Affaire Claude Jean-Pierre : les images de vidéosurveillance, dévoilées à tous, remobilisent l'opinion publique

Les commentaires vont bon train, depuis ce matin, alors qu'un extrait des images de vidéosurveillance, sur les conditions d'interpellation de Claude Jean-Pierre, ont été dévoilées, sur les réseaux sociaux. Les réactions suscitées vont-elles provoquer une accélération de l'instruction du dossier ?

Jusqu'ici, la population guadeloupéenne n'avait pas pu se faire une idée précise du sort connu par Claude Jean-Pierre, dit "klodo", l'après-midi où il a subi un contrôle routier de gendarmerie, dans le bourg de Deshaies.
Seuls les membres de sa famille et ses avocats avaient pu visionner les images de vidéosurveillance appartenant à la municipalité.

Mais aujourd'hui, jeudi 20 mai 2021, ces images ont été divulguées sur les réseaux sociaux, par M6Info et lemediatv.fr.

Un évènement qui donne un autre retentissement à cette affaire.

Ce que l'on voit à l'image 

Les faits se sont déroulés le 21 novembre 2020, à 14h00, en plein centre-ville de Deshaies, dans la rue qui passe derrière la mairie.

Lorsque le véhicule de Claude Jean-Pierre, 67 ans, entre dans le champ de la caméra de vidéosurveillance de l'hôtel de ville, l'homme a déjà été sommé par les gendarmes de s'arrêter. Il se gare sur la voie d'arrêt du bus, imité par la voiture de service des militaires.
S'ensuit ce qui semble être un traditionnel contrôle des papiers d'identité et du véhicule intercepté.

Puis, changement d'angle de vue, les gendarmes ayant demandé au père de famille d'avancer son véhicule.
C'est là qu'il a été extrait de sa fourgonnette. Les gendarmes s'y prennent à deux, avec force. On voit les soubresauts de l'utilitaire, au gré des mouvements violents dont usent les gendarmes, pour le faire sortir.

Aussitôt après cette extraction, Claude Jean-Pierre tombe au sol, vraisemblablement inerte. 
On voit, quelques instants après, un gendarme le retourner et le coucher sur le dos ; à cet instant, l'arrière de sa tête heurte brutalement le sol. Un gendarme tente de le relever, en le tenant par la tête, sans grand ménagement.

Le retraité deshaiesien restera une quinzaine de minutes exposé au soleil, allongé à même la chaussée, avant l'arrivée des pompiers. A un moment, tout de même, les forces de l'ordre lui abriteront le visage à l'aide d'un chapeau ; l'un des deux militaires retiendra le couvre-chef avec son pied.

Voici un extrait de la vidéosurveillance, que nous déconseillons aux personnes sensibles :

©lemediatv.fr

Il a fallu plusieurs jours pour que les images de vidéosurveillance soient dévoilée aux défenseurs de la famille de Claude Jean-Pierre.
Dès leur visionnage, les avocats ont décrit une "extraction musclée" du père de famille de son véhicule, ce qui pourraient expliquer les lésions et les blessures qu'il présentait, lors de sa prise en charge par les secours. 

Les gendarmes que l'on voit à l'image n'ont, à ce jour, pas été inquiétés.

La mort s'en est suivie

Après cet évènement, qui s'est terminé par la prise en charge de Claude Jean-Pierre par les pompiers et le SMUR, celui-ci a été hospitalisé.

Dès son arrivée au CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, les médecins ont constaté une double fracture des cervicales, dont l'une compressant la moelle épinière, ainsi que plusieurs hématomes au visage.

Il est décédé 12 jours plus tard, le 3 décembre 2020.

Sa famille a porté plainte, contre les gendarmes, dans la foulée.

La divulgation des images relance-t-elle l'affaire ?

