Une arrestation qui interpelle

Arrestation musclée de Jean-Marie Nomertin
Jean-Marie Nomertin, interpellé hier après-midi par les gendarmes, intervenus pour lever le blocage de Cadi Surgelés à Jarry, a été relâché dans la soirée. Une accélération dans le conflit de Milénis qui suscite aujourd'hui beaucoup d'interrogations

 
Jean-Marie Nomertin avait été interpellé de façon musclée, vers 15 heures hier après-midi, à Jarry, devant le magasin "Cadi Surgelés". Il a été libéré dans la soirée, après quatre heures de garde à vue à la gendarmerie de Baie-Mahault.
Selon le parquet, le secrétaire général de la Confédération Générale des Travailleurs Guadeloupéens, aurait frappé un militaire. Les forces de l’ordre sont donc intervenues pour libérer les accès à "Cadi Surgelés", qui étaient bloqués depuis jeudi par des grévistes de Carrefour Milénis. Aucune charge n’a été retenue contre Jean-Marie Nomertin. Le syndicaliste affiche une détermination encore plus grande, dans ce conflit qui dure depuis 58 jours
©guadeloupe
C'est à la demande du groupe SAFO qui a obtenu un référé en ce sens, que les gendarmes sont intervenus

Ordonnance Voie Verte

L'occupation des accès de cette enseigne avait été décidée par les salariés de Carrefour Milénis-Promocash, qui, après 58 jours de grève sans aucune perspective, ont décidé d’étendre leur mouvement aux autres entreprises du Groupe Despointes. Et cela pourrait se confirmer et s’amplifier dans les prochains jours, avec le blocage d’autres enseignes du groupe.
©guadeloupe
Les grévistes, qui continuent à réclamer le maintien de leurs acquis, estiment qu’il est temps d’entamer les négociations. Ils sont en cela soutenus par les autres syndicales, galvanisés par la situation de ce vendredi
©guadeloupe

Que retenir de cette situation ?


Un acte stratégique pour la CGTG

Le conflit de Milénis intervient alors que la Guadeloupe est entrée dans la 10ème année après le conflit mené par le Lyannaj Kont Pwofitasyon. Un mouvement au sein duquel, malgré l'unité organisée et affichée, les organisations syndicales n'en ont pas moins été concurrentes dans les élections professionnelles qui les ont opposées après le mouvement. Avec un leader qui a marqué son image, l'image du LKP se confond souvent avec celle de l'UGTG, l'Union Générale des Travailleurs Guadeloupéens. 
Une situation qui incite les autres responsables syndicaux à se démarquer d'une autre manière. Il est clair qu'à la veille du 10ème anniversaire du début de la longue grève générale lancée en 2009 par le LKP, les incidents de ce vendredi ne sont pas des moindres. Elle avait démarré le 20 janvier et avait duré 44 jours, avec une figure de proue, celle d'Elie Domota. et bien qu'il se défende de vouloir marquer un tel anniversaire, le leader historique du mouvement en sera encore l'image.

Jean-Marie Nomertin, la nouvelle image de la CGTG

En face, la CGTG de Jean-Marie Nomertin demeure l'autre syndicat le plus engagé sur le terrain, notamment celui de la banane. Ancien premier syndicat de la Guadeloupe, la CGTG a longtemps été en perte de vitesse face à l'UGTG. En retrait dans la manière d'agir sur le terrain par rapport à une centrale syndicale omniprésente avec ses sections spécifiques, la CGTG, durant ces dix dernières années, a radicalisé son action syndicale. Une radicalisation qui porte toute l'empreinte de Jean-Marie Nomertin. Sa volonté d'en découdre sur tous les terrains, y compris à la barre des tribunaux, ses succès dans la filière bananes, qui est d'ailleurs son pôle d'origine, ont progressivement donné une stature incontournable au leader de la CGTG. L'action menée à Milénis et la volonté d'accélération en s'attaquant à tous les intérêts du groupe SAFO, sont en cela une manière pour lui d'occuper le terrain en donnant une consonance particulière à ce 10ème anniversaire de l'action du LKP

Une stratégie aussi du représentant de l'Etat

Depuis son arrivée à la tête de la Préfecture, Philippe Gustin a su cultiver une double image : Celle d'homme de terrain en quête de tout et à l'écoute de tous. Aucune situation ne le laisse indifférent. Avec un service de communication plus alerte, l'homme sait mettre en exergue se qu'il dit et ce qu'il fait. Il n'aura pas hésité par exemple à aller à la rencontre des grévistes de Milènis "en passant" devant eux et à s'engager à mettre en place une médiation pour sortir du conflit. 
Mais, parallèlement, le préfet inscrit aussi son action dans la fermeté. Soucieux de faire respecter la loi en toute circonstance, il sait aussi s'engager dans cet objectif. Ainsi, il n'avait pas hésité à communiquer sur le fait que la décision des grévistes d'étendre le conflit aux autres enseignes du groupe SAFO, constituait une altération à la sérénité nécessaire pour établir un dialogue au cours de cette médiation. Ce faisant, il dénonçait clairement ces occupations mais se disait disposer à poursuivre l'initiative de médiation. C'est donc sans surprise que le référé de la Voie Verte a été signifié aux manifestants hier et que les gendarmes sont intervenus pour le faire appliquer.

Un anniversaire pour l'Etat aussi
Mais, en filigrane, Philippe Gustin aura aussi voulu lancer son message du 10ème anniversaire du LKP. En n'interpellant que Jean-Marie Nomertin et aucun autre manifestant, les gendarmes donnaient un sens symbolique à cette arrestation, démontrant qu'il n'y aurait aucune exception au respect de la loi, même en ce temps de commémoration du LKP. L'effet symbole est d'ailleurs renforcé par la libération immédiate du leader de la CGTG, sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui. Une rapide libération qui n'aura pas permis au syndicaliste de capitaliser sur cet acte. Mais elle aura permis au Préfet de faire savoir à qui doit le savoir, sa volonté d'occuper toute la place qui est la sienne.
Si Elie Domota ne veut pas s'inscrire dans une commémoration de ce 10ème anniversaire, d'autres en revanche en font déjà un sujet en toile de fond de leur prise de position actuelle.