Un endroit presqu'anodin dans ce parking du Centre Commercial Destreland. Rien n'y paraît anormal, rien ne pourrait laisser croire qu'à cet endroit, quinze mois plus tôt, une femme y a perdu la vie.
Cette femme, c'est Yahna. Une infirmière en poste au CHUG, appréciée de tous.
"Une battante", comme le diront tous ceux qui viendont témoigner à ses funérailles.
Une battante, mais ce jour-là, ce qui s'est joué dans ce véhicule stationné sur l'aire des taxis, en a fait une battue.
Les faits
Ce 6 juillet 2020, elle était partie formalisée l'inscription en lycée de sa fille, une adolescente de 15 ans qui s'apprête à entrer en seconde. Mais comme il manque des pièces à leur dossier, la mère et la fille se rendent ensemble au centre commercial pour effectuer des photocopies afin de retourner au lycée pour terminer l'inscription.
Elles n'y retourneront pas. Alors que la fille descend du véhicule pour aller faire les copies, la mère reste seul dans le véhicule. Quelques instants plus tard, un coup de feu dans le véhicule et les appels à l'aide de la fille, attirent vers le véhicule les agents de sécurité qui se trouvent sur place. Ils y trouvent la jeune femme, blessée à la tête et gisant dans son sang.
Une enquête et de nombreuses interrogations
Très rapidement sur place, les enquêteurs s'efforcent de comprendre ce qui s'est passé. Encore consciente dans le véhicule, la victime réagit calmement, à la fois en infirmière pour indiquer aux premiers intervenants ce qu'ils doivent faire pour l'aider, mais elle se préoccupe aussi de sa fille en insistant pour que son père soit appelé pour la prendre en charge. Mais de ce qui s'est passé, elle ne dit rien. Il va donc falloir regrouper les témoignages pour comprendre les faits.
Aux premiers instants de l'enquête, on parle de suicide. La jeune femme, disait-on, aurait tenté de se donner la mort. Invraissemblable pour ceux qui la connaissent. En effet, dans son service au CHUG, elle était le fer de lance, celle qui encourage, qui fédère, qui amuse.
Et le procureur non plus n'en sera pas convaincu. Les premiers interrogatoires avec la jeune adolescente, le conduisent à conclure ainsi quatre jours plus tard :
Le parquet de Pointe à Pitre a ouvert ce jour une information judiciaire du chef de tentative d'assassinat contre une jeune fille, mineure née en 2005, lycéenne a qui il est reproché d'avoir volontairement et avec préméditation tenté de donner la mort par arme à feu à sa mère, âgée de 39 ans.
Et ce ne sera pas simple de trier le vrai du faux, à travers tout ce que la jeune fille dit. On sait cependant qu'amoureuse d'un jeune homme membre d'une bande et qui faisait l'objet de menaces, elle aurait profiter, lors de la récupération chez elle des pièces administratives pour le dossier d'inscription au lycée, pour prendre aussi une arme de son père, un Glock 25, qu'elle aurait cachée dans son sac, dans la voiture avec l'intention de la remettre au jeune homme.
A leur arrivée au centre commercial, sa mère l'ayant envoyée faire les photocopies, aurait trouvé l'arme dans ses affaires. L'adolescente serait très vite revenue sur ses pas et aurait trouvé sa mère avec l'arme. C'est à cet endroit que les versions qu'elle donne s'affrontent. La première d'entre elles aura été celle d'une tentative de suicide de sa mère. C'est en tout cas ce qu'elle dira aux vigiles venus en aide à sa mère.
L'adolescente se serait disputée avec sa mère qui venait de découvrir l'arme et le coup serait parti pendant cette altercation.
Mais les enquêteurs ont du mal aujourd'hui encore à comprendre les raisons d'un appel donné par la jeune fille à la mère de l'une de ses amies, avant que le drame n'ait lieu, arguant d'une dispute entre ses parents qui serait la cause d'un désir de suicide de sa mère.
De plus, les premiers examens psychologiques l'ont décrite comme étant"froide et détachée", des propos qui la desservent fortement mais que son avocat, Me. Bertrand Burman, infirme :
Elle était sous le choc, dans un commissariat pour la première fois de sa vie, sa mère entre la vie et la mort, elle se fichait un peu de tout
Et d'ajouter :
Il n'y a aucun mobile, mais vraiment aucun, pour penser que c'est un assassinat. Quand on décide de tuer quelqu'un, on choisit le lieu. Là, c'était un arrêt imprévu, à dix mètres de vigiles, avec beaucoup de monde autour
Au milieu de ce qu'il décrit comme un cauchemar, Yannick, avec en main une photo de lui entouré de sa femme et de sa fille, est plus que jamais déterminé. Alors que son épouse venait de mourir de ses blessures, il s'était concentré sur ses funérailles et l'hommage qu'il souhaitait qu'elle reçoive. Dés le lendemain, il s'est plongé corps et bien dans la défense de sa fille, leur fille.
notre fille nous aimait et nous l'aimions. Entre nous et notre fille unique, il y avait une véritable relation fusionnelle Nous n'avions aucun problème avec elle. Elle est équilibrée, bien dans sa tête, travaille bien à école. Nous étions très complices, et notre famille était heureuse.
Quinze mois après les faits, sortie de son mutisme des premiers instants, l'adolescente a désormais conscience que ce 6 juillet 2020 a changé le cours de sa vie, la privant définitivement de sa mère.
Acte volontaire ou accidentel, il appartiendra ce mercredi aux juges pour enfant d'en déterminer la nature à partir de tout ce que ce dossier, encore bien mystérieux, leur dira. Dans le premier cas, la jeune fille risque 20 années de réclusion criminelle. Dans le second, elle pourrait être condamnée à 18 mois de prison.