société, par rapport aux femmes, à la question de l’homosexualité, etc. Au niveau de la forme, j’ai décidé d’avoir un chœur central, un quadrille, qui distribue la parole à des personnages. Cela me ramène peut-être à quelque chose qui se rapproche du théâtre, mais ça ne me dérange pas.
Gerty Dambury – « Les rétifs » – Les éditions du Manguier, septembre 2012 – 225 pages, 16 euros.