Le garde des Sceaux se serait saisi du dossier judiciaire relatif au dramatique accident survenu durant la course automobile baptisée "Le Rallye Karukera", 13 ans après les faits ; cela par l’intermédiaire de son directeur de cabinet, chargé de diligenter une enquête administrative, selon l’avocat au barreau de Guadeloupe, Maître Alain Roth.
Souvenez-vous : le 23 octobre 2010, l’équipage Frédéric Pardo/Bruno Vaïtilingon a fait une sortie de route et a fini sa course dans le mur d’une maison. Le copilote a été grièvement blessé ; son pronostic vital a été un temps engagé et il avait dû être plongé dans un coma artificiel. Il est, depuis, tétraplégique.
Son père, Camille Vaïtilingon, est alors entré dans une bataille judiciaire contre celui qui était au volant de la Toyota Célica, Frédéric Pardo.
Mais la double affaire, traitée tant au pénal qu'au civil, traîne en longueur et génère quelques crispations, au fil des reports et des audiences controversées.
Le dernier fait en date est vertement dénoncé par l’avocat du copilote Bruno Vaïtilingon, Maître Alain Roth.
Une audience et une décision, sans la voix de la victime
Le 8 juin dernier, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Basse-Terre devait traiter le dossier pénal lié à cette affaire. Frédéric Pardo avait été mis en examen pour "faux et usage de faux", le 19 février 2021, par le doyen des juges d’instruction de Pointe-à-Pitre.
Mais l’avocat de la victime, Me Alain Roth, a été interdit de plaider et son client, Bruno Vaïtilingon, polyhandicapé à 95%, a été interdit d'accès à la salle d’audience, par la présidente de la Chambre, tout comme son tuteur légal qui n’est autre que son père ; tous deux étaient pourtant convoqués en tant que partie civile.
La victime de l’accident du 23 octobre 2010 est arrivée en véhicule sanitaire, bien avant l’heure de rendez-vous. La cour avait été prévenue de la nécessité d’organiser les débats dans une salle adaptée ; ils ont eu lieu à l’étage, dans une salle accessible uniquement par un escalier.
Bruno et Camille Vaïtilingon devaient prendre la parole avant les réquisitions de l’avocate générale et avant la défense, à savoir l’avocat de Frédéric Pardo. Ils en ont donc été empêchés.
L’audience s’est ainsi tenue, malgré tout, en près de 15 minutes, sur un dossier qui compte près de 2000 pages ; le résultat de 13 ans d’instruction.
Au final, le 29 juin 2023, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Basse-Terre a décidé d’un non-lieu.
"En 33 ans de métier, je n’ai jamais vu une telle insulte au métier d’avocat", fustige Me Roth, encore très en colère, deux mois après cet épisode qu’il dénonce.
Je suis choqué par la gravité des faits. On a refusé à un jeune homme tétraplégique d’assister à son procès. On a refusé de tenir l’audience à 15 mètres, dans une salle d’audience libre et accessible aux handicapés. La présidente m’a ensuite interdit de plaider, sans aucune raison. Et, pour couronner le tout, elle a demandé au tuteur du jeune homme tétraplégique de sortir de la salle d’audience, sans aucune raison.
Maître Alain Roth, avocat de Bruno Vaïtilingon
La contre-attaque de Me Alain Roth
Par question d’en rester là pour Me Roth, après tant d’années de travail, tant de souffrance pour la victime et après que le passage du dossier entre les mains de six juges d’instruction. Pas question d’expédier l’affaire !
L’avocat s’est plaint de la situation en haut lieu.
C’est ainsi qu’alerté par l’intermédiaire de son directeur de cabinet, le garde des Sceaux, Eric Dupont Moretti, a ordonné l’ouverture d’une enquête administrative et que le dossier parte directement devant la chambre criminelle de la cour de cassation, qui doit statuer définitivement en octobre. L’affaire sera suivie par le collaborateur du ministre, Jean-Denis Combrexelle.
La présidente de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Basse-Terre, dont le comportement du 8 juin dernier reste inexpliqué, a depuis été mutée à la cour d’appel de Lyon, 15 jours après les faits.
Condamnation et appel au civil
Outre cette procédure au pénal, il faut savoir que Frédéric Pardo a été déclaré seul responsable de l’accident, au civil, par le tribunal judiciaire de Fort-de-France, le 15 décembre 2020. Le pilote automobile a alors été condamné à payer une avance de 700.000 euros. Alors que ce dernier a fait appel, le tribunal doit statuer sur la somme de 10 millions d’euros, en octobre prochain.