Nous avons joint le porte-parole du collectif d'avocats de la famille de Claude Jean-Pierre. Maître Maritza Bernier entend s'exprimer prochainement, sur la divulgation de ces images. 
Pour l'instant, la défenseure nous a juste indiqué qu'elle espérait que cet évènement remobilise l'opinion publique.

Est-ce que ça a changé quelque-chose, je ne sais pas. Est-ce qu'en soit ça peut changer quelque-chose... à part remobiliser la population, juridiquement en tout cas, les choses suivent leur cours.

Maître Maritza Bernier, porte-parole du collectif d'avocats de la famille de Claude Jean-Pierre

Voilà en effet, désormais, l'affaire "Klodo" sur toutes les lèvres.
Le montage vidéo est largement partagé.
L'opinion a de quoi étayer ses commentaires.

Parmi les premières réactions, notons celles de trois de nos élus.
La présidente du Conseil Départemental de la Guadeloupe appelle à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire :

La diffusion d’images de l’interpellation de Claude Jean-Pierre rend plus que jamais nécessaire de faire toute la lumière sur les circonstances de sa mort (...).

La diffusion publique de ces images - dont il faut noter qu’elles ont fait l’objet d’un montage - ne peut cependant que provoquer une émotion légitime, dans la population, dans le prolongement de l’émoi et des interrogations qu’avait provoqué la mort de notre compatriote, quelques jours après son interpellation.

Plus que jamais, l’enquête ouverte, dès le 10 décembre, doit faire toute la lumière sur les circonstances exactes de l’interpellation et sur les causes du décès de Claude Jean-Pierre.

Comme sa famille touchée dans sa chair, c’est la Guadeloupe toute entière qui réclame vérité et justice.

Josette Borel-Lincertin, présidente du Conseil départemental

Le président de la Région Guadeloupe a exprimé "sa vive émotion" et a adressé "ses pensées solidaires et son entière compassion à la famille" :

Particulièrement choqué par la violence des images de l’interpellation de notre compatriote Claude Jean-Pierre, dit « Klodo », survenue le 21 novembre 2020.

Le Président CHALUS partage l’émotion de la population guadeloupéenne et attend de la justice qu’elle fasse son travail en toute transparence, dans le cadre de la procédure entamée depuis de trop longs mois, pour établir la vérité dans la chaine des responsabilités d’évènements qui ont conduit à la mort d’un homme.

Ary Chalus, président du Conseil régional

Le député de la 3ème circonscription, quant à lui, a adressé une lettre au premier Minsitre, à ce sujet. Pour lui, "la population de la Guadeloupe constate que les images démentent la déclaration publique du Procureur" :

Des images insoutenables d’une vidéo qui circule, depuis ce matin et qui semble démontrer que le décès de Monsieur Claude Jean-Pierre serait lié aux conditions très violentes de son contrôle (...).

Il l’alerte [le 1er ministre] sur l’urgence qu’il y a à nous informer, sur ce terrible drame et les circonstances qui l’entourent.

On le doit à la mémoire de Monsieur Claude Jean-Pierre, à sa famille et à la population.

Max Mathiasin, député de la 3ème circonscription de la Guadeloupe

A consulter, la lettre adressée au 1er Ministre, par le député Mathiasin :

"La vérité sur le décès de M. Claude JEAN-PIERRE à la suite d’un contrôle de gendarmerie"


Le procureur de la République de Basse-Terre, Xavier Sicot, que nous avons également sollicité, nous a indiqué son intention de s'exprimer demain après-midi.
Pour rappel, le magistrat avait déclaré, le 18 janvier dernier, que selon lui, la vidéo ne met en évidence aucune irrégularité, relative au mode opératoire des gendarmes qui ont interpellé Claude Jean-Pierre.

Pour autant, Claude Jean-Pierre est devenu le symbole, en Guadeloupe, de la lutte contre les actes de brutalité policière et de la gendarmerie. Le "Kolèktif vérité é jistis kont vyolans a jandam" a vu le jour et ses actions connaissent une résonnance jusque dans l'Hexagone, voire au-delà.