Affaire Lambert, à Lamentin : les locataires obtiennent gain de cause en référé

Tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre
Ils demandaient à récupérer leurs affaires laissées dans la maison qu’ils ont quittée dans l’urgence, sous la pression populaire, le 27 décembre dernier. Les anciens locataires de la famille Lambert ont déclenché une procédure en référé, devant le tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre et ont obtenu gain de cause.

La décision du tribunal de Pointe-à-Pitre est tombée mardi après-midi (09 janvier 2024), suite à l’action en référé intentée par les locataires de la famille Lambert. Ils demandaient à récupérer leurs effets personnels et des voitures qu’ils ont dû laisser dans la propriété qu’ils occupaient à Lamentin, jusqu’au 27 décembre dernier.

Cette requête a été jugée recevable.

Le tribunal répond aux attentes des locataires

Le tribunal ordonne à Thierry Lambert de remettre aux anciens occupants du bien l’intégralité de leurs effets personnels, dont "leurs papiers d’identité, leurs moyens de paiement, leurs véhicules et l’ensemble des aménagements intérieurs et extérieurs, plus particulièrement la piscine et le SPA démontables".

Nous (...), juges des contentieux de la protection statuant en référé, publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, déboutons Monsieur Thierry Lambert de sa demande de nullité de l’assignation (...) disons que Monsieur Thierry Lambert a commis un trouble manifestement illicite en procédant de fait sans titre exécutoire et sans respect des règles légales à l’expulsion de Madame X*, de Madame Y* et de tous les occupants de leur chef, notamment Monsieur Z*, ainsi qu’en reprenant la jouissance du bien dont il est propriétaire, mais qui constituait leur domicile (...)

Décision des juges en référé – 09/01/2024

[NDLR : *Nous ne mentionnons pas les noms des locataires].

Le propriétaire Thierry Lambert est aussi condamné à payer à ses anciens locataires la somme de 1500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les anciens locataires éprouvés

Souvenez-vous : c’est malgré eux, en pleine nuit, dans la précipitation, que les locataires ont quitté l’habitation qu’ils louaient. Ils se sont sentis en danger, alors que plusieurs militants sont venus soutenir le propriétaire du bien, Thierry Lambert, qui se disait spolié.
Selon ce dernier, les occupants de la maison refusaient de quitter les lieux, alors que leur contrat de location était arrivé à son terme en octobre dernier.
De leur côté, les anciens locataires se plaignaient de l’état du logement et, pour faire pression sur leur propriétaire, ils ont reconnu avoir payé irrégulièrement des loyers, depuis juin 2023 ; ils assurent aussi avoir mis plusieurs mois de loyer sous séquestre.

Lors de la procédure en référé, dont l’audience s’est tenue lundi dernier, l’avocate des anciens locataires a déploré le fait que l’expulsion n’ait pas été faite dans le respect du droit, à savoir sur la base d’un titre exécutoire. Maître Fando Montout revient sur l’enchaînement des événements et sur les raisons qui les ont poussés à lancer cette procédure en référé.

(...) Ils se sont inquiétés de personnes qui s’amassaient devant le domicile et, le lendemain, ils ont été expulsés, le 27 au soir. Ils ont eu l’impression d’une véritable descente aux enfers. La procédure, c’était juste pour qu’ils récupèrent leurs effets personnels, puisqu’ils ont été exfiltrés, en fait, le soir des faits, ils n’ont rien pu emporter, ils n’avaient qu’un sac à dos (...).

Maître Sandrine Fando-Montout, avocate des anciens locataires

Désormais, cette famille, qui compte notamment un adolescent de 17 ans, qui doit passer son baccalauréat à la fin de l’année scolaire, bénéficie de l’hospitalité de proches, ici et là. Une situation précaire très difficile à vivre, explique Me Fando Montout

Aujourd’hui, concrètement, ils n’ont pas de domicile. Ils sont logés chez des amis, deux jours par-ci, deux jours par-là (...). La préfecture leur a proposé un foyer pour monsieur et un foyer pour madame. Comme c’est une famille, ben c’est non, quoi !

Maître Sandrine Fando-Montout, avocate des anciens locataires

Un conflit de plusieurs mois

Le conflit entre le propriétaire et ses locataires n’a pas démarré le 27 décembre 2023 au soir. Cela durait depuis plusieurs mois, à tel point que les propriétaires se disaient ruinés, obligés de vivre sous une tente, avec une femme enceinte et deux enfants en bas âge.
Ainsi, Thierry Lambert se dit lui aussi éprouvé par ce contentieux, assure son avocate.

Il est épuisé, parce que ça fait un moment. L’affaire a éclaté pour vous il y a quelque temps, mais ça faisait plusieurs mois que qu’il vivait avec ça (...). Je crois que toute la Guadeloupe a été profondément touchée par ces images d’un homme avec sa famille sous une tente. Un homme noir avec une femme blanche, j’insiste ! Parce que j’ai dit que je ne tolérais plus qu’on en fasse un procès raciste. On est vraiment dans un conflit entre locataire et propriétaire (...).

Me Maritza Bernier, avocate de Thierry Lambert

Maître Bernier a demandé au juge des référés de déclarer cette procédure irrecevable et nulle, en vain. Elle explique sur quels éléments elle fondait sa demande.

On nous parle de troubles manifestement illicites, on nous dit avoir été expulsés par un collectif (...), on nous demande de récupérer des effets personnels, lesquels, on ne sait pas... une demande floue (...).

Me Maritza Bernier, avocate de Thierry Lambert

L’appel à la sérénité de l’avocate est justifié.
Mais il faudra du temps pour que les parties impliquées dans cette affaire se remettent de cette mésaventure qui a causé du tort, de part et d’autre.